contemporary music for erhu 二胡當代音樂 YING-CHIEH WANG 王瀅絜 ARBRE NUAGE Les voi(es)x

contemporary music for erhu 二胡當代音樂 YING-CHIEH WANG 王瀅絜 ARBRE NUAGE Les voi(es)x du erhu, entre mémoire et imagination par Michèle Tosi Détourner les instruments traditionnels de leur fonction assignée pour les intégrer à tel ou tel autre univers musical était encore impensable en Chine il y a une cinquantaine d’années. C’est Tōru Takemitsu, compositeur japonais venu enseigner à Shanghai et Pékin en 1976, qui offre le premier exemple de ce genre de « délocalisation » en incluant la lutherie de son pays (shō, biwa, shakuhachi, orchestre de Gagaku...) au sein d’une écriture person­ nelle et contemporaine. Ainsi le erhu, vièle à deux cordes prenant part à la musique de l’Opéra chinois, va-t-il lui aussi gagner son autonomie. Bientôt soliste au sein de nombreux concertos, il est prisé par une génération de pionniers – Qigang Chen, Yi Xu, Shuya Xu... - qui nous mettent à l’écoute d’une lutherie chinoise liée intrinsèquement à la microtonalité, aux phéno­ mènes bruités, à l’énergie du geste... Autant de paramètres participant de la culture du son des musiciens occidentaux des cinquante dernières années. Parmi les six compositeurs réunis dans cet album, qui met le erhu au coeur du projet et consacre son interprète virtuose Ying-Chieh Wang, quatre d’entre eux sont chinois ou taïwanais, s’appropriant à leur manière un ins­ trument qu’ils situent entre héritage et innovation. Les deux autres, colom­ bien et français, s’y intéressent davantage pour ses qualités sonores propre­ ment dites, hors tout contexte traditionnel semble-t-il, mais la chose est-elle vraiment possible? Il n’est que d’écouter le erhu, qui se joue volontiers dans les grands es­ paces verts de la Chine - des images abondamment relayées sur You Tube - pour que se profilent instantanément les perspectives sonores de l’Ex­ trême-Orient, ses couleurs, la courbure sensuelle de ses lignes et le temps long dans lequel elles s’inscrivent. Due à la nature des cordes (à l’origine en soie ou en boyau) et à la caisse de résonance hexagonale, qu’une peau de serpent recouvre à l’avant, la qualité gutturale et presque cuivrée de la sonorité, toujours entretenue par un léger vibrato (ou trémolo), confère à la vièle chinoise une identité très forte. Son manche long et lisse favorise les allures glissées des sons alors que les crins de l’archet adhérant aux cordes autorisent des contacts percussifs très singuliers, véritables « coups de glotte » tirés d’un instrument à l’émission presque vocale parfois. Cette dimension est exploitée par Leilei Tian dans Discours d’une larme perdue où l’instrument traditionnel devient agent réactif entre mémoire et imagination. Délaissant sa fonction d’accompagnateur de l’Opéra chinois, le erhu chez Leilei Tian est davantage « acteur », semblant imiter les inflexions vocales des personnages au sein d’une pantomime étrange qu’il exécute avec la guitare. Son timbre se fait plus nasal que guttural dans Ruins, une pièce du compositeur taïwanais Wei-Chieh Lin confrontant le erhu à deux sources sonores bruiteuses qui tendent à l’absorber. La démarche évoque celle d’un Helmut Lachenmann, qui s’intéresse aux modes de production du son plus qu’à sa plénitude résonnante. Les figures sonores vacillantes et fragiles du « violon chinois » s’estompent au profit des bruissements, grincements, souffles et autres sons-bruits attenant au crin et au bois du erhu, une ma­ tière-source à travers laquelle le compositeur entend réinventer l’instru­ ment. Troisième pièce de cet enregistrement, Le train de la vie III de Lin-Ni Liao est une oeuvre mixte associant le jeu live du ehru et la source électroa­ coustique qui lui confère tout à la fois aura spectrale et dimension spatiale. Si les couleurs de la vièle, son grain sombre et les nervures rythmiques de l’archet s’impriment sur le flux sonore, les textures y sont traitées, étirées voire pulvérisées par les artifices de l’outil électronique. Le contexte est en­ core différent dans Aide-Mémoire C de Heng Chen où le erhu intègre cette fois une formation de chambre, certes atypique – erhu, piano et accordéon – mais attestant de la réactivité et de l’envergure sonore d’un instrument éminemment ductile et virtuose : glissades vertigineuses, capacités per­ cussives et espaces saturés composent une trajectoire discontinue et une matière obstinément frénétique où se multiplient les modes de jeux, sur le erhu comme sur ses deux partenaires très solidaires. Avec le compositeur colombien Juan Camillo Hernandez, les déhanche­ ments rythmiques de la danse sud-américaine qu’épouse le jeu du ehru nous font aborder d’autres rives. L’écriture est acrobatique, jubilatoire et émaillée d’humour dans Aquelarres qui associe l’instrument chinois à l’ac­ cordéon avec lequel il tend à fusionner. L’exploration inventive et subtile menée