Liste des abréviations utilisées (Abc) Abécédaire [vidéo] (AO) L’Anti-Œdipe. Ca
Liste des abréviations utilisées (Abc) Abécédaire [vidéo] (AO) L’Anti-Œdipe. Capitalisme et schizophrénie 1 (B) Le Bergsonisme (CC) Critique et clinique (D) Dialogues (DR) Différence et répétition (ES) Empirisme et subjectivité (F) Foucault (FB) Francis Bacon. Logique de la sensation (ID) L’Île déserte et autres textes. Textes et entretiens, 1953-1974 (IM) L’Image-mouvement. Cinéma 1 (IT) L’Image-temps. Cinéma 2 (LS) Logique du sens (MP) Mille plateaux. Capitalisme et schizophrénie 2 (NPh) Nietzsche et la philosophie (N) Nietzsche (K) La Philosophie critique de Kant (PS) Proust et les signes (PSM) Présentation de Sacher-Masoch (Pli) Le Pli. Leibniz et le baroque (P) Pourparlers (PV) Périclès et Verdi. La philosophie de François Châtelet (QPh) Qu’est-ce que la philosophie ? (RF) Deux régimes de fous. Textes et entretiens, 1975-1995 (SPE) Spinoza et le problème de l’expression (Sup) Superpositions « Regards de l’enfance, si particuliers, riches de ne pas encore savoir, riches d’étendue, de désert, grands de nescience, comme un fleuve qui coule (l’adulte a vendu l’étendue pour le repérage), regards qui ne sont pas encore liés, denses de tout ce qui leur échappe, étoffés par l’encore indéchiffré. Âge des questions. ‘‘Pourquoi y a-t-il tant de jours ? Où vont les nuits ?’’ […] Âge d’or des questions et c’est de réponses que l’homme meurt. » Henri Michaux 9 Introduction « Les propos que nous échangions comme balles de coton ou de caoutchouc, Deleuze nous les renvoyait durcis et alourdis comme boulets de fonte ou d’acier. On le redouta vite pour ce don qu’il avait de nous prendre d’un seul mot en flagrant délit de banalité, de niaiserie, de laxisme de pensée. Pouvoir de traduction, de transposition : toute la philosophie scolaire et éculée passant à travers lui en ressortait méconnaissable, avec un air de fraîcheur, de jamais encore digéré, d’âpre nouveauté, totalement déroutante, rebutante pour notre faiblesse, notre paresse. » Michel Tournier Lorsque Claire Parnet interroge Deleuze sur le terme « professeur » dans l’Abécédaire, il remarque en premier lieu : « J’ai aimé profondément faire cours. » (Abc, « Professeur ») Pendant les minutes qui suivent, on réalise que Deleuze est riche d’une grande réflexion concernant l’enseignement de la philosophie. Ses talents de professeur sont connus et reconnus : la distribution de certains enregistrements et la diffusion de ses cours sur Internet permettent d’apprécier la grande qualité de ceux-ci et l’envoûtement suscité par cette voix rauque et douce à la fois. En bref, Deleuze avait un « don » pour l’enseignement. Mais au-delà de ce constat sur la personne, teinté d’idéologie romantique, le « talent » de Deleuze peut s’expliquer par un souci constant de penser ce qu’apprendre veut dire. D’ailleurs, celui-ci revendique bien plus le travail – des heures de préparation pour quelques minutes d’improvisation – qu’un mystérieux don. S’il fut un grand professeur, il le doit avant tout à une réflexion approfondie sur l’apprentissage. Le parcours de son œuvre permet de 10 vite comprendre que les réflexions de l’Abécédaire (1988) sont le fruit d’un intérêt permanent pour l’« Apprendre » et le concept de « problème ». Cette réflexion est avant tout philosophique : c’est parce que Deleuze s’interroge sur le problème du transcendantal et sur ce que signifie « penser » qu’il est conduit à problématiser l’Apprendre et à construire un concept de problème. C’est pour cela que j’aimerais penser avec Deleuze l’enseignement de la philosophie, penser avec les « outils » conceptuels qu’il propose. Deleuze peut être considéré comme faisant partie de la lignée des grands philosophes de l’éducation – peut-être même faudrait-il dire : un des rares philosophes de la seconde moitié du vingtième siècle à prendre au sérieux l’apprentissage. Un indice probant est son intérêt pour les récits d’apprentissage – au sens large. Souvent, Deleuze porte l’accent sur les dimensions éducatives, formatives, pédagogiques d’un auteur qu’il aime et étudie. La lecture de La Recherche du temps perdu est symptomatique ; il y soutient une position volontairement originale : « Il s’agit, non pas d’une exposition de la mémoire involontaire, mais du récit d’un apprentissage. » (PS, 10) Autres exemples, dans le cinéma : parmi ses réalisateurs préférés, ils sont nombreux à l’être pour des raisons qui ont trait à l’apprentissage ou au problème. Ainsi, Fellini filme des cristaux de temps « en formation » (IT, 117-121), Kurosawa filme des situations-problèmes (IM, 255- 260 ; IT, 168 et 229), Pasolini construit une opposition entre théorème et problème (IT, 226-227), Godard utilise des catégories de problèmes, qui introduisent la réflexion dans l’image même (IT, 242) et Welles se fait le chantre