Au début du XVIII ème siècle, le violoniste italien Giuseppe Tartini dit avoir

Au début du XVIII ème siècle, le violoniste italien Giuseppe Tartini dit avoir composé sa « sonate du diable « en rêve grâce à un pacte scellé avec le diable pour le prix de son âme. En ce sens, nous nous interrogeons sur le processus de création de ce musicien. Ce dernier apparaît bien comme un génie doué d’une aptitude surnaturelle à créer quelque chose d’exceptionnel. En effet, la source plus ou moins mystérieuse de son inspiration lui a attribué un talent. Ainsi, le sujet nous invite à lier le talent à la forme qu’il prend. De ce fait, « l’idée de génie « permet bien à l’artiste, au scientifique ou au musicien de se rattacher au réel mais aussi de tendre vers un monde intelligible. Aussi, l’opinion commune semble attester du caractère inné du génie. Sa faculté de création procède donc de son essence même. Cependant, cette conception soulève un paradoxe essentiel. En effet, si l’idée de génie est innée, cela signifie que l’homme n’a plus besoin de travailler. Ainsi, il ne tendrait plus vers un but et se laisserait mener uniquement par son intuition surnaturelle. Cela ne nous conduirait-il pas à réduire notre connaissance du monde ? En effet, comment rendre compte d’une connaissance universelle dans un monde mouvant par le simple biais d’une source d’inspiration surnaturelle ? Tout d’abord, l’opinion commune admet que l’idée de génie procède du caractère inné d’une personne. Cependant, c’est en dépassant l’expression d’une idée trop conventionnelle, par le travail, que le génie est le plus créatif. En fait, la seule fin vers laquelle tend le génie n’est pas dans l’idée mais dans l’expression de son individualité. Tout d’abord, considérons l’opinion commune selon laquelle l’idée de génie procède du caractère inné d’une personne qui n’admet pas forcément le travail. Le but vers lequel tend l’idée du génie tient à la nécessité d’éclairer le monde. En ce sens, l’idée apparaît comme la pensée qui se rattache au réel. Ainsi, Aristote s’est opposé au dualisme entre le corps et l’âme énoncé par Platon afin de rendre compte du monde sensible. Ainsi, le génie n’est pas uniquement celui qui se détache du monde sensible pour tendre vers le monde « intelligible « des Idées. En effet, le génie c’est aussi celui qui est capable de rendre compte du monde sensible par ses idées. Ainsi lorsque Galilée tente d’expliquer au monde que la terre est ronde il tend à rendre plus compréhensible le monde sensible. Pareillement, pour les Empiristes, l’idée apparaît comme une copie plus faible des impressions sensibles. De la même manière l’idée de génie apparaît comme une utilité. En effet, l’idée nous permet de donner une image à la réalité. Ainsi, lorsque nous pensons à l’idée d’une chaise, nous voyons alors l’image d’une chaise dans notre esprit. L’idée de génie est donc formatrice puisqu’elle nous permet d’expérimenter de nouvelles idées à chaque instant. Après s’être interrogé sur le but de l’idée de génie il est aussi nécessaire de se demander d’où elle provient. Dans l’antiquité, le génie tire son inspiration des divinités. Ainsi l’étymologie du mot « génie « vient du mot latin « genius « qui signifie avant toute chose « la divinité «. Ainsi la source d’inspiration de l’idée du génie apparaît comme plus ou moins mystérieuse. Dans son dialogue du Ion, Platon considère que la poésie n’est pas un effet de l’art puisqu’elle naît de l’inspiration divine. C’est donc par l’emprise d’une force surnaturelle que le poète réussi son œuvre. Pareillement, les muses apparaissent comme des « pierres magnétiques « qui attirent le poète vers un talent prometteur. En s’interrogeant sur la source de création des poètes, Platon justifie l’inspiration divine en affirmant que le génie ne peut réussir que dans un seul et même domaine. En effet, Ion maîtrise parfaitement les vers du grand Homère mais il ne connaît rien des autres poètes. Aussi, Platon atteste que les muses de l’inspiration ne peuvent étendre le talent d’un homme à tous les domaines : « Chacun n’est capable de bien composer que dans le genre vers lequel la muse l’a poussée «. Ainsi on ne reconnaît pas le génie en tant que tel mais seulement la source d’inspiration qui l’a poussée à créer son œuvre. Au regard de ces deux conceptions à propos de l’idée et de la source d’inspiration du génie il semble que l’inspiration divine prime. En effet, l’idée ne prend naissance qu’en dernier après avoir trouvé sa source hors du génie lui-même. Aussi Descartes distingue trois