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Directeur de la publication : Edwy Plenel www.mediapart.fr 1 1/2 La Chine en passe d’être une «zone interdite» pour les journalistes étrangers PAR FRANÇOIS BOUGON ARTICLE PUBLIÉ LE MARDI 8 SEPTEMBRE 2020 Les deux journalistes australiens qui ont dû quitter la Chine. © Capture d'écran/Twitter Craignant d’être arrêtés par les autorités, deux correspondants australiens ont dû quitter la Chine. Un nouveau signe des tensions croissantes entre Canberra et Pékin et de la quasi-impossibilité de travailler en Chine pour les journalistes étrangers. Pour la première fois depuis 1972, il n’y a plus de correspondants australiens sur le sol chinois. Lundi 7 septembre, Bill Birtles, installé à Pékin pour la télévision ABC, et Mike Smith, qui travaillait depuis Shanghai pour l’Australian Financial Review, ont pris un avion pour retourner dans leur pays de peur d’être arrêtés par les autorités chinoises. Celles-ci cherchaient à les interroger dans le cadre d’une enquête liée à la détention en août d’une journaliste australienne d’origine chinoise, Cheng Lei, présentatrice pour la chaîne anglaise de la télévision publique chinoise CGTN depuis 2012 et figure de la communauté australienne dans la capitale chinoise. Les deux journalistes avaient tous deux enquêté sur cette affaire, qui intervient dans un contexte de tensions croissantes entre l’Australie, alliée des États- Unis, et la Chine à la suite de la pandémie de Covid-19. Fin août, Bill Birtles avait ainsi révélé que Mme Cheng était interrogée dans le cadre d’une détention qui permet aux enquêteurs de l’interroger pendant six mois sans assistance d’un avocat ou contact avec le monde extérieur. De peur de disparaître eux-mêmes dans les profondeurs de l’appareil sécuritaire chinois, les deux journalistes australiens ont trouvé refuge dans les enceintes diplomatiques australiennes puis ont pu quitter le pays après un accord entre Pékin et Canberra prévoyant que les journalistes soient interrogés par la police puis puissent s’en aller. Mardi, le porte-parole du ministère des affaires étrangères chinois Zhao Lijian a affirmé qu’il s’agissait d’une « simple application de la loi », « les autorités chinoises compétentes [ayant] mené des enquêtes sur deux journalistes australiens ». Il a également révélé que la Chine avait pris des « mesures nécessaires » envers Cheng Lei, car elle est soupçonnée « d’activités criminelles mettant en danger la sécurité nationale de la Chine ». Bill Birtles, qui a rencontré des policiers dans un hôtel à Pékin avant de s’envoler, a expliqué connaître Cheng Lei, « mais pas plus que cela » et assuré que Mike Smith l’avait rencontrée une seule fois à Shanghai. « Cela semble très, très politique. Cela semble beaucoup plus une bagarre diplomatique dans le contexte plus général des relations entre l’Australie et la Chine que quelque chose de spécifique lié à cette affaire », a-t-il poursuivi. Sur Twitter, le Club des correspondants étrangers de Chine (FCCC) a dénoncé « l’utilisation des journalistes étrangers comme pions dans des conflits diplomatiques plus larges ». En effet, comme le souligne le FCCC, sur les six premiers mois de l’année, la Chine a expulsé 17 correspondants étrangers. Les médias américains ont été les plus touchés, pris en otages dans le conflit entre Washington et Pékin. La Chine affirme avoir agi en représailles des sanctions prises par Donald Trump à l’encontre des journalistes chinois aux États-Unis, dénonçant une « mentalité de guerre froide ». Les conditions de travail des journalistes étrangers se sont considérablement dégradées depuis l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping fin 2012. Même s’il a toujours été compliqué de mener des reportages et des enquêtes en République populaire de Chine, Directeur de la publication : Edwy Plenel www.mediapart.fr 2 2/2 il est devenu quasiment impossible de pouvoir interviewer des interlocuteurs lorsqu’il est question de sujets politiques sensibles. Dans son rapport annuel publié en mars sur les conditions de travail en Chine, le FCCC avait fait état d’une « sérieuse dégradation ». L’association, que le pouvoir chinois a toujours refusé de reconnaître, a souligné que le pouvoir utilisait les « visas comme des armes » à l’encontre des journalistes étrangers sur une échelle sans précédent. Dans un texte du comité central diffusé en 2013 – surnommé le « document numéro 9 », car il était le neuvième de ce type publié depuis le début de l’année –, le régime chinois avait placé le « journalisme à l’occidentale » parmi les sept « tendances, positions et activités fausses » dans le domaine idéologique. Avec le paragraphe suivant qu’il est intéressant de reproduire dans son intégralité : « C’est principalement exprimé de ces manières : définir les médias comme “l’instrument public de la société” et comme le “quatrième pouvoir” ; attaquer la vision marxiste de l’actualité et promouvoir la “libre circulation de l'information sur Internet”; calomnier les efforts de notre pays pour améliorer la gestion d’Internet en les qualifiant de répression d’Internet ; affirmer que les médias ne sont pas régis par le règne de la loi mais par la volonté arbitraire de leurs dirigeants ; et appeler la Chine à promulguer une loi sur les médias fondée sur les principes occidentaux. [Certaines personnes] affirment également que la Chine restreint la liberté de la presse et ils insistent sur la suppression des départements de la propagande [du Parti communiste chinois – ndlr]. Le but ultime pour défendre la vision occidentale des médias est de colporter le principe de la liberté abstraite et absolue de la presse, de s’opposer à la direction du Parti dans les médias et de créer une ouverture pour infiltrer notre idéologie. » Dans un long blog, Bill Birtles estime que son départ s’inscrit dans la volonté de Pékin d’imposer « un récit qui se fait exclusivement aux conditions du Parti communiste. C’est une volonté qui laissera les Australiens, les Chinois et le reste du monde moins informés et moins compréhensifs envers les uns et les autres ». Un départ qui permet aussi de montrer à ceux qui restent que leur sort est entre les mains du bon vouloir de l’État-Parti. Directeur de la publication : Edwy Plenel Direction éditoriale : Carine Fouteau et Stéphane Alliès Le journal MEDIAPART est édité par la Société Editrice de Mediapart (SAS). Durée de la société : quatre-vingt-dix-neuf ans à compter du 24 octobre 2007. Capital social : 24 864,88€. Immatriculée sous le numéro 500 631 932 RCS PARIS. Numéro de Commission paritaire des publications et agences de presse : 1214Y90071 et 1219Y90071. Conseil d'administration : François Bonnet, Michel Broué, Laurent Mauduit, Edwy Plenel (Président), Sébastien Sassolas, Marie-Hélène Smiéjan, François Vitrani. Actionnaires directs et indirects : Godefroy Beauvallet, François Bonnet, Laurent Mauduit, Edwy Plenel, Marie- Hélène Smiéjan ; Laurent Chemla, F. Vitrani ; Société Ecofinance, Société Doxa, Société des Amis de Mediapart, Société des salariés de Mediapart. 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