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VOTRE DOCUMENT SUR LABASE-LEXTENSO.FR - 15/05/2020 19:21 | UNIVERSITE DE SAVOIE Autorités de régulation et responsabilité de la puissance publique Issu de Revue du droit public - n°2 - page 276 Date de parution : 01/03/2014 Id : RDP2014-2-003 Réf : RDP 2014, p. 276 Auteur : Par Benoît Delaunay, Professeur à l'Université Panthéon-Assas (Paris II) Voulues et conçues à rebours du modèle traditionnel des autorités administratives en droit français, produits indirects et acclimatés tardivement d’une greffe des agences anglo-saxonnes, il se pourrait bien que les autorités de régulation – qui empruntent communément le statut d’autorités administratives ou publiques indépendantes dans le secteur économique largement entendu – se voient rattrapées par le droit de la responsabilité de la puissance publique le plus classique issu de la jurisprudence Blanco. La raison la plus évidente de ce paradoxe tient à ce que les opérateurs économiques, lassés de ne pouvoir le plus souvent se saisir des instruments qu’offre à l’accoutumée le contentieux de la légalité – qu’on leur dénie au profit d’un « droit mou » parfois élevé avec indulgence au rang de « droit souple » – cherchent une prise contentieuse secourable, un point d’ancrage de rang et d’effet utiles, sur un terrain balisé, mieux connu bien que peu parcouru : celui de la responsabilité du fait des autorités de régulation. Car il est peu de dire que, si les écrits portant sur les autorités de régulation d’une part et sur la responsabilité de la puissance publique d’autre part sont innombrables, en revanche les études croisant ces deux notions sont demeurées excessivement rares1 ce qu’explique sans doute une jurisprudence administrative à ce jour peu prolixe sur la question. Contrairement au contentieux de la légalité des actes des autorités de régulation qui a stimulé les plumes parce qu’il a d’abord mobilisé les juges – et avant eux les requérants – le contentieux de la responsabilité du fait des autorités de régulation reste aujourd’hui un chemin peu emprunté par la doctrine car au premier chef rarement fréquenté par le requérant. La responsabilité de la puissance publique en la matière est bien sûr principalement administrative. Aussi, on ne mentionnera que pour mémoire l’article 121-2 du Code pénal qui peut engager la responsabilité des personnes publiques en dehors de l’État2. De même, on se bornera à rappeler la compétence de principe du juge administratif3 tempérée en principe par le fait que transfert au juge judiciaire des recours pour excès de pouvoir contre les décisions de certaines autorités de régulation a emporté avec lui le transfert des actions en responsabilité fondées sur l’illégalité d’une décision de cette autorité4. Dès lors, aujourd’hui, en raison de l’application d’un bloc de compétence judiciaire contribuant à une « bonne administration de la justice », la mise en jeu de la responsabilité de plusieurs autorités de régulation relève du juge judiciaire qui applique, en vertu de la jurisprudence Giry, les règles du droit public. Dans ce contexte, les autorités de régulation permettent d’éprouver la véracité de certaines théories de la responsabilité de la puissance publique et offrent à cette dernière une terre d’accueil (I) cependant, qu’en retour, la responsabilité de la puissance publique dégage un horizon nouveau qui relève de la terre de mission ou plus encore de la terre d’avenir pour le contentieux des autorités de régulation (II). I. — LES AUTORITÉS DE RÉGULATION, TERRE D’ACCUEIL DE LA RESPONSABILITÉ DE LA PUISSANCE PUBLIQUE Les autorités de régulation constituent des territoires nouveaux d’application de théories éprouvées de la responsabilité de la puissance publique, un terrain de choix pour mettre en œuvre certaines idées que juge et doctrine ont pu dégager de fort longue date et qu’elles viennent incarner ou qu’elles enrichissent d’un échantillon nouveau. Il en va ainsi tout autant de la théorie de la responsabilité comme produit de la personnalité morale que de la théorie de la responsabilité du fait des activités de contrôle. A. — Une terre de prédilection de la théorie de la responsabilité comme produit de la personnalité morale On ne saurait rêver meilleur cas d’école que celui offert par les autorités de régulation pour illustrer le lien généralement postulé entre personnalité et responsabilité5, de sorte qu’on se trouve ici en présence d’un exemple particulièrement topique de la théorie forgée, parmi d’autres, par Michoud et Hauriou faisant de la responsabilité un des attributs de la personnalité morale. En effet, la catégorie des autorités de régulation se dédouble aujourd’hui en deux sous-catégories que sont les autorités administratives indépendantes dotées de la personnalité morale et les autorités publiques indépendantes dépourvues de celles-ci6, la distribution entre les deux relevant malheureusement plus souvent de hasards normatifs ou de divagations législatives que d’un plan ordonné avec soin. Or, cette summa divisio commande la détermination de la personne responsable qui dessine la distinction entre la responsabilité de l’État du fait des autorités de régulation et la responsabilité des autorités de régulation de leur propre fait – ces dernières devenant de plus en plus nombreuses au point de se demander si l’avenir ne se fera pas sur leur modèle. 