1 François Guizot ministre de l'Instruction publique Les antécédents Lorsque, l
1 François Guizot ministre de l'Instruction publique Les antécédents Lorsque, le 11 octobre 1832, François Guizot devient le septième ministre de l'Instruction publique de la monarchie de Juillet, il vient d'avoir quarante-cinq ans. D'âge mûr, il a derrière lui vingt années d'expérience universitaire, administrative et politique. Des questions d'enseignement, il est depuis longtemps un praticien et un théoricien reconnu. Après des études secondaires à Genève, il s'est formé à Paris largement en autodidacte, par ses lectures et ses fréquentations, en particulier celle de Philippe-Albert Stapfer, pasteur et ancien ministre de Suisse à Paris, qui le recruta quelque temps comme répétiteur pour ses deux fils. Recommandé par l'académicien Suard à Fontanes, grand-maître de l'Université, il est nommé en 1812 professeur d'histoire moderne à la faculté des Lettres de Paris. Professeur d'histoire pourtant né des circonstances - car Guizot n'avait pas de compétences particulières dans ce domaine - il le demeura jusqu'à la liquidation de sa retraite en 1849. Davantage, il incarna la fonction professorale aux yeux de la génération romantique, et c'est là sans doute qu'il réussit le mieux. Même ses adversaires les plus résolus conviennent qu'il fut le plus grand professeur d'histoire en France du premier XIXe siècle. C'est aussi en 1812 qu'il épousa Pauline de Meulan, journaliste et publiciste, avec laquelle, durant plus de quinze ans, il forma un tandem original et efficace. Ensemble ils avaient fondé en 1811 et rédigèrent seuls durant trois ans les Annales de l'Education, un mensuel à l'usage des familles et aussi des maîtres désireux de s'informer des idées, des méthodes et des ouvrages propres à diffuser et à réussir l'éducation des enfants et des élèves. La première Mme Guizot, mère depuis 1815 d'un jeune François, écrivit par ailleurs, jusqu'à sa mort en 1827, des livres d'éducation et de morale dont certains, comme « De l'Education » ou « L'Écolier, ou Raoul et Victor », rencontrèrent un vif succès. De son côté, son mari adhéra dès sa fondation en 1815 à la Société pour l'instruction élémentaire, qui soutenait en particulier l'enseignement mutuel, venu d'Angleterre et alors très en vogue. Cette même année, il devenait membre du consistoire de l'Eglise réformée de Paris, et le restera soixante ans durant. En 1815 encore, à la fois comme universitaire et comme secrétaire général du ministère de l'Intérieur, il est le principal artisan de l'ordonnance royale du 17 février relative à la réforme de l'Instruction publique. Ce texte, dont les 2 circonstances empêchèrent l'application, mais qui contient en 86 articles tout un plan de réorganisation décentralisée de l'Université en dix-sept académies, rappelle dans son préambule que « l'éducation nationale a pour véritable objet de propager les bonnes doctrines, de maintenir les bonnes moeurs et de former des hommes qui, par leurs lumières et leurs vertus, puissent rendre à la société les utiles leçons et les sages exemples qu'ils ont reçus de leurs maîtres. » Surtout, Guizot est conduit, contre les attaques de la Chambre introuvable prônant le contrôle du clergé catholique sur l'enseignement, à prendre la défense de l'Université, dont son maître et ami Royer-Collard est alors le grand maître, et à préciser ses propres idées dans une brochure substantielle parue dans la deuxième moitié de 1816, l'Essai sur l'histoire et sur l'état actuel de l'instruction publique en France, a la conception duquel l'illustre luthérien Georges Cuvier, son collègue du Conseil d'Etat, secrétaire perpétuel de l'académie des Sciences et futur grand maître en 1820, aurait participé. Ce texte vigoureux se ressent des circonstances, puisque Guizot y soutient le monopole de l’Université, qui constitue à ses yeux le meilleur de l’héritage impérial et qui est conçue ici comme « un grand corps, soumis à un gouvernement spécial et puisé dans son sein ». Cependant, bien des éléments se retrouveront plus tard dans la politique du ministre de l’Instruction publique de Louis-Philippe, à commencer par la première page qui assied un principe: « L'État donne l’éducation et l'instruction à ceux qui n'en recevraient point sans lui, et se charge de les procurer à ceux qui voudront les recevoir de lui. » Guizot distingue ensuite les trois niveaux d'instruction - primaire, secondaire, spéciale - et précise leurs contenus, en premier lieu « les préceptes de la religion et de la morale ». En effet, explique l’auteur, alors que l’ignorance « rend le peuple turbulent et féroce », comme le prouve la Révolution française, largement due à l'état d'abandon dans lequel se trouvait l’enseignement primaire au XVIIIe siècle, l’éducation nationale permet d'établir « soit entre le gouvernement et les citoyens, soit entre les diverses classes de la société, une certaine communauté d'opinions