Claude Debussy Michel Béroff intégrale de la musique pour piano mercredi 5, jeu
Claude Debussy Michel Béroff intégrale de la musique pour piano mercredi 5, jeudi 13, samedi 22 et dimanche 23 mars 1997 cité de la musique François Gautier, président Brigitte Marger, directeur général Claude Debussy - Michel Béroff pourquoi Debussy ? Parce qu'avec lui, et plus qu'avec aucun autre de ses contemporains, tout change : les repères de l'auditeur d'abord, mais aussi les réfé- rences, les fondements de la musique, son statut social, et jusqu'aux zones de l'imaginaire qu'elle a désormais le pouvoir d'investir et de mouvoir. Mais ce changement, ce passage d'un monde à l'autre, se fera imperceptible : plus de trente ans séparent les esquisses du jeune Debussy de son testament pianistique, les Etudes, recueil extraordi- naire, mais qui demeure difficile d'accès, particulièrement aux mélo- manes hypnotisés par les magies du romantisme. Il est impossible de désigner le saut décisif, le point précis où la mutation s'opère. Et cependant, à la fin du parcours, c'est comme si on était passé d'une représentation du monde sonore à une autre. Le vocabulaire, même, doit se transformer pour rendre compte de l'événement. Aux mots qui servent à décrire toute œuvre du XIXe siècle, thème, motif, mélodie, développement, continuité, qui veut saisir Debussy doit substituer, peu à peu, d'autres mots qui sont les clefs de ce que nous appelons aujourd'hui la modernité : fluidité, fulgurance, inachèvement, discontinuité. Chacun de ses mots nouveaux porte son poids de lucidité et de renoncement. La discontinuité ne s'oppose pas seulement à la continuité, pas plus qu'une écriture pleine de ful- gurances n'abolit l'esprit du développement. C'est d'autre chose qu'il s'agit. La discontinuité, c'est l'aveu que l'œuvre comme totalité close sur elle-même a disparu de l'horizon de l'art et que la beauté ne s'offre plus aux homme que sous forme de fragments ; la fulgurance est le propre d'une musique centrée sur l'instant présent et qui a renoncé au rêve beethovénien de maîtriser le temps, de le dominer, de l'assujettir à une forme. Pour comprendre pareil bouleversement de la sensibilité, une seule voie existe : le revivre pour soi, de l'intérieur, et, donc, parcourir une nouvelle fois la trajectoire créatrice qui en est le théâtre. C'est pour- quoi ce cycle de quatre récitals est organisé de façon chronologique : le premier débute par les toutes premières œuvres du musicien, le quatrième conclut par ses œuvres ultimes. A l'intérieur de chaque récital, également, le principe de chronologie prévaut, ce qui per- mettra à l'auditeur d'entendre chaque fois des pièces peu connues de Debussy, mais aussi l'un des piliers de son œuvre pour piano : les notes de programme | I Claude Debussy - Michel Béroff Livre I et II des Préludes pour les deux premiers récitals, les Images pour le troisième, les Etudes pour le dernier. Ainsi chaque auditeur sera-t-il placé en situation de goûter libre- ment les mille facettes d'une œuvre fascinante et de percevoir, parmi les ombres d'un passé lointain, la petite lueur de vérité que cet alchi- miste du son a su capter, et dont nous devons être, au seuil du pro- chain siècle, les gardiens attentifs. Didier AUuard intégrale de la musique pour piano à la croisée de plusieurs esthétiques « Le nom d'impressionniste convient parfaitement à Debussy, à la condition de n'y voir que ce que les peintres ont enfermé de signifi- cation dans ce mot » (Alfred Cortot)*. « Debussy transpose Claude Monet à la russe » (Jean Cocteau)*. « S'effacer derrière l'objet au point de l'incarner, je ne connais qu'un mot pour cela, le plus inattendu peut-être : Debussy est un réaliste » (Harry Halbreich)" « Le terme générique suffisant pour comprendre Debussy dans son contexte est celui de "symbolisme". Il va de soi, pourtant, que de même que l'on a mis en évidence les rapports entre Debussy et l'esthétique impres- sionniste, on pourrait souligner ses rapports avec l'esthétique cubiste et l'art abstrait » (Piero Rattalino)". Autant d'étiquetages aussi légitimes qu'insatisfaisants. Pour autant, la musique de Debussy n'est ni suc- cession ni assemblage de symbolisme, d'impressionnisme, de réa- lisme, de cubisme, d'abstraction. Qu'est-elle ? L'auteur a joliment esquivé la question dans le célèbre dialogue qu'il s'imagina, en 1901, avoir mené avec son double {L'entretien avec M. Croche)'. La seule ambition qu'il revendiquait à l'époque était : distinction. « Rester unique ». Sortir du troupeau. « N'écouter les conseils de personne, sinon du vent qui passe et nous raconte l'histoire du monde ». Et cet ultime, et si aristocratique, vœu d'obscurité dans l'anonymat : « Savez-vous une émotion plus belle qu'un homme resté inconnu le long des siècles, dont on déchiffre par hasard le secret ?... Avoir été l'un de ces hommes...voilà la seule forme valable de la gloire ». 