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Tous droits réservés © Université du Québec à Montréal, 2005 This document is protected by copyright law. Use of the services of Érudit (including reproduction) is subject to its terms and conditions, which can be viewed online. https://apropos.erudit.org/en/users/policy-on-use/ This article is disseminated and preserved by Érudit. Érudit is a non-profit inter-university consortium of the Université de Montréal, Université Laval, and the Université du Québec à Montréal. Its mission is to promote and disseminate research. https://www.erudit.org/en/ Document generated on 12/23/2021 9:10 a.m. Frontières L’alchimie, ou la mort transmutée en immortalité Christian Milat Hélas, célébrer la mort! Volume 18, Number 1, Fall 2005 URI: https://id.erudit.org/iderudit/1074312ar DOI: https://doi.org/10.7202/1074312ar See table of contents Publisher(s) Université du Québec à Montréal ISSN 1180-3479 (print) 1916-0976 (digital) Explore this journal Cite this article Milat, C. (2005). L’alchimie, ou la mort transmutée en immortalité. Frontières, 18(1), 33–38. https://doi.org/10.7202/1074312ar Article abstract According to alchemical philosophy, the highest state of being, unity, is ordinarily degraded into two components of opposite polarity. The Adept’s work consists of restoring this lost unity through operations in which death, symbol of the loss of unity, becomes the mandatory pathway to the return to unity and thus immortality. Alchemy thus celebrates death by making it the prelude to any superior state of being, but this celebration removes death’s morbid nature. 33 FRONTIÈRES ⁄ AUTOMNE 2005 Christian Milat, Ph.D., professeur, Département des lettres françaises, Université d’Ottawa La pratique du Grand Œuvre alchimique conduit le postulant à réaliser de multiples et subtiles opérations qui s’apparentent à des manipulations chimiques orientées notamment autour de ces deux opposés que sont le soufre et le mercure. À la suite de ces opérations aussi délicates que dan- gereuses – nombre d’apprentis sont morts victimes d’explosions ou d’intoxications –, l’« artiste » (Canseliet, 1965, t. I, p. 23) réa- lise l’argyropée, c’est-à-dire l’obtention de la Pierre blanche, capable de changer les métaux en argent, puis il atteint la chryso- pée, qui lui permet d’obtenir la Pierre au rouge, poudre de projection qui, mise au contact de métaux vils comme le mercure, le plomb ou l’étain, aboutit à la transmuta- tion de ceux-ci en or. Parvenu à ce stade, l’Adepte n’a pourtant pas encore atteint son véritable objectif. En fait, la transmutation métallique lui per- met essentiellement de vérifier si le pro- duit qu’il vient d’obtenir est bien la poudre escomptée. En cas de succès, il continue d’effectuer quelques opérations qui, cette fois, lui font posséder la panacée ou méde- cine universelle, appelée également élixir de longue vie. L’ingestion périodique du précieux liquide guérit toutes les maladies, rend la jeunesse aux vieillards et prolonge indéfiniment la vie tout en procurant la connaissance absolue. Certains Adeptes ont, semble-t-il, réussi le Grand Œuvre sans pour autant avoir échappé à la mort. Ainsi, au XVIIe siècle, l’Écossais Alexandre Sethon, dit le Cosmo- polite, multiplia les transmutations de plomb en or avant de mourir sous la torture pour n’avoir point consenti à révéler son secret (voir Sadoul, 1970, p. 143-159). D’autres, plus chanceux, sont donnés comme ayant accompli l’ensemble de la tâche. Parmi eux figure, au XIVe siècle, Nicolas Flamel, modeste écrivain public parisien qui, à la suite des transmutations de mercure en or qu’il aurait effectuées en 1382 (voir Sadoul, 1970, p. 96) avec l’aide de son épouse Pernelle, a acquis une fortune considérable ; après avoir feint la maladie, le couple aurait organisé de fausses funérailles et vécu en Asie, et ce, au moins jusqu’au XVIIe siècle (voir Figuier, 1970, p. 245-246). La lon- gévité alchimique expliquerait également l’existence, tout au long des XVIIe et XVIIIe siècles, d’un mystérieux Adepte qui a effectué de très nombreuses trans- mutations sous les identités successives d’Eyrénée Philalèthe, de Geraldi, de Lascaris et du comte de Saint-Germain (voir Sadoul, 1970, p. 179-237). Enfin, au XXe siècle, l’Adepte qui signa ses traités du pseudo- nyme de Fulcanelli aurait en 1922 donné à son disciple Eugène Canseliet les direc- tives pour opérer une transmutation avant de disparaître, puis de reparaître en 1952 (voir Rivière, 1990, p. 29), dans la force de l’âge, alors qu’il avait 113 ans… L’ALCHIMIE, OU LA MORT TRANSMUTÉE EN IMMORTALITÉ Résumé Selon la philosophie alchimique, l’état le plus élevé de l’être, celui de l’unité, est d’ordinaire dégradé en deux compo- santes de polarité opposée. Le travail de l’Adepte consiste à restaurer cette unité perdue lors d’opérations au cours des- quelles la mort, manifestation de la perte de l’unité, devient le passage