L’influence du courant renaissant italien fut omniprésente dans toute l’Europe

L’influence du courant renaissant italien fut omniprésente dans toute l’Europe au XVe siècle, et la France ne fut pas exclue de ce raz-de-marée innovateur. C’est par le biais des guerres d’Italie (débutant dès 1494) que les rois de France découvrirent ces nouvelles pratiques renaissantes italiennes et, par un souci de rivalité, en vinrent eux aussi à développer un rôle de mécénat. Des rois tels que Charles VIII et Louis XII pavèrent la voie, mais ce fut principalement sous le règne de François 1er qu’un réel mécénat permettra à un bourgeonnement artistique de voir le jour. Ce souverain fit venir en France une panoplie d’artistes italiens, notament Léonard De Vinci en 1516. Il n’était donc pas rare que des collaborations entre artistes italiens et français voient le jour, donnant lieu à des mixtures presque maniérées, prémisses d’une représentation plus typée dont sera teinté l’art renaissant français. Néanmoins, ceux dont l’apport fut le plus décisif pour le création d’un style caractéristique de la renaissance française furent sans contredit le trio de Fontainebleau constitué d’abord de Rosso Fiorentino et Primatice, puis dans une moindre mesure de Niccolò dellʹAbate. Leur apport italien et le maniérisme dont ils feront preuve sauront trouver des résonnances dans les goûts français jusqu’à s’étendre dans toutes les sphères artistiques de l’époque. On assiste alors à une réelle création d’un style national typiquement inspiré du style renaissant italien. En 1528, François 1er déclare son intention de faire déménager sa cour au sein du manoir de Fontainebleau, un rendez-vous de chasse cerné d’une vaste forêt à soixante kilomètres de Paris. C’est entre ces murs que se développera le style renaissant français, puisque le roi y fera venir Rosso Fiorentino et Primatice d’abord, assisté plus tard de Niccolò dellʹAbate. Ces trois artistes constitueront la première École de Fontainebleau, et leurs créations auront une influence assez vaste pour toucher tous les domaines de l’époque, du vitrail à la sculpture, en passant par la conception de meubles. Ceux-ci sont aidés dans leurs tâches par des Français, tel Jean Fouquet. Leur style, hérité de Michel-Ange et Raphael, sera indubitablement maniéré et sa forme en sera guidée par les intentions du roi, mais également par la polyvalence et la rapidité d’exécution des artistes. Bien que le château de Fontainebleau soit en soi un monument intéressant, l’œuvre la plus remarquable et la plus largement diffusée à-travers l’Europe de l’époque est sans conteste contenue entre ses murs ; la galerie François 1er. L’aile de cette galerie fut construite à partir de 1528 pour relier les appartements royaux et le couvent des religieux trinitaires. La galerie se situant au premier étage n’avait qu’un rôle de passage utilitaire, mais elle sera rapidement déviée de sa fonction première. C’est d’abord à Rosso Fiorentino que le roi fera appel en 1530 pour lui confier les rênes de la décoration de cette galerie, celle-ci se devant d’être achevé pour la visite de Charles Quint en 1539. Rosso la termina en environ deux ans, entre 1535 et 1537, et signa la majorité des fresques décorant encore les murs aujourd’hui. Malgré une opulente apparence de désordre, ces fresques sont divisées en douze quadri riportati rectangulaires représentant allégoriquement des épisodes de la vie du roi, toutes soigneusement agencées les uns aux autres sur les parois nord et sud. Cette galerie pourvue de boiseries et de plafond à caissons est un véritable épanchement de la richesse du roi, puisque celui-ci, en confiant la décoration de la galerie à un maniériste italien, témoigne d’un désir de démonstration de pouvoir semblable à ce qui se faisait à la même époque en Italie par de grands mécènes, tels les Médicis. Par le fait même, le souverain sera omniprésent parmi ces œuvres, que ce soit par la présence de la salamandre, son symbole, ou par son apparition dans certains tableaux, personnellement ou iconographiquement. Il s’agit donc bien d’une campagne de propagande du pouvoir royal qui ne cessera de se complexifier jusqu’à aboutir à son paroxysme sous Louis XIV. Salamandre couronnant le tableau L’Éléphant fleurdelisé On représente même parfois le roi comme faisant partie de l’action d’un tableau, comme c’est le cas dans la fresque de l’Ignorance chassée du temple de Rosso. Le monarque est illustré épée à la main et tenant un livre en entrant dans le temple de la connaissance. Des personnages hommes et femmes ayant les yeux bandés symbolisent l’ignorance et restent à l’extérieur du lieu de culte. Le message envoyé est clair; le roi est un mécène, un homme de culture, à qui il tient de guider sa population vers une connaissance