2 | cité de la musique Claude Debussy - Michel Béroff Profession de foi moins inattendue si l'on se souvient que Debussy aimait la littérature fantastique et avait certainement lu Le chef-d'œuvre inconnu de Balzac. Renoncement identitaire étonnamment désabusé, pourtant, moderne en cela, digne d'un Pessoa. A rapprocher de cette interrogation, centrale, que retrouveront les musiciens formés après la seconde guerre mondiale dans l'ombre de John Cage : « Se for- muler ?... Finir des œuvres ? ». Si la musique est matière sonore - et Debussy est sans doute le premier à l'avoir consciemment définie de cette façon - son prolongement naturel est le silence. Divertissement ? Spectacle ? Course à l'audimat. Dérision. Debussy, le premier donc, range la musique du côté de l'expérience et loin de l'exhibition. Ainsi, il l'élève au rang de phénomène naturel, de « merveille de la créa- tion ». Et met dans la bouche de M. Croche cette toute simple exhor- tation : « Enfin, voyons ! quand vous assistez à cette féerie quotidienne qu'est la mort du soleil, avez-vous jamais eu la pensée d'applaudir ? ». Qui a jamais eu l'envie d'applaudir quand le rideau tombe sur la mort de Mélisande ? Alors, parlons des effets de musique atmosphérique. Un boulever- sement des sens et de l'imagination. Un autre poids spécifique du son dans l'air. La conscience, pour l'auditeur, de nouvelles priorités dans l'acte d'interprétation. L'oreille intérieure d'abord, l'indispensable état d'enchantement ensuite ; puis la nécessaire invention d'un tou- cher, d'une sonorité ; un certain scintillement, immédiatement recon- naissable au piano comme à l'orchestre ou dans la musique de chambre, et cet envol, cette transparence verlainienne de la matière sonore libérée des vieux « doigtés ». Debussy n'aimait pas jouer du piano, n'aimait pas diriger, n'aimait pas coucher l'œuvre achevée sur le papier. La technique, la virtuosité, le métier, l'achèvement même lui étaient contraires : « Monsieur, je n'aime pas les spécialistes. Pour moi, se spécialiser, c'est réduire d'autant son univers ». Debussy s'est- il jamais désigné clairement comme compositeur ? Qu'a-t-il donc dit de son art qui aidât à le définir ? Que « Le plaisir est la règle ». Que « La musique, ça ne s'apprend pas » : Mais encore ? Ceci, peut-être, quand ses « accords flottants » faisaient hurler ses maîtres du Conservatoire : « Il faut noyer le ton. Alors, on aboutit où l'on veut, on sort par la porte qu'on veut » - Debussy-pianiste au pays des merveilles ! Ceci, enfin, qu'il convient d'analyser de près : « la musique comme la poé- sie sont les deux seuls arts qui se meuvent dans l'espace ». notes de programme | 3 Claude Debussy - Michel Béroff Quel espace ? Pas celui de l'architecture, puisqu'on ne saurait par- ler dans ce cas de mobilité. Pas celui de la page blanche, où le poète inscrit ses mots, le musicien ses notes, mais qui fige les signes sur le papier. Debussy pensait probablement à l'espace de la pensée, ce lieu où verbes et sons résonnent au même diapason, qu'ils soient lus ou énoncés. lieu de la rêverie, de la promesse, du sens à naître. Lieu d'où sortent en effet - poèmes matérialisés en musique - les plus debussystes des œuvres de Debussy. Historiographie ou hagiographie, quelques textes ont immortalisé la vision du jeune maître laissant errer ses doigts sur les touches comme pour leur voler leurs secrets. Et celle, l'âge venu, de ce « pia- niste incomparable. Comment oublier la souplesse, la caresse, la pro- fondeur de son toucher ! En même temps qu'il glissait avec une douceur si pénétrante sur le clavier, il le serrait et en obtenait des accents d'une extraordinaire puissance expressive. Là nous trouvons le secret, l'énigme pianistique de sa musique, là réside la technique spé- ciale à Debussy : cette douceur dans la pression continue, et la cou- leur qu'il en obtenait avec son seul piano. Il jouait presque toujours en demi-teinte, mais avec une sonorité pleine et intense sans aucune dureté dans l'attaque, comme Chopin. » Pourquoi ne pas croire Marguerite Long (qui connut Debussy aux ultimes heures de sa vie et qui travailla sous son conseil) quand elle brosse, ainsi, du musicien malade ce tableau de magicien, vraie réincarnation de Chopin : « L'esprit de Chopin l'imprégnait, l'habitait ». Notons cependant que Debussy ne s'est jamais uploads/s3/ debussy-prelude-beroff.pdf
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- Publié le Sep 18, 2022
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