GYÖRGY LIGETI : L'ENJEU THÉMATIQUE DANS LE DEUXIÈME QUATUOR À CORDES Author(s):

GYÖRGY LIGETI : L'ENJEU THÉMATIQUE DANS LE DEUXIÈME QUATUOR À CORDES Author(s): Alain POIRIER Source: Musurgia, Vol. 3, No. 4, Dossiers d'analyse (1996), pp. 45-54 Published by: Editions ESKA Stable URL: http://www.jstor.org/stable/40591060 Accessed: 02-10-2016 06:53 UTC JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact support@jstor.org. Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at http://about.jstor.org/terms Editions ESKA is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Musurgia This content downloaded from 140.233.2.215 on Sun, 02 Oct 2016 06:53:11 UTC All use subject to http://about.jstor.org/terms GYÖRGY LIGETI : L'ENJEU THÉMATIQUE DANS LE DEUXIÈME QUATUOR À CORDES Alain POIRIER* En tant que titre générique d'un ensemble de cours donnes par Pierre Boulez au Collège de France^), « L'enjeu thématique » a focalisé l'at- tention tant des compositeurs que des observateurs de la musique des années quatre-vingt. La trajectoire de l'œuvre de György Ligeti, depuis Apparition et Atmosphères jusqu'aux Etudes pour piano, est elle-même largement repré- sentative de cette problématique, depuis le dépassement du thématisme jusqu'à sa réintégration. Une approche du Deuxième Quatuor, composé en 1968, se doit de situer les fondements du problème avant d'aborder la mise en œuvre de critères « thématiques »» dans cette partition. L'enjeu thématique : les étapes de la réintégration « Le propos fondateur de la produc- tion d'avant-garde est de reconstituer l'unité culturelle européenne et de contribuer à l'édification de la société sur une base rationaliste [...] Coupant court à tout esprit de tradition, la musique nouvelle édifiera son vocabu- laire, sa syntaxe et sa stylistique propres. Ceux-ci, dégagés de l'histoire des conventions, s'affranchissent dans le principe de toute référence à un contexte préalable. Retranchée dans l'autonomie de la construction formel- le, la musique n'est plus que la média- tion d'elle-même >»(2>. Après les tenta- tives improductives de reconsidération de l'histoire des années cinquante, telles que les présente Hugues Dufourt, les compositeurs de la géné- ration de Ligeti semblent s'être libérés de leurs tabous en procédant à une suite de réintégrations de paramètres, jusque-là refoulés. En effet, le contex- te de la fin des années soixante-dix dans lequel s'inscrit le Deuxième Quatuor de Ligeti est historiquement et symboliquement lourd de consé- quences. Les années 1968-1970 sont les années des Musiques pour les sou- pers du roi Ubu de Zimmermann, de Stimmung de Stockhausen, de la Sinfonia de Berio, Ludwig van de Kagel ou encore du Votre Faust de Pousseur pour ne s'en tenir qu'à quelques exemples représentatifs, œuvres dans lesquelles les paramètres de la perception, notamment théma- tiques, sont particulièrement renforcés. Bien que de natures et d'esthétiques diverses, et répondant à des stratégies et à des ambitions différentes, ces par- titions montrent une « avant-garde »» à la fois déconcertée et avide de renouer • Professeur au Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris. 0) P. Boulez, repris dans Jalons (pour une décennie), Paris, Bourgois, 1989. (2) H. Dufourt, « Autopsie de l'avant-garde. Art et société : la fin d'un clivage -, dans Contrechamps n sept. 1984, p. 96. Voir également C. Dahlhaus, « La crise de l'expérimentation », Ibid., p. 106 sq. This content downloaded from 140.233.2.215 on Sun, 02 Oct 2016 06:53:11 UTC All use subject to http://about.jstor.org/terms 46 avec une forme de communication socialeO). La position de Ligeti dans ce débat sera moins tranchée, du moins en apparence. Martin Zenck note que l'œuvre de Ligeti décrit six étapes chronologiques en relation proportion- nelle à la reconnaissance du composi- teur : « 1) le néo-classicisme hongrois de l'héritage bartokien (Premier Quatuor à cordes), 2) la pure compo- sition de sons (Apparitions, Atmos- phères), 3) r« apparition en transparen- ce » d'éléments traditionnels (Re- quiem), 4) le travail à l'aide d'« enve- loppes >» traditionnelles (Deuxième Quatuor à cordes, Dix Pièces pour quintette à vent, Concerto pour violon- celle, Concerto de chambre), 5) la concrétisation de déroulements mélo- diques individuels (Melodien) et 6) le lien affirmé avec l'histoire (Trio pour cor, violon et piano) - avec une popu- larité chaque fois croissante »W. Pour séduisante qu'elle soit, cette trop rapi- de association entre