^% ifl LIBRORUM'FLOS 'ILUBATUS ^ ALEXANDRE DUMAS L'ART LES ARTISTES CONTEMPORAI
^% ifl LIBRORUM'FLOS 'ILUBATUS ^ ALEXANDRE DUMAS L'ART LES ARTISTES CONTEMPORAINS AU SALON DE 185î) PARIS LIBRAIRIE NOUVELLE BOULEVARD DES ITALIENS, 15 A. BOURDILLIAT ET C'e, ÉDITEURS \ 1859 I ^ L'ART ARTISTES CONTEMPORAINS AU SALON DE 1859 Paris. — Imp (la la Librairie Nouvelle, A. Bourdilliat, 15, rue Brada. ALEXANDRE DUMAS L'ART AU SALON DE 1859 PARIS LIBRAIRIE NOUVELLE BOULEVARD DES ITALIENS, 15 A. BOURDILLIAT ET C/, ÉDITEURS La traduction et la reproduction sont réservées. 1859 LE SALON DE 1859 DELACROIX — HEBERT — DIAZ ~ TROYON Je sors du Palais de l'Industrie oii a eu lieu l'Expo- sition, celte année, et c'est, tout chaud de mes impres- sions et avec de la peinture plein les yeux, que je prends la plume et que je vous écris. Seulement permettez que je fasse précédej" mon comple-readu de quelques réflexions qui demandent impérieusement à marcher en tête de cette étude. ^'ai toujours été frappé de la dilîérence d'impression 2 LK SALON DE 1859 que je ressentais en \isitant un salon de tableaux mo- dernes ou un musée de tableaux anciens. Dans le premier, les sens sont fatigués par la quantité innombrable de mauvais tableaux qu'étalent les mu- railles, par le défaut d'harmonie de l'ensemble, par les tons criards qui nous tirent un œil à droite et l'autre à gauche, par l'odeur de la peinture fraîche et du vernis. Le premier sentiment que l'on éprouve ressemble à du dégoût, celui qui lui succède est à coup sûr de la fa- tigue. Aussi, de bonne loi, sans nous en douter, en jurant de notre impartialité, sommes-nous presque toujours injustes pour la peinture moderne. Nous connaissons souvent les hommes des ateliers desquels sort cette peinture, ils nous sont sympathiques ou antipathiques; les artistes ne savent point garder de milieu entre ces deux sentiments. Nous savons par cœur leurs défauts, leurs doutes, leurs défaillances. Nous ne séparons pas l'homme de l'artiste comme le fait la mort, et nous de- venons, à l'insu de nous-mêmes, sévères dans notre appréciation. Tout le contraire est ce que nous éprouvons quand nous entrons dans un musée de tableaux anciens. Nous y pénétrons d'ordinaire par quelque magnifique escalier de palais; cet escalier conduit à de belles et grandes salles silencieuses comme des temples ; les noms de ceux qui les peuplent ont été murmurés avec respect à nos oreilles d'enfant. Nous avons grandi dans leur religion, vieilli dans leur culte. Il y a dix, quinze, vingt ans que LE SALON DE 18o9 3 nous les admirons; cette admiration est un article de foi. La critique, à leur endroit, serait presque un blas- phème. Nous adorons les œuvres comme nous adorons Dieu, par sa manifestation seulement. Nous prêtons aux hommes qui nous sont étrangers, qui nouî demeurent inconnus, toutes les belles qualités, toutes les hautes vertus que possèdent leurs tableaux, et au lieu déjuger comme nous faisons pour les modernes les tableaux par les hommes, nous jugeons — jugement qui nous jette parfois dans une erreur non moins grande — nous ju- geons les hommes par leurs tableaux. Bref, dans un salon moderne on entre comme dans une salle de spectacle, un jour de première représen- tation, avec une fièvre de critique, et bien plus désireux de voir tomber la pièce que de la voir réussir, tandis que, dans un musée ancien, on ne pénètre qu'avec la ferme résolution d'admirer, d'applaudir, de louer. Eh bien, nous allons tacher déshapper à cette in- fluence que nous signalons. Nous allons essayer de rendre compte de l'Exposition de 1859 avec une entière impartialité. Sans parti pris d'école, oubliant les hom- mes pour ne voir que les artistes, nous critiquerons ou nous louerons sans nous arrêter à aucune classification de genre ou de renommée. Nous prendrons les noms tels qu'ils se présenteront à notre mémoire, on oubliant nos sympathies, nos antipathies, et môme, ce qui est plus difficile, nos indifférences. Nous serons juste, mais cependant avec une mesure 4 LE SALON DE 1859 d'indulgence pour certains artistes ayant, malgré un fonds de talent, de la peine à se faire admettre par le public. Quelques-uns d'entre eux, il faut le dire, se sont trompés cette année, et nous avons été surpris de voir si peu de promesses réalisées. Pour ceux-là notre indulgence se traduira par un si- lence complet. Quant aux artistes d'un mérite contestable et ce- pendant admis par le public au détriment souvent d'esprits plus élevés que les leurs et qui ont envoyé à ce salon des œuvres plus que médiocres, nous serons