types d’idées selon leurs origines. Il admet tout d’abord qu’il existe des idées innées « nées avec moi «, ensuite il considère l’idée qui provient du dehors, les idées « adventices «, enfin il affirme l’existence d’idées formées par moi-même, les idées « factices «. Si l’on considère le caractère inné des idées, alors il n’y a pas plus d’inspiration divine, seulement comment se représenter la source d’une connaissance venue de nulle part si ce n’est par ma propre expérience ? Pareillement n’y aurait-il pas un danger pour le génie qui considère ses propres idées préconçues comme valables ? Il risquerait en effet de ne pas considérer autrui dans son individualité. Ainsi, lorsque Kant considère l’idée de génie en tant qu’un caractère représentatif de la pensée humaine il rend mieux compte de la nécessité même de l’idée. En effet, c’est seulement lorsque la raison s’efforce de penser au-delà de l’expérience possible que l’idée de génie montre son utilité. Grâce à elle, l’existence de l’âme s’affirme au-delà de la représentation des réalités subjectives. Ainsi si je me borne à penser l’idée d’un lit comme la conception préconçue que je lui avais donné je ne me représente pas la diversité de cette idée de lit. Il est donc nécessaire que je tende vers une conception qui me dépasse. Cependant, lorsque nous affirmons que l’idée ne prend naissance qu’en dernier ressort dans l’expérience sensible, nous réduisons la connaissance à une généralisation. En effet, une idée ne doit pas se contenter de changer à chaque instant, elle doit aussi rendre compte de la régularité des phénomènes naturels. En fait, c’est en dépassant l’expression d’une idées trop conventionnelle, par le biais du travail, que le génie a le plus de chance de montrer son inventivité. En effet, le génie ne doit pas être perçue comme un être transcendant. Comme tout à chacun, le génie travaille pour accoucher d’une expression unique et originale. Ainsi lorsque le peintre représente une partie de l’anatomie humaine, son génie ne réside pas uniquement dans son œuvre, il réside aussi dans les moyens qu’il s’est donné pour parvenir à son but. A force d’observer et de travailler la forme de telle ou telle partie de l’anatomie, le génie apparaît comme « un être en puissance « qui continue toujours de persévérer. En effet, si l’être humain ne se donnait pas de but comment pourrait-il avancer par l’unique force d’une inspiration divine ? Dans la même perspective, Boileau, dans son Art poétique, lie la source du beau à la raison. En effet, il admet que le poète travaille toujours à perfectionner son œuvre grâce aux règles qu’il se fixe. Ainsi les règles classiques lui permettent de toujours tendre vers un but tout en surmontant les obstacles plus aisément. Le génie n’apparaît donc pas comme un « surhomme «. D’ailleurs certains auteurs admettent que le génie est plutôt atteint d’une pathologie qui nourrit sa création. En effet, pour Nietzsche, l’artiste n’apparaît pas comme un être supérieur à autrui. Dans son Humain trop humain, Nietzsche affirme que croire en une « divinité « des artistes est un caprice de la raison. Le génie apparaît donc comme un être connu de tous qui s’affirme uniquement par sa production et par sa persévérance. De plus, dans son problème XXX, Aristote continue de s’opposer au dualisme de Platon en affirmant que la création du génie est rendue par un mal venue du corps et de l’âme. Ainsi, il y a différentes façons d’être mélancolique selon la nature et l’essence même des génies. Selon lui, l’excès de « bile noire « (melas kholè*) et le déséquilibre des humeurs témoignent chez les génies d’une maladie mais aussi et surtout d’une nature exceptionnelle. L’humeur mauvaise de la mélancolie n’est donc plus une malédiction divine mais un don que l’homme se fait à lui-même. En fait, il ne semble plus y avoir de véritable alternative entre le génie et le fou. Ainsi, Proust définit le personnage de Swann (dans la partie « un amour de Swann « de sa Recherche du temps perdu) comme un amoureux transis qui se laisse emporter et aveugler par sa folie. Aussi cette folie n’est pas inutile puisqu’elle permet de rendre compte de la « vraie vie «. En effet, pour Proust, le génie se manifeste grâce à l’art et la rêverie qui permettent à Swann d’explorer tout le pouvoir de son imagination. En effet, si nous ne pouvons connaître la réalité de l’homme par l’intelligence, il ne reste qu’un refuge à la vérité ; celui de l’art et uploads/s3/ dissertation-le-genie.pdf

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