(g) HISTOIRE DES MARIONNETTES EN EUROPE DEPUIS L'ANTIQUITÉ JUSQU'A NOS JOURS CH

(g) HISTOIRE DES MARIONNETTES EN EUROPE DEPUIS L'ANTIQUITÉ JUSQU'A NOS JOURS CHARLES MAGNIl^ Membre de Tlnstilut. 4_ A , & mm ? ? V si n -7/ PARIS MICHEL LÉVY FRÈRES, LIBRAIRES-ÉDITEURS RUE YIVIEHNE, 2 bis LEIPZIG, CHEZ MICHELSEN 1852 à '« ll!0 *.^ 'i ITîiiy il HISTOIRE MARIONNETTES COUP D'ŒIL GÉNÉRAL. Voilà, dira-t-on peut-être, un titre bien solennel pour un sujet bien frivole. Mérite-t-elle donc l'honneur d'une histoire en forme, cette petite scène ambulante, parodie de la vie humaine, grotesque antithèse de deux exagérations, dont l'une rapetisse à l'excès les proportions de l'espèce, et l'autre grossit sans mesure les défauts de l'individu? A-t-elle le moindre droit à l'attention de l'homme sensé, cette stridente et poudreuse Thalie des champs de foire et des carre- fours, joie de l'enfant hors de l'école et du peuple hors de l'atelier? — Eh! pourquoi non? Dans ce qu'on est convenu d'appeler les choses sé- rieuses de la vie, y a-t-il, au fond, tant de gravité et de réelle impor- tance, qu'on doive bien vivement regretter quelques heures occupées ou perdues à suivre, à travers les âges, les vicissitudes d'un divertis- sement original qui a fait, ou peu s'en faut, le tour de notre planète et a réjoui, depuis bientôt trois mille ans, les deux tiers du genre hu- main? ^ pourtant on insistait, et qu'à toute force je dusse fournir une 1 s COUP d'osil général. excuse pour le choix de ce sujet anormal, je pourrais aisément allé- guer l'exemple de tant de profonds ou charmans esprits, qui n'ont pas craint de compromettre leur bonne renommée de savans, de poètes, voire de théologiens et de philosophes, dans l'intimité de ces mignonnes et agiles merveilles. Combien ne pourrais- je pas rappeler de traits pi- quans, de hautes leçons, de pensées frappantes de raison, de caprice ou de poésie, inspirés par les marionnettes aux plus grands écrivains de toutes les contrées et de tous les temps? J'étonnerai, je crois, quel- ques-uns de ceux qui me lisent, en inscrivant en tête de cette liste de glorieux patronage Platon, Aristote , Horace , Marc-Aurèle, Pétrone, Galien, Apulée, tertullien, et, parmi les modernes, Sfiakspeare, Cer- vantes, Ben Jonson, Molière, Hamilton, Pope, Swift, Fielding, Voltaire, Goethe, Byron. Enfin (et ces récens souvenirs m'auraient suffisam- ment protégé), on sait quelles fines et riches arabesques ont tracées à l'envi sur ce léger canevas quelques-uns de nos plus spirituels con- temporains, et à leur tête Charles Nodier, l'ingénieux secrétaire de la Reine des songes, l'assidu dileltante du boulevard du Temple, l'ami déclaré, que dis-je? le compère, l'admirateur passionné de Polichinelle. Mais, en réveillant, un peu à l'étourdie, ces trop briilans et trop poé- tiques souvenirs, ne vais-je pas m'attirer une objection plus forte, ou du moins plus spécieuse que celle que j'ai cru devoir d'abord écarter? Ne va-t-on pas me taxer d'outrecuidance, pour oser porter la vue sur ira sujet aussi élevé, et sur lequel des écrivains d'une si rare distinc- tion ont laissé la fraîche empreinte de leur passage? Aussi me garde- rai-je bien, soyez-en sûr, de m 'aventurer sur leurs traces. Je n'ai point la fatuité de vouloir mettre (comme auraient dit les Grecs) le pied dans la danse de ces beaux génies (1). Je sais trop ce qui me manque pour agiter après eux aA'ec succès les grelots de celte marotte. A lui seul, notre inimitable ami, le docteur Néophobus, si proche parent du spiri- tuel Jonathan Swift, a épuisé tout ce que la fantaisie moderne pouvait répandre de fine et souriante ironie sur les marionnettes petites et graiides. Force était donc de me tracer un plan tout autre et plus uio- (1) CcUe énergique location proverbiale témoigne de tonte l'importance qu'on attadiait «D Gtèçe à la choragie. Voyez Pluiareb., Syntpas^ Ut. Vj qtuesti i. Op. i. li, p. 673^ D. deste. Je me propose tout uniment d'écrire, à l'exempîe du bon père Lwpi (1), mais sur un plan moins restreint, l'histoire des comédiens de bois, non-seulement chez les anciens, mais au moyen-âge et chez les nations modernes, histoire qui ne peut, je le sais, avoir quelque cbànce d'intéresser sous ma plume qu'autant qu'elle sera conçue et exécutée, comme je vais tâcher de le faire, en toute sincérité, simpfi- cilé et bonne foi. Prendre ainsi ce sujet par son côté sévère et didactique, c'est, je ne l'ignore pas, lui enlever tout à coup l'avantage des allusions, le piquant des saillies, la ressource des digressions, enfin tout le brio traditionnel auquel il s'est si bien prêté jusqu'ici; mais ne peut-on pas espérer de lui faire regagner, en revanche, un sérieux et solide intérêt de