nietzschéen de la critique de la volonté de vérité, de la méchanceté et de la bêtise (IT, 179-191). Toujours sensible aux récits d’apprentissage dans l’art, sous des formes variées, Deleuze capture les éléments concrets produits par les artistes afin d’alimenter sa réflexion sur les conditions effectives de la pensée. Loin de faire du pédagogique un appendice ou un aspect secondaire de sa philosophie, il a hissé les questions pédagogiques à un niveau proprement transcendantal. L’apprentissage et le problème ne sont pas des questions annexes, seulement techniques chez lui – c’est-à- dire d’application ; ce sont des problèmes essentiels, donc premiers, pour celui qui s’étonne du fait de la pensée – mystérieuse, rare. Le 11 pédagogique devient forme de la pensée.1 Dès lors, le problème de l’effort de la pensée n’est pas : « comment acquérir des connaissances et les transmettre à qui le voudrait ? », mais « comment réussir à produire des Idées et forcer quelqu’un à le faire ? » En effet, l’une des thèses profondément pédagogiques de Deleuze est celle d’un transcendantal qui envisage les conditions effectives de la pensée. Deleuze ne cherche pas à savoir ce qui rend une pensée vraie en droit, mais ce qui rend une pensée existante en fait. Le problème est radical et originaire : comment advient la pensée ? Cela suppose qu’on ne tienne pas pour évident le fait de pouvoir penser. Répondre qu’il suffit de vouloir penser, c’est s’inscrire dans une tradition philosophique qui n’est pas celle de Deleuze. Si Deleuze peut féconder une réflexion sur l’enseignement de la philosophie, c’est parce qu’il affronte en toute naïveté le fait qu’on n’a aucune raison a priori de vouloir dépenser du temps et de l’énergie à une activité comme « penser ». La figure de l’élève est la première concernée. Le problème soulevé par Deleuze a donc des échos décisifs pour penser 1 Qu’on ne se méprenne surtout pas : les analyses de cet ouvrage sur la nature essentiellement pédagogique de la pensée philosophique ne sont en rien une énième parade pour évacuer les questions proprement didactiques. Dans un article stimulant, Nelly Robinet-Bruyère fustige à juste titre la « résorption du pédagogique dans l’acte de philosopher » qui devient prétexte à « refuser catégoriquement l’aide de la pédagogie et de la réflexion didactique. » – cf. Robinet-Bruyère N., « Quand Descartes sort de son poêle… », dans Ferrari J. & Alii., Socrate pour tous, p.133. Ce type de rejet, hautain et complètement injustifié, de certains professeurs de philosophie ne peut que nuire à l’enseignement de cette discipline. Tel inspecteur général aimait par exemple à clamer : « Comme on le sait depuis Platon, la pédagogie n’est jamais que le succédané dérisoire de la philosophie. » – cf. Muglioni J., « L’enseignement philosophique et l’avenir de l’Europe », dans Klibansky R. & Pears D. (dir.), La Philosophie en Europe, p.791. Je prends le temps de rapporter ce type de position pour m’en démarquer vivement. Il est malsain pour l’enseignement de la philosophie de penser que son exercice irait de soi. Soyons clair : le déni de la pédagogie comme telle est une pétition de principe. Si certains se servent de Platon pour arguer de l’inutilité de la pédagogie, il s’agit d’une rationalisation – au sens freudien. On ne peut aucunement conclure du statut pédagogique de la pensée philosophique à l’inutilité des questions pédagogiques; ce serait plutôt l’inverse. D’ailleurs, la fréquentation des concepts deleuziens m’apparaît comme un encouragement à voir dans les problèmes d’enseignement de la philosophie de véritables problèmes philosophiques qui intéressent la philosophie en son cœur. 12 une situation d’enseignement de la philosophie : à quelles conditions – effectives ! – un individu est-il conduit à penser, à s’intéresser à des problèmes, à les construire, à les poursuivre, à les désirer ? Comment un élève pourrait-il désirer poursuivre une entreprise dont, nous dit Deleuze, la naissance est toujours due à une violence, à la griffe des signes du réel qui forcent à penser ? (PS, 115-118)2 Néanmoins, l’enquête de ce livre n’est pas une synthèse thématique. Il ne s’agit pas d’un exposé sur « Deleuze et l’enseignement ». Quel est alors le fil de cette enquête ? La réflexion prend pour cadre le très important chapitre trois de Différence et répétition, consacré à l’« Image de la pensée ». Deleuze y expose huit postulats de l’image dogmatique de la pensée. C’est un moment important qui fournit les principaux thèmes deleuziens féconds pour une réflexion sur l’enseignement de la philosophie : « la uploads/s1/charbonnier-sebastien-deleuze-pedagogue-la-fonction-transcendantale-de-l-x27-apprentissage-et-du-probleme.pdf
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- Publié le Aoû 03, 2021
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