et de sentiments qui deviendra un lien puissant, un gage de repos et un principe d'ordre efficace ». Religion et morale au service du « gouvernement des esprits » et de l’ordre social au moyen de l’instruction, l’essentiel est dit déjà de ce que sera l’action de Guizot au pouvoir, et qui n'a rien d'original, sinon la mise en oeuvre. Ainsi, entre 1810 et 1830, Guizot consacre beaucoup d'intérêt intellectuel et d'activité professionnelle à l’éducation et à l’instruction, comme le marque encore son appartenance, dès sa création en 1829, au comité de la Société pour l’encouragement de l’instruction primaire parmi les protestants de France, sans compter le comité de la Société biblique protestante de Paris. S'y 3 ajoute, chez lui qui ne s'est guère exprimé sur la sienne, une sensibilité personnelle très vive à l'égard de l’enfance, reconnue dans son originalité propre et non pas seulement comme une simple préfiguration de l’existence adulte. François Guizot, veuf pour la deuxième fois en 1833 avec trois très jeunes enfants à charge, fut un père extraordinairement présent et attentif, et plus tard un grand-père très proche de ses sept petits- enfants. 116 bis rue de Grenelle Lorsque, sous le bâton doré du maréchal Soult, Guizot forme avec Broglie et Thiers, en octobre 1832, le « ministère de tous les talents », il est donc bien armé pour occuper le 116 bis rue de Grenelle. Il semble que l'Instruction publique lui soit revenue spontanément, à l’issue d'un choix personnel. Son proche entourage témoigne du plaisir qu'il trouva à « seconder le progrès de la civilisation intellectuelle », selon sa propre expression. Dans cette perspective, si Guizot juge convenable, en tant que protestant non dissimulé, de détacher les Cultes1 de ses compétences ministérielles, il étend ces dernières à des domaines et des établissements qui n'en relevaient pas précédemment: Collège de France, Muséum, Ecole des Chartes, Ecole des langues orientales, Institut, Bibliothèques publiques. Faculté de médecine et Ecole de pharmacie, encouragement aux sociétés savantes, dont nous ne traiterons pas ici2... Pour autant, l’administration centrale demeure des plus légères: le cabinet du ministre, dont le chef Alphonse Génie, procuré par Rémusat, entame avec Guizot une relation très étroite et durable, et son secrétariat ; trois divisions : celle du personnel et de l’administration, dirigée par Delbecque, un agrégé qui soutiendra la discussion parlementaire auprès du ministre, et répartie en cinq bureaux, dont le dernier est consacré aux Affaires protestantes - une nouveauté ; la division de la comptabilité générale et du contentieux, dirigée par Petitot, avec trois bureaux ; enfin la division des Sciences et des Lettres, dirigée par Hippolyte Royer-Collard, neveu de Pierre-Paul, et ses deux sections. Avec les deux caissiers de l’administration centrale, on ne compte guère plus d'une vingtaine de fonctionnaires à plein temps. Il est vrai que Guizot fait appel à des concours extérieurs, comme 1 L'Instruction publique fut détachée des Affaires ecclésiastiques et constituée en ministère de plein exercice par le cabinet Martignac le 10 février 1828. Polignac rétablit l’année suivante la situation antérieure. En août 1830 fut institué un ministère de l’Instruction publique et des Cultes. Avec Guizot, ces derniers furent confiés au ministère de la Justice. 2 Sur ce point, voir Laurent Theis, Guizot et les institutions de mémoire dans Les lieux de mémoire (sous la dir. de Pierre Nora), II La Nation (2), Paris, Gallimard, 1986 pp 569-592 4 Charles de Rémusat, député de Haute-Garonne et depuis quinze ans son disciple, ou Paul Lorain, normalien de la promotion 1817, répétiteur particulier puis professeur au collège de Bourbon du jeune François Guizot. Grand maître de l’Université, le ministre est aussi es-qualité président du Conseil royal de l’Instruction publique, qui réunit six membres autour de lui, parmi lesquels ses anciens et fameux collègues de la Sorbonne sous la Restauration, Cousin pour la philosophie et Villemain pour les lettres, ou encore Ambroise Rendu, dont il fait un auxiliaire très précieux. Du Conseil dépendent les douze inspecteurs généraux, auxquels s'ajoute, assimilé au même grade, le directeur de l’Ecole normale supérieure, alors Guigniaut. Aucune de ces personnalités n'est connue ni même repérable par un quelconque attachement au protestantisme, et Guizot n'a lui- même procédé à aucune nomination laissant apparaître un tropisme confessionnel. Tout au contraire, il mit une sorte de scrupule avoué à ne prêter le flanc à aucun soupçon de cette nature. Au reste, il accorde une extrême attention aux relations personnelles avec tous ceux qui concourent à l’oeuvre commune car, écrira-t-il plus uploads/s1/instruction-publique-version-longue.pdf
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- Publié le Nov 07, 2022
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