Le singe musicien. Sémiologie et anthropologie de la musique by Jean MOLINO; Je
Le singe musicien. Sémiologie et anthropologie de la musique by Jean MOLINO; Jean-Jacques Nattiez Review by: Denis-Constant Martin Cahiers d'ethnomusicologie, Vol. 23, émotions (2010), pp. 257-265 Published by: Ateliers d'ethnomusicologie Stable URL: http://www.jstor.org/stable/23267134 . Accessed: 25/04/2014 02:52 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact support@jstor.org. . Ateliers d'ethnomusicologie is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Cahiers d'ethnomusicologie. http://www.jstor.org This content downloaded from 41.229.115.112 on Fri, 25 Apr 2014 02:52:50 AM All use subject to JSTOR Terms and Conditions LIVRES LIVRES Jean MOLINO: Le singe musicien. Sémiologie et anthropologie de la musique Précédé de : Introduction à l'œuvre musicologique de Jean Molino par Jean-Jacques Nattiez. Paris : Actes Sud / INA, 2009. 478 p. Ce volume propose un ensemble de dix-sept textes écrits par Jean Molino entre 1975 et 2000, sélectionnés et minutieusement présentés par Jean-Jacques Nat tiez. Il s'ouvre sur l'article fondateur publié dans le numéro 17 de Musique en jeu sous le titre: «Fait musical et sémiologie de la musique» et se referme sur une conclusion spécialement rédigée pour ce livre et qui lui donne son titre. L'orga nisation en est thématique et non chronologique; les articles sont répartis en «fondements», «analyse», «sociologie, histoire et anthropologie», «esthétique», «esquisse anthropo-historique de la musique», parties que traversent les ques tions abordées par Jean Molino et les réponses qu'il a proposé d'y apporter. Face à une telle somme, l'entreprise de recension est particulièrement délicate. Il semble impossible de rendre brièvement la complexité et la subtilité de raisonnements appuyés sur une culture encyclopédique qui déborde très lar gement le champ de la musique et des musicologies. Ayant abondamment écrit sur la musique depuis 1985, Jean Molino est aussi, indissolublement, une auto rité en sémiologie générale, en linguistique, en littérature française et comparée, domaines qu'il a abordés à partir d'une grande maîtrise de la philosophie et des langues. Aussi, le compte rendu ne saurait être que partiel et basé sur des choix qui sont loin d'épuiser la matière de l'ouvrage. Une fois écrit que Le singe musicien est un livre de référence pour qui s'intéresse à la sémiologie et à l'anthropologie de la musique, à l'analyse musicale et à l'histoire des théories musicologiques (et ethnomusicologiques), il faut, pour le présenter et inviter à le lire, insister d'abord sur sa fonction critique. Les textes de Jean Molino interrogent dans trois dimen sions: ils interrogent une réalité, les faits musicaux; examen qui pousse l'auteur à s'interroger et à présenter des réflexions, des analyses et des suggestions théo riques et méthodologiques; réflexions qui suscitent chez le lecteur de nouvelles interrogations. C'est une partie des entrecroisements entre ces trois modes d'in terrogation que je voudrais essayer de restituer en abordant le propos de Jean Molino dans le cadre du projet d'une musicologie générale (117 ; chap. 6). Tripartition Au commencement était la tripartition, pourrait-on écrire, qui induit une approche analytique applicable non seulement à la musique mais à «n'importe quel objet ou n'importe quelle pratique produits par les êtres humains»1. S'agissant 1 Jean-Jacques Nattiez, Introduction: 14. This content downloaded from 41.229.115.112 on Fri, 25 Apr 2014 02:52:50 AM All use subject to JSTOR Terms and Conditions 258 Cahiers d'ethnomusicologie 23/2010 spécifiquement de la musique, elle implique de considérer que «Ce qu'on appelle musique est en même temps production d'un «objet», objet sonore, enfin récep tion de ce même objet. Le phénomène musical, comme le phénomène linguistique ou le phénomène religieux, ne peut être correctement défini ou décrit sans que l'on tienne compte de son triple mode d'existence, comme objet arbitrairement isolé, comme objet produit et comme objet perçu. Ces trois dimensions fondent pour une large part, la spécificité du symbolique» (73-74). D'emblée, il est posé que les trois modes d'existence de la musique se rejoignent dans le symbolique, donc dans un système de renvois infinis de signe à signes (86-89) et d'«appli cations», de mises en correspondance de configurations distinctes2. L'infinitude des renvois constitue le fait musical en fait social total: «[...] il n'y a musique qu'avec la construction de systèmes symboliques sonores susceptibles de ren voyer à tous les domaines de l'expérience. La musique est bien un fait anthropo logique total» (95). Cette infinitude explique également qu'il ne saurait y avoir de musique «pure», que celle-ci est toujours un mixte multidimensionnel