Art et sacré Travail présenté à : REL 3216 Jacques Pierre Neon Bible Par Olivie
Art et sacré Travail présenté à : REL 3216 Jacques Pierre Neon Bible Par Olivier Masson Université du Québec à Montréal Département de sciences de religions 9 avril 2007 Le cinq mars 2007, partout en Amérique et en Europe, des milliers d’amants de la musique se sont rendu chez un marchand de disques, dans le but de se procurer le nouvel album d’Arcade Fire : Neon Bible. Quatre-vingt-douze mille exemplaires vendus en une semaine seulement aux États-Unis, surpassant les ventes annuelles en sol étranger d’un disque canadien moyen. En fait, il n’y a rien d’ordinaire en ce qui concerne le groupe Arcade Fire. Après leur premier album Funeral qui leur a permis d’intégrer l’industrie de la musique, une seule semaine de distribution a suffi à Neon Bible pour se tailler une place au deuxième rang du Billboard américain. Et ce, en compétition avec des icônes établies de la musique Pop américaine. La mélodie d’Arcade Fire est singulière et ne comporte pas les qualités des courants principaux, n'empêche, qu’elle arrive à percer ce marché que certains qualifieraient d’hermétique. De plus, nous ne pouvons attribuer cette popularité à une technique de commercialisation démesurée comme il est souvent le cas dans le milieu de l’industrie du disque : « It makes it hard to find something innovative that they are interested in » explique Spoot Philpott, le représentant de leur maison de disque, à propos de la vision du groupe sur le marchandisage de leur produit. Éliminant le marketing comme cause principale de cette popularité, nous pouvons facilement émettre l’hypothèse que l’intérêt que le public accorde à Neon Bible se trouve dans l’objet en soi et non à l’image projetée par la publicité. Le propos de cette analyse se concentrera donc, au niveau de la substance qui compose Neon Bible. Notre démarche nous permettra alors, d’éclaircir le phénomène que les médias québécois nomment unanimement le Culte Arcade Fire. Au-delà des composantes musicales qui agissent fortement sur l’émotivité de l’auditeur, nous nous appuierons sur les textes des chansons, pour tracer un portrait concret de l’œuvre. Comme nous le propose le titre de l’album, les références au judéo-christianisme prennent une importance considérable dans la composition des textes. De ces différents fragments se dégage une forme qui se manifeste à un niveau émotif, que nous tenterons de rendre compte de manière tangible, par l’interprétation des textes des différentes chansons qui composent l’album. Dès lors, nous serons en mesure de comprendre davantage l’attache du public à Neon Bible et d’y voir une fonction fondatrice pour la génération ascendante. Comme nous l’avons précisé, le titre de l’album nous indique, a priori, une prise de position certaine de la part du groupe à l'égard de la tradition judéo- chrétienne. La référence directe à la Bible, le livre qui regroupe les textes sacrés du judaïsme et du christianisme, est chargée d’implications. L’apposition du mot Neon à celui de Bible connote de modernité, cet objet qui représente l’une des plus vieilles traditions de la civilisation occidentale. L’étymologie de Néon vient confirmer cette appréhension. En fait, les racines latines du mot proviennent de neo qui signifie nouveau, laissant entrevoir une volonté de renouveler un récit comme la Bible qui ne cesse de vieillir. De plus, ce titre sert à l’érection d’images préliminaires qui serviront à la construction du décor de l’univers fictif de l’album. Nous y distinguons une référence évidente aux signes de néons qu’il est possible de retrouver sur les façades de certaines églises, affichant des messages aussi accrochants que : « The wages of your sins is Hell » placardé sur l’église « Le Chemin du Paradis » de Montréal. La présence d’images dans le livret nous renvoie à un imaginaire marqué par l’institution chrétienne. Des photographies de vitraux d’églises et de tuyaux d’orgues esquissent les contours du contenu religieux qui se trouvera à l’intérieur des textes. Avec une notation qui évoque celle de la Bible, c’est-à-dire un premier chiffre qui correspond au chapitre et un second au verset, la disposition des paroles écrites dans le livret prend la forme d’écrits sacrés. En ce sens, l’utilisation des composantes religieuses dans l’élaboration du livret donne une valeur solennelle à de nouveaux écrits qui se voient alors reposés sur un élément fondamentalement sacré. L’instrumentalisation est également liée à l’institution ecclésiastique, par exemple, l’orgue utilisé dans quelques-unes des chansons provient de St- James Anglican Church, situé à Bedford. De plus, le groupe a fait appel à des