obligé vers le retour à l’unité et, partant, à l’immorta- lité. C’est donc dans la mesure où l’alchi- mie fait de la mort le prélude à tout état supérieur d’existence qu’elle la célèbre, mais cette célébration dépouille finale- ment la mort de toute portée funèbre. Mots clés : alchimie – immortalité – transmutation. Abstract According to alchemical philosophy, the highest state of being, unity, is ordinarily degraded into two components of oppo- site polarity. The Adept’s work consists of restoring this lost unity through opera- tions in which death, symbol of the loss of unity, becomes the mandatory pathway to the return to unity and thus immortality. Alchemy thus celebrates death by mak- ing it the prelude to any superior state of being, but this celebration removes death’s morbid nature. Keywords : alchemy – immortality – transmutation. A R T I C L E FRONTIÈRES ⁄ AUTOMNE 2005 34 Historiquement, si du moins on accorde crédit à ce qui n’est peut-être que légende, la pratique alchimique apparaît donc aller de pair avec une certaine longévité. Néanmoins, c’est l’immortalité – laquelle implique l’intervention réitérée de la mort – qui constitue l’un des objectifs fon- damentaux des alchimistes. Pour tenter de comprendre de quelle(s) mort(s) il s’agit et comment celle(s)-ci s’insère(nt) dans le processus qui conduit à l’immortalité, il est indispensable d’examiner au préalable le support philosophique sur lequel s’articule le travail alchimique. UNE VÉRITÉ UNIVERSELLE ET ÉTERNELLE Dénommée Ars Magna, l’alchimie pos- sède une composante pratique essentielle : « Celui [...] qui […] ne veut labourer [c’est-à- dire, en rapport avec l’étymologie latine, travailler] [...], celui-là doit être regardé comme le plus vaniteux des ignorants » (Fulcanelli, 1965, t. II, p. 197). Il reste cependant que ce travail, qui vise à posséder la Pierre philosophale, repose sur une véri- table philosophie, pour peu que l’on n’en- tende pas par là le résultat, obligatoirement partiel, relatif et éphémère, d’une spécula- tion intellectuelle, mais qu’on lui donne son acception ancienne de connaissance absolue, objective et immuable. Du reste, si les alchimistes se nomment eux-mêmes « philosophes » (Canseliet, 1965, t. I, p. 14), ils entendent par là qu’ils sont « amateur[s] de la Vérité » (Canseliet, 1972, p. 7), d’une « Vérité éternelle, universelle et indivisible » (Canseliet, 1964a, p. 16). C’est également la raison pour laquelle ils s’appellent « fils de science » (Fulcanelli, 1964, p. 164), de la « Haute Science » (Alleau, 1953, p. 149), de « la science [...] des causes » (Fulcanelli, 1965, t. I, p. 79), d’une « science véritable et positive » (Fulcanelli, 1964, p. 223). À cette vérité qui, éternelle, se situe hors du temps, il est impossible de fixer une ori- gine, sauf à faire coïncider cette origine avec l’origine même du monde, origine divine, comme le fait Zozime de Panopolis, un alchimiste grec du IVe siècle : Les anciennes et saintes Écritures disent que certains anges, épris d’amour pour les femmes, descendirent sur la terre, leur enseignèrent les œuvres de la nature ; et à cause de cela ils furent chassés du ciel et condamnés à un exil perpétuel. De ce commerce naquit la race des géants. Le livre dans lequel ils enseignèrent les arts est appelé Chêma ; de là le nom de Chêma appliqué à l’art par excellence. (Hutin, 1966, p. 29) Pour rester dans le domaine de la légende, notons que les Chinois se seraient adon- nés à l’alchimie dès 4500 avant notre ère. Tout au plus, s’agissant de l’alchimie occidentale, peut-on en trouver les sources dans l’Égypte hellénistique, où se mêlent en particulier les doctrines appartenant au néoplatonisme, à la gnose païenne et au gnosticisme chrétien. À Alexandrie, dès le IIe siècle après Jésus-Christ, apparaissent ainsi les textes du Corpus Hermeticum attribués à Hermès Trismégiste, tantôt dieu, tantôt ancien roi, mais toujours considéré comme « le père de la Sagesse Occulte, le fondateur […] de l’alchimie » (Anonyme, 1970, p. 149) – d’où l’épithète hermétique accolée à art pour désigner l’alchimie –, textes qui furent notamment traduits en français par Louis Ménard, condisciple et ami de Baudelaire (voir Milat, 1997, p. 571-588). Le IVe siècle est particuliè- rement fécond pour l’Art sacré alexandrin, avec notamment des alchimistes tels que Zozime et Marie la Juive, l’inventrice du bain-marie. Au VIe siècle, l’alchimie gagne le monde byzantin puis, au VIIe siècle, le monde islamique. Ce sont ensuite les Arabes qui, via l’Espagne et à l’occasion des Croisades, introduisent l’alchimie en Occident, où elle se développe à compter du XIIe siècle. En dépit de sa diversité géographique et de sa longue histoire, mais peut-être en raison de la uploads/s3/ alchimie-sexuelle.pdf
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- Publié le Jui 18, 2021
- Catégorie Creative Arts / Ar...
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