se- . vères pour eux. Pourquoi s'obstinent-ils à faire de l'art quand ils pourraient faire tout autre chose? Ainsi donc, nous le répétons, nous prenons l'engage- ment d'être vrai, sincère, sans parti pris, de dédaigner toute personnalité, de n'avoir ni amis ni ennemis, et de ne critiquer que les œuvres qui nous paraîtront dignes de la critique. Mais, avant tout, avouons une tristesse dont nous avons été pris jusqu'au fond du. cœur en visitant le sa- lon : c'est que le niveau de la pensée va s'abaissant, c'est que les peintres de genre se substituent aux peintres d'histoire; c'est que vingt tableaux de chevalets en- vahissent la place d'un grand tableau; c'est que les succès de cette année, enfin, seront aux peintres d'animaux et aux paysagistes. Pourquoi ces défaillances successives dans les jeunes générations ? Pourquoi cet oubli delà mission sainte ? Pourquoi cette espèce de négation de l'homme, ce mé- LE SALON DE 1859 5 pris de la poésie, cette coupable apostasie de l'histoire, ce dédain des grandes pages, cet amour des petits feuil- lets, cette rage des Elzevirs? Vous me répondrez que la chose est la même en lit- térature qu'en peinture, que la génération théâtrale, à part deux ou trois robustes organisations qui ont résisté à une pressioQ invisible mais positive, joue à la pou- pée, que de même que la loupe se fait place dans la pein- ture, le microscope s'introduit dans la comédie et le drame, et que le succès est aux petits actes comme il est aux petits tableaux. Soit î mais que prouve cela ? C'est que les hommes chargés de diriger le goût du public, soit par faiblesse, soit psr jalousie, non-seule- ment laissent ce goût s'égarer, mais encore le poussent dans la voie étroite, dans la route inférieure ; — il y a des époq lesoù les grande organisations sont des repro- ches vivants aux petits mérites, oii l'on plaini les princes que les changements de gouvernement chassent, mais où l'on déteste ceux que les révolutions respectent. On ne peut les nier, on les voile.—On aligne vingt petits ta- bleaux pour cacher une grande toile, on couvre de cinq petits actes une grande comédie ou un grand drame. On entasse enfin colline sur colline pour masquer le Chim- boraço ou l'Etna. Vous aurez beau faire, messieurs; au-dessus du pré- sent on voit les cimes du passé, et quelques-unes de ces cimes^ pour être couvertes de neige, n'en sont que plus Qtîlatantes. 6 LE SALON DE 1850 Un dernier mot ; ne commençons pas notre œuvre sans protester contre certaines exclusions du jury. Ce corps mobile, mais qui depuis 1830 semble à chaque exposi- tion nouvelle se recomposer des mêmes élément?, s'ar- roge un droit de censure que nous ne lui concédons pas : jamais nous ne reconnaîtrions, pour notre part, à un jury le droit de repousser- des artistes dont le public seul est le juge, et tandis qu'il admet quinze cents ta- bleaux sans valeur aucune, de laisser à la porte des toiles de Mme O'Connell, de Chaplin et de Millet. N'avons-nous pas vu pendant dix ans ce jury qui vit de haineuses traditions, refuser systématiquement les Delacroix, les Decamps, les Barry, les Louis Boulanger, les Amaury Duval, les Isabey, les Flandrin, les Chasse- riaux, les Leleu, les Th. Rousseau, les Préau, les Leh- mann, les Tony Johannot et tant d'autres qui ont pressé la croix sur leur cœur quand elle leur est tardivement arrivée, non point parce que la croix est un signe de distinction et d'honneur, mais parce que la croix était la sauvegarde de leur génie, le passe-port de leur renommée. Ce que nous écrivions en 4830, nous le répétons au- jourd'hui, il est un certain point de l'art où, une fois arrivé, l'artiste ne relève plus de personne que du pu- blic. D'où vient cette orgueilleuse confiance de quelques hommes, que c'est la masse qui se trompe et eux qui ont raison? On a assez longtemps laissé passer la jus- lice du Roi, laissez un peu passer l'opinion du peuple. Si le jury doit se souvenir de sa mission d'exclusivité, que ce soit pour cette foule d'études de paysages qui font LK SALON DE 1859 7 à merveille dans l'atelier, dont la destination suprême est d'être montrée aux parents et aux amis, et qui n'ont d'autre mérite qu'un accent de nature. Il faut à ces études des baguettes et non des cadres d'or. Souvent, un croquis plein de vérité, parce qu'il a été fait sur place, n'est uploads/s3/ alexandre-dumas-l-x27-art-et-les-artistes-contemporains-au-salon-de-1859-1859.pdf
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- Publié le Aoû 03, 2022
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