sur les cordes, dans le registre des sons liminaux notamment, dé­ voile assurément d’autres facettes de l’instrument caméléon. Enfin, c’est une musique de sons fixés, passant par les haut-parleurs, que conçoit Christian Eloy dans Fold-in. A l’unicité du matériau – les sons du erhu – répond le déploiement pluriel de la matière sonore soumise au traitement des techniques électroacoustiques. Montage aphoristique, jeux panoramiques, boucles, démultiplication de l’espace et étirement temporel participent de la constellation sonore où l’identité de l’instrument-source s’efface au gré des métamorphoses. Si la pièce nous prive, en concert, de la présence physique de Ying-Chieh Wang, c’est l’énergie du geste et les cou­ leurs de sa palette sonore qui en fibrent l’espace, l’interprète virtuose s’étant prêtée au jeu de l’enregistrement lors de la première phase du processus compositionnel. 3 1. Leilei Tian (田蕾蕾) : Le discours d’une larme perdue (2012) pour guitare et erhu Oeuvre commandée par Tout Pour la Musique Contemporaine « Dans cette oeuvre, je combine les deux instruments de manière organique en même temps garder leurs caractéristiques spécifiques pour obtenir des effets à la fois unifiés et contrastés. En terme du langage musical, j’essaye également à harmoniser les nuances différentes de la culture orientale et occidentale tout en respectant leurs propres expressions. Le discours d’une larme perdue est un dialogue entre deux âmes et des échanges émotion­ nels entre elles. » (Leilei Tian) Leilei Tian (田蕾蕾) Leilei Tian est née en 1971 en Chine. Elle commence à étudier le piano à l’âge de six ans. De 1988 à 1995, elle étudie la composition au Conserva­ toire Central de Musique de Pékin et obtient son Master. En 1997, elle part étudier en Suède au Conservatoire de Musique de Göteborg où elle reçoit son diplôme en perfectionnement en 2001. De 2002 à 2003, elle suit le cursus à l’Ircam. Depuis elle s’est installée à Paris. Elle est la lauréate des plusieurs concours internationaux prestigieux de composition comme Concours de Besançon (France), Prix de ISCM, Concours « Citta di Udine » (Italie), Concours du GRAME à Lyon et Concours de Gau­ deamus à Amsterdam. Lauréate de la sélection de l’Académie de France à Rome, elle est pensionnaire à la Villa Médicis de 2012 à 2013. Elle reçoit des commandes par les institutions de la musique, des festivals et des ensembles et sa musique est bien reçue internationalement. Ses com­ positions sont également diffusées à la radio, sur CD et Internet. http://www. tianleilei.org 2. Wei-Chieh Lin (林煒傑) : Ruins (2017) pour erhu et deux inter­ prètes Oeuvre commandée par Taiwan National Center for Traditional Arts et Tout Pour la Musique Contemporaine En tant que compositeur taiwanais du XXIe siècle, je suis confronté à plu­ sieurs défis en écriture pour erhu. D’abord et avant tout, le erhu ne provient pas de Taiwan, et certainement ce n’est pas un instrument que nous déve­ loppons dans notre vie quotidienne en cultivant de l’or. De plus, la propre histoire du erhu s’accompagne de plusieurs modifications, réglages et jeux où le technicien a été modernisé ou même occidentalisé dans une certaine mesure. Ce qui reste est un instrument construit sur plusieurs couches de références historiques et culturelles, semblable à un palimpseste. On pour­ rait certainement traiter l’instrument comme un objet, dont on explore les possibilités sonores du point de vue contemporain. Peut-on continuer la tradition de l’écriture mélodique typique du erhu chinois du siècle dernier ?…cette proposition n’est pas réalisable pour moi. Le seul moyen est de traiter le erhu comme des ruines dont certaines « traditions » ou « fonda­ tions » sont conservées et respectées tandis que d’autres sont réimaginées et reconfigurées. Ce qui m’a frappé comme l’apparence la plus belle et la plus intrigante de l’instrument n’était pas le erhu lui-même, mais précisé­ ment les aspects physiques et interprétatifs de l’interaction intime entre le joueur et l’instrument, comme le glissandi et les ornements, généralement ajoutés pour embellir la mélodie d’une manière personnalisée et stylisée. En se concentrant, ce qui a été considéré comme un élément décoratif, avec la concentration que nous vibrons, d’abord à travers les cordes, puis, au bois et enfin au corps de l’artiste, je crois que le erhu est maintenant fiable pour vocaliser l’âme intérieure d’un héritage remanié. (Wei-Chieh Lin / Traduction : Jean-Luc Penso) Wei-Chieh Lin (林煒傑) Né à Taichung, Taiwan, a étudié avec Tien-Lien Wu et Milton Babbitt. Il a reçu des commandes de nombreux ensembles de musique de son pays et de l’étranger, parmi lesquels l’Orchestre Symphonique National de Taiwan, l’Orchestre Philharmonique de Taipei, le Formosa uploads/s3/ 05-see-the-sound-hommage-to-helmut-lachenmann 1 .pdf

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