1. La responsabilité du fait des autorités de régulation dépourvues de personnalité morale Bien qu’indépendantes, la plupart des autorités de régulation sont dépourvues de la personnalité morale, leur indépendance devant être recherchée non comme on a pu parfois l’écrire imprudemment dans l’octroi de cette personnalité sinon dans leur soustraction à tout pouvoir hiérarchique et de tutelle. Par conséquent, la responsabilité, conséquence de la personnalité, ne saurait être vue comme une atteinte à l’indépendance des régulateurs si l’on veut bien se souvenir qu’« on n’impute pas à l’homme parce qu’il est libre, mais l’homme est libre parce qu’on lui impute »7. On ne manquera pas à ce propos de relever cette situation assez curieuse qui fait de l’État un responsable des actions d’autorités sur lesquelles il n’a précisément pas autorité, ce qui contraste avec la chaîne hiérarchique traditionnelle en vigueur dans l’administration. Symboles des limites – voire de la faillite – de l’administration traditionnelle, les autorités de régulation qui illustrent le désengagement autant que le démembrement d’avec l’État, conduisent paradoxalement à la responsabilité de ce dernier sur des organes qu’il ne contrôle pas : selon la formule suggestive du professeur Yves Gaudemet, « responsable du fait de l’autorité indépendante, l’État ne peut agir sur elle, puisque précisément elle est une autorité indépendante »8. Car, lorsque l’autorité de régulation est dénuée la personnalité morale, elle n’est qu’un rouage de l’État et son action ne peut, dès lors, engager la 1/5 responsabilité que de ce dernier. Le Conseil d’État l’a reconnu à deux reprises et à une quarantaine d’années d’intervalle au sujet de la commission en charge du contrôle des banques dans les affaires Kampmann de 19609 puis Kechichian de 200110. Le commissaire du gouvernement pouvait conclure sur la première que « la Commission de contrôle des banques n’a ni personnalité morale, ni patrimoine juridique propre ». De même, plus tardivement, le Conseil de prévention et de lutte contre le dopage alors non doté de la personnalité morale, pouvait engager par les décisions entachées d’illégalité qu’elle est susceptible de prendre, la responsabilité de l’État pour le compte duquel il agit11. En quelque sorte, on ne doit pas exiger d’un service public plus qu’il ne peut donner car, pour reprendre Hauriou, « la proportion de la responsabilité à la capacité est, elle aussi, une condition de la justice »12. En termes contentieux, la conséquence est d’importance : la réclamation préalable – dont il faut rappeler qu’elle est obligatoire dans le plein contentieux en application de l’article R. 421-1 du Code de justice administrative – doit être adressée au ministre compétent et, en aucun cas, au président de l’Autorité en cause13. Dans les affaires ayant donné lieu à un contentieux de ce type, même lorsque les requêtes tendaient à mettre en cause la responsabilité de l’autorité de régulation non personnalisée, elles ont été considérées par le juge comme dirigées contre l’État lui-même14. 2. La responsabilité des autorités de régulation dotées de la personnalité morale Lorsqu’elles disposent d’une personnalité morale propre – au-delà d’une personnalité contentieuse15 – les autorités de régulation doivent supporter sur leur patrimoine les actions en responsabilité dirigées contre elles. Le Conseil d’État l’a affirmé avec éclat dans un avis du 8 septembre 2005, au sujet de la Commission de contrôle des assurances, des mutuelles et des institutions de prévoyance (CAMIP) : « dès lors que la capacité juridique lui a été attribuée, il appartient à cette commission, en vertu du principe général selon lequel nul n’est responsable que de son fait, auquel ni la nature des missions confiées à la commission, ni les modalités selon lesquelles elle les exerce n’impliquent de déroger, d’assumer les conséquences des actions en responsabilité qui pourraient être engagées contre elle à l’occasion des fautes commises dans l’exercice de ses missions ». Saisi par le ministre de l’Économie et des finances, il devait répondre à la question de savoir qui de la CCAMPIP, autorité indépendante de régulation du secteur des assurances alors dotée de la personnalité morale ou de l’État devait assumer financièrement la uploads/s1/autorites-de-regulation-et-responsabilite-de-la-puissance-publique-15-05-2020-19-21-04.pdf

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  • Publié le Jan 01, 2023
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