REVUE BIBLIQUE Typographie Firmin-Didot et C". — Paris. NOUVELLE SERIE DOUZIEME
REVUE BIBLIQUE Typographie Firmin-Didot et C". — Paris. NOUVELLE SERIE DOUZIEME ANNEE TOME XII REVUE BIBLIQUE PUBLIEE PAR L'ECOLE PRATIQUE D'ÉTUDES BIBLIQUES ETAIU.IE AU COUVENT DOMINICAIN S VINT-ETIENNE DE JEl'.LSALEM PARIS LIBRAIRIE VICTOR LECOFFRE J. GABALDA, ÉDITEUR RUE BONAPARTE, 90 1915 OCT 1 7 1959 L'ECCLÉSIOLOGIE DE SAIM AUGUSTIN La Revue biblique, qui a publié voici vingt ans les premiers chapitres de VEi/lise naissante de M" Pierre Batiiïoi. a demandé à Tauteur de lui donner la primeur de quelqu'un des chapitres centraux de son proeiiain livre, le Ci/tholicisme romain de saint Damase à saint Léon : ces chapitres traitent de l'ecclésiologie de saint Augustin. >". D. L. R. I Lorsque, sur la fin de 388, Augustin est revenu à Tagaste. il a trente-quatre ans, il est baptisé, il est plus encore converti, et l'ancien rhéteur de Carthage, de Rome et de Milan, a renoncé au monde : il va vivre trois années dans cette retraite. C'est le temps des lettres à Nebridius, à Maxime de Madaure.... le temps où Augustin compose le Demaghtro, le De vera religione... Il en est encore à la philosophie, il est préoccupé de combattre le Manichéisme, il esquisse dans le De vera religione une somme des raisons de croire en opposition avec la philosophie, le paganisme, le Manichéisme. Dans les écrits de cette période, pas plus que dans les écrits des années antérieures (386- 388), l'attention d'Augustin ne parait avoir été attirée par le Dona- tisme, qui est bien la moins philosophique des erreurs. La lettre à Antoninus. qui doit être de 390. suggère qu'Antoninus est catholique et que sa femme est donatiste. Augustin félicite Anto- ninus d'être chrétien en toute simplicité et d'avoir une foi sans erreur [nullo modo erras credendo^ ; il souhaite à Antoninus que son fils, qui est un enfant, grandisse fidèle aux préceptes du Seigneur; il prie pour que sa maison parvienne à l'unité de foi et à la piété véritable, qui est la piété catholique seule ; paisse Antoninus discrètement persuader sa femme, et lui faire sentir quelle ditférence il y a entre un schisme 6 REVUE BIBLIQUE. quelconque et l'unité catholique, « quid inler schisma quodlibel alque unam Catholicam intersit ». Cette lettre familière est du siècle encore par son éloquence étudiée. Elle révèle Augustin peu enclin à obtenir la conversion de la femme d'Antoninus par les voies de l'autorité con- jugale, disposé à recourir uniquement à la persuasion, à la sainte Écriture et aux entretiens sérieux, convaincu qu'il est facile de démon- trer le bon droit du Catholicisme à quiconque a le souci de son âme et pour cela recherche la volonté de Dieu sans obstination (1). Ces quelques mots sont un programme, pour autant qu'ils définissent le Catholicisme, « devolionem veram qiiae sola catholica est », et qu'ils n'attendent l'extension du Catholicisme que de la controverse, « bono denwnslratore ». Au début de 391, Augustin a été fait prêtre de l'Église d'Hippone, il on sera fait évêque en 396 : ces cinq années do prêtrise sont les premières années de prédication d'Augustin, ce sont des années encore occupées à combattre avant tout le Manichéisme. C'est le temps du De ulililate credendi, qu'il écrit pour son ami Honoratus resté manichéen ; c'est le temps du De duabus animabus, du Liber contra Adimanlum Manichaei discipulum, du Liber contra epistidam Fundamenii\ c'est mieux encore le temps de la Disputatio contra Forlunatum manichaeum. Parce qu'il est un converti du Mani- chéisme, Augustin doit se sentir pressé de le combattre, et armé mieux que personne pour le combattre efficacement. A Hippone même, le Manichéisme a une communauté, k la tête de laquelle est un prêtre entreprenant et captieux, Fortunatus, qui fait beaucoup pour la propagande de la secte. Les chrétiens d'Hippone pressent Augustin de provoquer Fortunatus à une conférence publique : les relations entre Catholiques et Donatistes sont à ce moment telles que les Donatistes se joignent aux Catholiques pour décider Augustin (2). Cette démarche laisse croire que dans une ville comme Hippone, Catholiques et Donatistes, s'il ne s'agit que des fidèles des deux (1) AiG. Epislul. XX, 3 : « Illud saiie adinonueriin leligiosissimam prudentiatn tiiam, ut limorem Dei non inralionabilem vel inseras infinniori vasi luo vel nutrias divina lectione gravique conloquio... » — Rapprocher l'aimable lettre à Gains, Epistul. XIX, qui se ter- mine ainsi : « Neque ullo modo siverit Domini nostri misericordissima providentia, ut a catholico Christi grege tu vir tam bonus et egregie cordatus alienus sis. » Gaius devait être un païen sur le chemin de la conversion. (2) Possimus, 6 : Interea Ilipponenses cives et peregrini Christiani tam catholici (juam etiam donatistae, adeunt presbyterum ac deposcunt ut illum hominem Manichaeorum pres- bylerum quem doctum credebant videret, et cum eodern de lege tractaret. » La Disputatio est le procès-verbal de la conférence, rétUgé par les notaires qui y assistent. La conférence a lieu dans un édifice public d'Hippone, « in balneis Sossli », en public, « in praesentia populi ». Elle occupe deux séances, la première le 28 août 392, la seconde le lendemain. L'ECCLÉSIOLOGIE DE SAINT AUGUSTIN. 