1 Cours esthétique : version élève II. Art et vérité : l’art nous éloigne-t-il

1 Cours esthétique : version élève II. Art et vérité : l’art nous éloigne-t-il du réel ou nous invite-t-il à mieux le regarder ? Loin d’être seulement un divertissement ou un simple jeu agréable, destiné à plaire, l’œuvre d’art permet à l’homme d’accéder à certaines vérités sur lui-même. Ceci suppose que l’art ne se réduise pas à n’être qu’un monde fait d’illusions, de simulacres, nous éloignant de la réalité mais qu’il soit un dévoilement. Or, une des premières philosophies de l’art, celle de Platon dans l’antiquité, considérait précisément que l’art n’est qu’une sorte de tromperie, une forme de mensonge relevant du simple jeu des apparences, les artistes n’étant dans le fond que des illusionnistes. Platon décidait alors, dans la République, de chasser les poètes de la cité idéale (même s’il acceptait l’idée de leur donner une couronne de fleurs avant qu’ils ne partent !). La recherche de la vérité incombe à la philosophie, entreprise rationnelle et critique, basée sur la dialectique et la rigueur du logos plutôt que sur l’imagination et ses fantaisies. Précisons ces reproches que Platon adressait aux artistes… A. La dévaluation philosophique de l’art : l’art comme illusion. (Platon ) Exercice : Lire le texte de Platon (texte 1) Questions : quels sont les trois lits évoqués par Platon ? En quoi le lit de l’artiste nous éloigne-t-il doublement de la vérité ? Quel serait donc le lit le plus vrai ? En quoi l’artiste est un illusionniste ? Conseil : revoir l’allégorie de la caverne dans laquelle Platon précise comment accéder à la vérité. Vous pourrez mieux comprendre en quoi l’artiste nous maintient dans le monde SENSIBLE et nous éloigne du monde des IDEES, là où se trouve la vérité. Van Gogh La philosophie de l’art commence avec Platon dans l’Antiquité grecque. Cette philosophie dévalorisait globalement la pratique artistique en considérant tout d’abord que les artistes jouent avec l’illusion lorsque, comme le peintre, ils pratiquent une imitation (mimésis) et reproduisent les apparences du monde sensible. Un tel jeu ne nous permettant pas de nous aider dans la recherche de la vérité, il convient de s’en détourner. Pour Platon, la vérité suppose une démarche intellectuelle qui doit nous délivrer de l’opinion (de nos croyances imparfaites) pour nous conduire à des vérités abstraites, intemporelles, métaphysiques. 2 Cours esthétique : version élève Platon oppose en effet le monde sensible (le monde des apparences « ici-bas » qui sont perceptibles par les sens où tout est soumis au changement, à la temporalité), et le monde intelligible, qui est « au-delà », le monde des Idées, qui sont des essences éternelles et immuables. Il faut s’élever au vrai par la pensée, aller au-delà du monde purement visible pour découvrir les vérités éternelles. Le but de la philosophie est donc métaphysique : elle se définit comme recherche intellectuelle de connaissances universelles et doit donc nous conduire au-delà des apparences physiques pour nous aider à découvrir le monde des Idées pures (Le Beau, le Vrai, le Bien). L’art, à partir du moment où il est envisagé comme « mimésis », au lieu de nous délivrer du sensible, nous y maintient, nous limite au monde matériel, au monde perçu, qu’il reproduit. Dès lors, il nous enferme dans l’illusion que la philosophie prétend justement dépasser. L’artiste, qui tente de traduire la beauté du monde physique, se contente de reproduire l’image sensible d’un monde déjà sensible. L’art, en tant que « mimésis » est alors pensé par Platon comme une sorte d’effet de miroir de ce qui n’est déjà à ses yeux qu’un reflet : c’est donc une sorte d’image de ce qui est déjà une image, une copie du monde sensible. Au Livre X de La République Platon se sert d’un exemple pour nous faire comprendre pourquoi l’image produite par l’artiste est une réalité qui nous éloigne donc de la vérité. Imaginons qu’un artiste se mette à peindre un lit. Pour Platon, la vérité du lit tient d’abord dans sa définition, son concept, son idée (son essence), ce que nous pourrions appeler le « lit intelligible » qui correspond à l’idée en soi du lit. Lorsqu’un artisan fabrique par ailleurs un lit réellement, il ne fait que s’inspirer de cette idée pour la copier : il donne une forme particulière à cette idée à travers « le lit matériel » mais la vérité du lit se trouve d’abord dans son idée (son principe), non pas dans le lit physique qui n’est qu’un