que lui possède de par sa nature de souverain. Non seulement le message de propagande est intéressant, mais les nombreux personnages ont une gestuelle très expressive et maniériste, typique du travail de Rosso. L’entremêlement des corps, les mains soulevées vers le ciel en signe de demande d’aide, les formes sinueuses des silhouettes, notamment celle féminine de gauche, tout en mis en œuvre afin de créer un contraste entre la populace ignorante, courbe, et le roi droit, fier et sage. Fresque de l’ignorance chassée du temple La galerie, en plus d’être réalisée par le biais de grandes fresques, est pourvue de stucs extrêmement expressifs encadrant les scènes peintes. Ces stucs perdent leur seule qualité de cadres et s’inscrivent fortement dans la même lignée décorative que les fresques qu’ils entourent, semblant même parfois revêtir plus d’importance que celles-ci. Ce mélange de fresques et de stuc est innovateur et l’usage de ce dernier à des fins de sculptures l’est tout autant. Il s’agit d’une prémisse à l’art de l’ornement et à un style empruntant au maniérisme italien, mais dont la forme et le traitement sont typiquement français. C’est de cet amalgame qu’émergeront les caractéristiques principales de l’art renaissant en France. La plupart des fresques sont l’œuvre du Rosso, mais suite à la mort de celui-ci et à quelques réaménagements de la galerie, Primatice en complètera l’aménagement. Malgré ses évidents efforts pour conserver la continuité de la galerie, le style du Primatice ressort clairement dans une fresque telle que Danaé, dont le style est beaucoup plus doux et plus symétrique que celui du Rosso. La pluie d’or, symbole de Zeus venu s’unir à Danaé, est très schématisée avec la présence du nuage, et les personnages sont plutôt statiques, ce qui contraste avec ceux assez animés des fresques du Rosso. Les draperies, remarquablement insérée au-travers des corps, et la Danaé au calme olympien font ressortir une impression de statuaire grecque empruntée à l’Antiquité. Fresque de Danaé Stuc de la fresque de Danaé Les stucs, quant à eux, sont magnifiquement sculptés et témoignent du faste du pouvoir royal par le grand panier de fruits et l’abondance de ceux-ci. Ces femmes-colonnes ne sont pas sans rappeler les Cariatides de l’Érechthéion, mais sont représentées nues et avec une posture plus maniérée, les bras soutenant le panier de manière statique. Les trois femmes constituant le stuc ont toutes des positions différentes, mais ne dégagent pas une grande impression de mouvement. Si on compare avec un stuc de Rosso, celui de la femme satyre à droite de l’Ignorance chassée du temple, on perçoit une action, un drame créé par la torsion du corps et la position des jambes- sabots, élément de mythologie. L’expression du visage est plus expressive et les bras semblent levés dans une position plus naturelle, plus humaine que celle des femmes de Primatice. Les deux personnages peints à la fresque de part et d’autre du stuc viennent ajouter au caractère humain en s’insérant dans l’espace restreint tout en conservant une identité propre. Stuc de l’Ignorance chassée On perçoit bien chez ces deux artistes l’attrait pour le nu féminin élégant et les scènes allégoriques, des caractéristiques qui seront propres au mouvement de l’école de Fontainebleau. Ces sujets seront repris à de nombreuses reprises par d’autres artistes qui suivront les pas du Rosso et de Primatice. Il sera possible de percevoir des traces encore plus équivoques de l’influence du maniérisme italien dans ces représentations féminines, notamment par l’allongé des figures. Un des exemples les plus frappants est ce tableau de Diane chasseresse. Diane chasseresse Exécutée par un peintre inconnu, cette toile s’inspire d’une statue antique romaine offerte à François 1er. La reprise d’un sujet mythologique adapté au goût maniériste de l’époque en fait un symbole équivoque de l’école de Fontainebleau. On reconnaît la déesse Diane, Artémis, à ses attributs; le carquois et l’arc, le croissant de lune, les flèches. Son visage allongé et sa silhouette aux formes sensuelles prônent une idéalisation du corps féminin en communion avec la nature. Même le chien accompagnant la déesse est représenté allongé, pratiquement en état de lévitation. Peu de profondeur et de perspective sont mis de l’avant, effectuant un rappel à la statuaire gréco- romaine et à leur représentation antique. Un certain rapprochement est possible entre cette Diane et la Danaé de Primatice, les deux femmes étant représentées selon une esthétique antique élégante, toute en allongée, et se voulant un éloge à la nudité féminine et à la capacité du peintre de représenter celle-ci avec grâce. L’usage de la uploads/s3/ ecole-fontainebleau-2.pdf

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