curio- sité par l'imprévu des faits, la nouveauté des recherches, la grandeur singulière des noms et des choses^ auxquels une destinée bizarre a presque continuellement associé ce petit théâtre? Oui, les marionnettes touchent, par une foule de points peu remarqués, à tout ce qu'il y a au monde de plus grave et de plus considérable, aux sciences, aux beaux-arts, à la poésie, aux cérémonies dti culte, à la politique. Pres- tigieuses petites créatures, douées à leur naissance des faveurs de plu-^ sieurs fées, les marionnettes ont reçu de la sculpture, la forme; de la peinture, le coloris; de la mécanique, le mouvement; de la poésie, U parole; de la musique et de la chorégraphie, la grâce et là mesure des pas et des gestes; enfin, de l'improvisation, le plus précieux des pririléges, la libeiié de tout <iire (2). Et, quand on vientà songer qu'eu tvi* siècle des mathématiciens aussi émincns qu» Federico Comman- difio d'Urbin et Gianello Torriani de Crémone, qu'au xvni* des écri- vains ân«iatiques aussi justement célèbreis que Lesag^e et Piron^ et ffyii^Vatft jésuite IftarîaotDtrio ttipî t étrH nne bfttJic, mais trop 6rètè dîs«erta- tioa sur les marionncUes des anciciK : Sopra i burattini degli antichi, \mféfée dans le tome second du recueil de ses Dissertazioni , lettere ed altre opérette, publié eu deux T^lumes in-i» par Zaccaria, pw lT-21. Celte disserUtioa a été traduke dans le Jtutnal étranger; vol. d« janvier 1757^ p. 195-âOà. (2) Elles n'oQt pas joui, cependant, de celte bberté dans t«us les pays. jiMu Terrant les marionnettes censurées en France et proscrites dans le royaume de Prusse, en 1794, ainsi que dans quelques autres états da Norik 4 COUP D ŒIL GENERAL. d'aussi sublimes musiciens que Haydn, ont travaillé pour les marion- nettes, on est obligé de convenir que l'histoire littéraire et la critique auraient bien mauvaise grâce de croire déroger, en accordant à ces honnêtes comédiens sans subvention ni cabale un peu de cette atten- tion bienveillante qu'elles ont plus d'une fois prodiguée à des machines moins intelligentes. Il s'agit, j'en conviens, d'un spectacle en minia- ture : In tenui labor; mais qu'importe l'exiguïté du cadre, si, entre ce châssis de six pieds carrés, sur le plancher de ce théâtre nain, il se dé- pense, bon an mal an, autant et plus peut-être d'esprit, de malice et de franc comique, que derrière la rampe de beaucoup de théâtres à vaste enceinte et à prétentions gigantesques? Pour moi, dans la prévision de mes futurs devoirs d'historiographe, j'ai recueilli tout ce que des lectures, entreprises pour d'autres études, m'ont pu fournir çà et là de renseignemens sur leurs annales. J'ai recherché leur origine, les di- vers procédés de leur mise en scène, la composition de leur répertoire dans tous les lieux et dans tous les âges, mais plus particulièrement en France, où je l'ai trouvé plus riche, plus varié, et, à certains égards, plus littéraire qu'on ne le suppose; enfin, j'ai tâché de rétablir la série des hommes qui ont acquis dans cet art, si inférieur qu'il soit, profit et renommée, depuis l'Athénien Pothein, contemporain et presque rival d'Euripide (1), jusqu'à Jean et François Brioché, Robert Powel, l'in- fortunée Charlotte Charke, Alexandre Bertrand, Bienfait et leurs plus récens successeurs. Séraphin et Guignol. Cela dit, et les personnes qui, sur la foi du titre, auraient eu la velléité de me lire bien et loya- lement averties de l'austérité de mon programme, il ne me reste plus qu'à lever le rideau, à saisir les fils de mes petits personnages, et à emprunter à Addison, qui a chanté sur le mode virgilien Punch et les Puppet-shows (qu'il appelle un peu sèchement machinée gesticulantes) le premier vers de son poème, que je transcris ici comme épigraphe : Admiranda cano levium spectacula rerum. (1) Eustathe mentionne, à propos d'un vers du lY* chant de l'Iliade, le joueur de marionnettes Pothein, auquel il donne l'épithète de IlE/scTnierTo;, connu de tous côtés. Yoy. Comm. in Itiad., p. i57, édit. de Rome. PREMIÈRE ÉPOQUE. BAMONNETTES DANS L'ANTIQUITÉ. HABIOimETTES PRIMIimS. — 8CCIPTUM HOBILl. — TROIS FAMILLES DE MiJUONKETTES. Tout le monde sait que les marionnettes (je donnerai plus tard l'éty- Imologie du mot, je ne m'occupe en ce moment que de la chose), tout le monde, dis-je, sait que les marionnettes sont des figurines de bois, d'os, d'ivoire, de terre cuite ou simplement de linges, qui représen- tent des êtres réels ou fantastiques, et dont les articulations flexibles obéissent à uploads/s1/ histoire-des-marionettes-de-l-x27-antiquite-a-nos-jours.pdf

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  • Publié le Nov 25, 2021
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