exemple de lit. Un lit matériel n’est donc pour Platon qu’une copie de l’idée de lit (il imite la forme du lit idéal). Le lit physique a donc, aux yeux de Platon, moins de vérité que l’idée du lit en soi. Quant au lit peint par l’artiste, il est encore d’un degré inférieur, puisqu’il n’est alors que l’apparence d’une apparence, une copie de la copie qui se borne à reproduire ce qui est déjà une reproduction. VERITE Monde intelligible, des idées (en dehors de la caverne) Ici, il s’agit de la définition, du concept de lit, c’est-à-dire l’idée que l’on se fait du lit. Cette définition est universelle, unique et intemporelle. Monde sensible = monde matériel de l’illusion (les sens sont trompeurs), monde de la caverne Le lit de l’artisan est un lit matériel, c’est une représentation matérielle de l’idée que l’on se fait du lit. Ces représentations sont multiples, il y a plein de façon de construire un lit matériel, temporelle, le lit matériel se détériore avec le temps. En ce sens, il y a un premier décalage, éloignement entre l’idée que l’on se fait du lit et sa construction dans le monde sensible. C’est pourquoi, le lit de l’artisan s’éloigne de la vérité. 3 Cours esthétique : version élève Monde imaginaire de l’artiste. L’artiste peint ce qu’il voit dans le monde sensible. Il représente ce qui était déjà une représentation d’une idée : il y a un deuxième décalage. C’est pourquoi le lit de l’artiste s’éloigne doublement de la vérité car il peint l’image d’un lit sensible qui était déjà éloigné de l’idée que l’on se fait du lit. Cet exemple permet donc de comprendre pourquoi aux yeux de Platon l’artiste produit des réalités qui sont doublement éloignées de la vérité (inférieures en termes de vérité et d’existence). Par conséquent l’artiste ne peut prétendre éduquer les hommes à la vérité, il doit plutôt être vu comme un « charlatan » incapable de nous révéler des connaissances véritables. L’art est trompeur, et doit être remplacé par la philosophie. Platon critique donc l’art pictural en ce qu’il n’est qu’un art de l’illusion, qui charme et séduit la sensibilité au lieu de favoriser un accès au vrai. La seconde raison qui légitime la dévaluation philosophique de l’art chez Platon, est relative à l’idée que les artistes ne savent pas ce qu’ils font, puisqu’ils créent en vertu d’une disposition naturelle (un don) et d’une possession divine (une inspiration) mais sans vraiment savoir ce qu’ils disent : « ces gens-là aussi disent beaucoup de choses admirables mais ils ne savent rien des choses dont ils parlent. » dit Socrate dans l’Apologie de Socrate en parlant des artistes. Si les artistes ne savent pas vraiment ce qu’ils font, c’est que, tout comme les oracles sont inspirés par les dieux, ils sont visités par les muses : leur activité s’expliquant par une sorte d’inspiration, ils sont, au fond, incapables de rendre compte rationnellement eux- mêmes de leur propre activité. L’art est donc pensé par Platon comme le résultat d’une sorte de « possession » et le poète ne peut rendre raison de la méthode par laquelle il affirme ce qu’il dit. Il est le vecteur d’une force supérieure qui le dépasse mais dont lui-même ne sait rien. Il ne sait pas vraiment ce qu’il fait dans le sens où il est l’instrument de la divinité. Dans le Phèdre, Platon assimile, en effet, la création artistique à une forme de délire. Théâtre, cinéma, peinture, poésie… nous plongeraient alors dans le monde du rêve, ou plutôt dans le monde d’une fiction pensée d’abord comme une échappatoire. Questionnement :  Et pourtant, l’art n’a-t-il pas un rapport profond avec la réalité et la vérité ? « La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c’est la littérature. Cette vie qui en un sens, habite à chaque instant chez tous les hommes aussi bien que chez l’artiste. Mais ils ne la voient pas parce qu’ils ne cherchent pas à l’éclaircir. Et ainsi leur passé est encombré d’innombrables clichés qui restent inutiles parce que l’intelligence ne les a pas « développés ». Notre vie ; et aussi la vie des autres car le style pour l’écrivain aussi bien que la couleur pour le peintre est une question non de technique, mais de vision. Il est la révélation, qui serait impossible par des moyens directs et conscients de la différence qualitative qu’il y a dans la façon dont nous apparaît le monde, différence qui, s’il n’y avait pas l’art, resterait le secret éternel de chacun. Par uploads/s3/ 2-cours-esthetique 1 .pdf

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