7 Églises, vivent en paix. Les Donatistes partagent l'admiration des Catholiques pour Augustin, aux prédications {tractatus) de qui ils viennent assister ensemble avec une égale ferveur (1). Le clergé donatiste, au contraire, se tient sur la défensive et doit voir de mauvais œil cette sociabilité. Vers 39*2, la lettre d'Augustin à Maximinus éclaire cette situation. Maximinus, évoque donatiste de Sinitum, localité voisine dHippone, a administré le baptême à un diacre catholique de Mutugenna passé au Donatisme. Mutugenna est une autre localité du diocèse d'Hip- pone. Le scandale de cette rebaptisation d'un diacre catholique est trop grand pour qu'Augustin puisse s'en taire. Augustin donc, en l'absence de Févêque d'Hippone. Valerius. prend sur lui d'écrire à Maximinus, « dilectissimo et Jionorahili fratri Maxiinino ». Il s'excuse de ne lui donner pas le titre dévèque, puisque Maximinus n'est pas son évêque, mais il réclame le droit de lui donner le nom de frère, quoi que puisse bien réclamer le Donatisme contre cette fraternité. Augustin n'ignore pas que la pratique des rebaptisationn sévit dans la région, mais on l'avait assuré que Maximinus, quant à lui. ne rebapti- sait pas : « Non defuerunl laudatores tui, qui mihi dicerent te ista non facere. » Augustin connaît donc des fidèles qui font l'éloge de l'évêque donatiste, volontiers il a ajouté toi à leurs dires, et cru que Maximinus attachait par là du prix à se rapprocher de l'Église catholique, « quod tali proposito ah Ecclesia catkolica nolueris esse nimis alienm ». Je cherchais, continue Augustin, une occasion de m'entretenir avec toi, dans la pensée de nous rapprocher tout à fait, puisque, supprimée la rebaptisation, il ne devait plus y avoir entre nous de dissentiment sérieux (2). — Le scandale du diacre re- baptisé est survenu ; Augustin n'a voulu croire d'abord ni à la triste chute du diacre, ni au crime inopiné [inopinatuni sceliis) de Maxi- minus; il s'est transporté à Mutugenna, il n'a pu voir le malheureux diacre, dont le père et la mère lui ont révélé qu'il était maintenant diacre donatiste. A-t-il vraiment été rebaptisé? Augustin conjure Maximinus de lui dire ce qui s'est passé, en le prévenant qu'il lira sa (1) PossiDius, 7 : <( ...Ipsi quoque haeretici concurrentes cura calholicis ingenli ardore audiebant. « Le contexte désigne les Donatistes comme lélément prédominant de ces hérétiques. — Que le clergé donatiste fût très opposé à cette sociabilité, ou en a main- tes preuves. Voyez notamment Enarr. in psalm. LVH, 9 (vers SQO; : >< Quid nos quae- ritis? Quid nos vultis? dicunt : Recedite a nobis. Dicunt autem et suis': .Nenio cum illis loquatur, nemo illis coniungatur, nemo illos audiat. i (2) AuG. Epistul. XXIII, 2 : ( Quaerebam sane occasionem loquendi tetuin. ut, si fieri posset, ea quae parva remanserat inter nos dissensio toUeretur. » 8 REVLE BIBLIQUE. réponse à l'Église dans l'assemblée des fidèles (1). Si Maximinus reconnaît avoir rebaptisé, les Donatistes ne lui reprocheront pas de le proclamer. S'il n'a pas rebaptisé, qu'il aille jusqu'au bout du respect qu'il professe pour le baptême catholique, et Augustin insiste avec une vraie éloquence sur le scrupule qu'il prête à Maxi- minus (2). — Heureuse inconséquence de l'évêque donatiste, en effet, s'il reconnaît la validité du baptême catholique, car ce sera reconnaî- tre la sainteté et la légitimité de l'Église catholique, et alors pourquoi le schisme? pourquoi se séparer de la mère unique et véritable, « uniiis verissimae matris »? Plus heureuse décision, si, en dépit des conciles de sa secte qui lui font une loi de rebaptiser. Maximinus s'y refuse et a le courage de le dire, car la paix est tout près d'être faite : « Credimus de 7nisericordia Domini... quod inter vos et 7ios cito par. erit . » Que cette initiative parte de Maximinus, « a te profi- ciscatur lum imilabile medicinae documentum » (3i. Augustin sait que la question telle qu'il la pose est la question telle qu'il faut la poser pour aboutir. Il prie Maximinus uploads/s1/ecole-pratique-d-x27-etudes-bibliques-revue-biblique-1892-volume-24.pdf
Documents similaires










-
62
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Jui 09, 2021
- Catégorie Administration
- Langue French
- Taille du fichier 42.8361MB