et que son étude doit inévitablement repartir de cette prémisse, car si LA musique3 n'existe pas, il ne peut y avoir une théorie qui en rende totalement compte, pas plus qu'il ne peut avoir d'analyse qui couvre l'ensemble des aspects d'un fait musical. D'où le projet d'une musicologie générale qui ne proposerait pas un système uni versellement valable mais viserait plutôt à concevoir l'articulation et l'interaction de diverses disciplines et approches musicologiques, anthropologiques et histo riques, incessamment repensées à la lumière des spécificités des objets étudiés sans exclusive (de la musique dite «d'art» occidentale aux musiques savantes extra-occidentales, aux musiques de transmission orale, aux musiques populaires ou de masse). Quels prolégomènes à cette musicologie générale peut-on déduire du Singe musical? Impureté Les premiers tiennent au mélange et à l'impureté des musiques: elles sont toutes composées d'éléments hétérogènes (193), donc se mêlent, se font des emprunts et «se jouent les unes des autres» (84) pour engendrer des formes mixtes. Toute production musicale repose ainsi sur une combinatoire (186-187), son écoute elle-même est plurielle. De la richesse de l'impureté - qui contredit l'opposition du sonore éthéré et du charnel inscrite dans bien des théorisations des musiques savantes -, il découle que l'étude du fait musical doit porter sur la pratique musicale et non sur une ou une série d'œuvres isolées, «purifiées» en quelque sorte, et s'attacher au rôle qu'y jouent les corps, et leurs mouvements, 2 Jean Molino se réfère à Charles Sanders Peirce et à Gilles-Gaston Granger; voir Molino 1979a et 1979b. 3 «Il n'y a donc pas une musique, mas des musiques, pas la musique, mais un fait musical. Ce fait musical est un fait social total » (76 ; italiques dans l'original). This content downloaded from 41.229.115.112 on Fri, 25 Apr 2014 02:52:50 AM All use subject to JSTOR Terms and Conditions Livres 259 des producteurs aussi bien que des auditeurs (140). L'impureté sous-tend une définition «partielle, partiale et provisoire» de la musique: «elle est son et rythme organisés» (192). Le mélange et l'impureté conduisent donc, en particulier via les corps, au rythme. Rythme Et aux deuxièmes prolégomènes qu'affirme avec beaucoup de force Jean Molino : ceux qui ont trait à l'autonomie du rythme. Celui-ci ne doit pas être conçu comme une composante de la musique, mais comme un ensemble de pratiques qui ani ment les corps individuels comme les sociétés. L'expérience rythmique survient au croisement de l'activité (dont le corps est évidemment partie prenante) des sujets, des rythmes des sociétés et des rythmes du monde (410-411). Elle tra verse également la danse, la parole et la poésie (148-150), que réunit une forme de «sémantique affective» (250), tant les affects sont attachés au corps et à ses gestes. Il convient donc de traiter le rythme comme un objet à part entière: «Les relations du rythme et de la musique ne doivent donc pas être envisagées comme des relations de dépendance entre la musique et un de ses paramètres mais comme les relations de deux <familles> unies par de multiples réseaux enchevê trés» (407). Et, si poésie et langage possèdent un «ancrage musical» (251-252), c'est le critère sémantique qui permet de confirmer que la musique n'est pas un langage (253). Ayant recouvré son autonomie dans l'analyse, le rythme, fon dement corporel, affectif, individuel et social d'un ensemble expressif musique danse-parole-poésie, conduit à une conception de la musique comme pratique à la fois artistique et cognitive. Cognition S'inspirant notamment des travaux de Simha Arom et de Steven Feld4, Jean Molino considère que «[...] l'art ne reflète pas une conception du monde, il contribue à la produire par des moyens spécifiques» (329). Les troisièmes prolégomènes sou lignent donc la dimension cognitive de la musique. À l'instar des Kaluli, les êtres humains «[...] pensent leur musique et leur musique les fait penser. Comprendre leur musique, c'est donc la plonger dans le système cognitif qui lui donne tout son sens» (307). L'étude de la musique est ainsi non seulement susceptible de contribuer à la connaissance des sociétés d'un point de vue externe, elle est une des voies qui peuvent introduire à une appréhension plus fine de la manière dont les membres d'une société pensent le monde dans lequel ils vivent, dont ils se le représentent et agissent en fonction de ces représentations. 4 Auxquels sont consacrés, respectivement, les chapitres 8 et 14, sans compter les autres mentions de leurs recherches dans le reste du uploads/s3/ le-singe-musicien-semiologie-et-anthropologie-de-la-musique-molino.pdf
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- Publié le Oct 14, 2022
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