chanteurs gospels pour accompagner la voix du chanteur Win Butler dans « My Body Is A Cage » et « (Antichrist Television Blues) ». Un regard attentif au niveau des textes précise davantage cette relation à la religion judéo- chrétienne. Les références aux écrits de la Bible sont manifestes et se trouvent sous différentes formes : de l’évidence manifeste d’un simple mot comme Alléluia, le symbole chrétien de la louange à Dieu; à de la subtilité voilée dans « The lion and the lamb ain’t sleeping yet » qui fait appel à la notion de dualité Messie contenue dans l’identité du Lion vainqueur et de l’Agneau dolent. Dans ce dernier cas, l’accord du verbe être (to be) à la troisième personne du singulier sous sa forme négative : n’est (ain’t), plutôt qu’à la troisième personne du pluriel : ne sont (aren’t), suggéré par l’addition des deux sujets, rend bien compte de la singularité du personnage du Messie. De plus, le texte réactualise des termes comme la résurrection : « Resurrected living in a lighthouse » et du puits comme d’une prison obscure que la Bible nomme « puits de l’abîme » : ce lieu où les anges déchus sont détenus, en attendant leur châtiment final. Il y a également le « golden calf » qui apparaît dans la chanson « Neon Bible » renvoyant au symbole de l’idolâtrie représenté dans le chapitre de l’Exode de la Bible. La figure de l’antéchrist apparaît, elle aussi, à l’intérieur de l’album. D’autres paroles telles qu’énoncées dans Neon Bible apparaissent dans le Nouveau Testament. Par exemple la phrase : « My lips are near but my heart is far away» réfère à une parole de Isaïe : « Ce peuple m’honore des lèvres, mais leur cœur est loin de moi ». De même que l’énoncé « who’s gonna throw the very first stone » qui renvoie au passage dans l’évangile de Jean « Que celui de vous qui est sans péché lui jette la première pierre ». Une seconde dimension symbolique s’ajoute aux textes d’Arcade Fire qui influence grandement les rapports entre les différentes composantes référentielles. En fait, des fragments de la culture américaine sont présentés dans les différents textes de Neon Bible. Les valeurs américaines érigées, à travers le temps, dans différents mythes comme la croyance que quiconque a la possibilité de devenir ce qu’il veut par le travail acharné. En ce sens, la figure de George Washington représente le symbole du simple arpenteur devenu le premier président des États-Unis. Ce mythe est réutilisé dans deux des chansons de l’album, c’est-à-dire « Intervention » et «(Antichrist Television Blues)», toutefois dans ces deux cas, le résultat du travail acharné ne mène pas à la réussite. Dans le premier texte, Arcade Fire met en scène un soldat qui se bat toute sa vie, mais s’isole dans sa lutte et laisse sa famille agoniser. Dans le second, il s’agit d’un père de famille qui désire élever sa condition de vie et qui, pour y arriver, compromet ses valeurs chrétiennes et exploite sa fille, ce qui, par conséquent, le mène à douter de la pureté de sa foi : « O tell me, Lord, am I the Antichrist?! ». Quoique présent depuis uniquement une trentaine d’années, MTV, le réseau de musique américaine, est également présent à l’intérieur de l’album. L’image des événements du 11 septembre 2001, davantage rapprochés de nous, et qui symbolise une étape marquante du début du siècle, est évoquée par la phrase : « The plans keep crashing always two by two ». L’analyse primaire de ces paroles situe Neon Bible dans la tradition des albums concepts, c’est-à-dire qu’une ligne directrice file l’œuvre en une unité formelle. Nous retrouvons plusieurs éléments qui nous permettent d’affirmer ce constat. L’insistance, sur des thèmes comme l’eau, la présence de l’Autre, la culpabilité, l’avènement d’un temps nouveau, et bien d’autres, dresse un réseau isotopique réparti uniformément dans l’ensemble de l’album. Ainsi, un monde imaginaire s’ouvre avec la première phrase « I walked down to the ocean after waking up from a nightmare. », pour se clore sur lui-même avec la répétition de la dernière phrase de « My body a cage », pressant l’autre de libéré son esprit. L’état d’un nouvel éveil dans lequel il se trouve place le sujet dans un état de révélation. À partir de cet instant, celui-ci accède au réel et décrit l’univers dans lequel il tente de s’inscrire. Une particularité de cette structure se trouve dans la condensation des références à la culture américaine en trois chansons qui se retrouvent au centre de l’album. De sorte que cet univers uploads/s3/ analyse-religiologique-de-l-x27-album-neon-bible-de-arcade-fire.pdf
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- Publié le Nov 25, 2022
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