l'histoire des œuvres et celle de leur réception ne peut prétendre rendre compte ni de l'évolution réelle, ni de la situation réelle du Deuxième Quatuor dans l'œuvre du compositeur. Nature et ambitions de l'enjeu thématique A la question « Comment écrit-on un quatuor à cordes en 1968 ? •» dans l'un des entretiens avec Josef Häusler, Ligeti répondait en terme de référence à la « tradition » du genre, citant les derniers quatuors de Beethoven, ceux de Bartok et de l'école de Vienne. Précisant sa pensée, il situe le Deuxième Quatuor comme « un hom- mage conscient à Bartok [...] non sous la forme de citation, mais d'"habitus", d'"aura" de cette musique, à l'intérieur d'un contexte qui est tout à fait autre »»(5). En prolongeant cette notion d'« allusions » [Anspielungen] plutôt que de citations*®, Ligeti précise com- bien le Cinquième Quatuor de Bartok, la Suite lyrique de Berg et les quatuors de Webern - et tout particulièrement les Bagatelles op. 9 - ont été ses points de repères pendant la composition. Deux problématiques générales, his- toriques et analytiques, se dégagent de ces propos. D'une part, la faculté d'adaptation et le degré de résistance du genre / formation « quatuor à cor- des >» - qui connaît en cette fin de XXe siècle un regain d'intérêt peu commun - parallèlement à l'histoire d'une tradi- tion qui semble s'imposer inévitable- ment avec son cortège de références depuis Beethoven, renvoie à la volon- té de s'inscrire dans une histoire. D'autre part, le fait d'accumuler les dites références pour démontrer l fondements d'une œuvre présente l'in convénient majeur de « tirer l'œuv vers le passé »• aux dépens des caract ristiques qui en font la véritable orig nalité. Si nous renvoyons régulière- ment à ces références dans l'analyse qui suit, c'est évidemment plus pour en montrer la pérennité sous la plume de Ligeti que dans le but d'affaiblir les mérites de ce dernier. G) François Nicolas a traité de cette réintégration du thème parallèlement au contexte de 1968 dans Traversées du séria lis me, Les Conférences du perroquet, n° 16, Paris, avril 1988. (4) M. Zenck, cité et discuté par H. -P. Kyburz (cf. bibliographie), pp. 136-137. G) Entretien avec J. Häusler, repris dans O. Nordwall (cf. bibliographie), pp. 139-141 . On relèvera les méta- phores de I1« enveloppe » et de 1'« aura » qui seront aussi traitées par Boulez dans « L'enjeu thématique » (op. ci/.). Voir aussi G. Borio (cf. bibliographie). fó) La deuxième pièce de Monument, Selbstportraü, Bewegung pour deux pianos (1976), intitulée - Selbstportrait mit Reich und Riley (und Chopin ist auch dabei) » (« Autoportrait avec Reich et Riley (et aussi Chopin à l'arrière-plan »)) est caractéristique de la permanence de V- allusion - chez Ligeti. This content downloaded from 140.233.2.215 on Sun, 02 Oct 2016 06:53:11 UTC All use subject to http://about.jstor.org/terms GYÕRGY LIGETI : L'ENTEU THÉMATIQUE DANS LE DEUXIÈME QUATUOR A CORDES Typologie de l'écriture Tous les commentateurs de l'œuvre de Ligeti ont mentionné le passage progressif du type de système « nuage »» à celui de l1« horloge » dans les partitions des années soixante. Au statisme d'Atmosphères (1961) est tra- ditionnellement opposé l'événementiel à partir du provoquant Poème sympho- nique pour cent métronomes (1962) ou de l'épisode des « horloges démo- niaques » des Nouvelles Aventures (I962-I965). Ces deux approches, opposées et juxtaposées à l'intérieur du Requiem (Kyrie / Lacrimosa), ren- voient à des types structurels que Pierre Michel a dénombrés en cinq catégories^) : 1) événementiel « ha- ché », 2) trémolo autour d'un interval- le simple, 3) mélodie énoncée très rapidement par deux instruments (très grave / suraigu), 4) cadence non mesurée et très rapide, et 5) « chaos organisé ». On notera que ces types structurels, trop souvent réduits à des procédés commodes, ne sont mis en évidence que par la perception, et de ce fait, ne rendent pas totalement compte de la position de Ligeti quant à son attitude vis-à-vis du matériau uti- lisé. On reviendra sur ce rapport parti- culier entre écriture et perception. Le Deuxième Quatuor est présenté par l'auteur comme s' inscrivant « dans la lignée Requiem-Aventures-Concerto pour violoncelle, et faisant partie de ces mouvements très serrés, très chro- matiques ». Les cinq mouvements « possédant tous leur caractère pro- pre », Ligeti ajoute : « ce travail avec des caractères distincts m'a donné l'idée d'abandonner dans les Dix Pièces pour quintette à vent l'indivi- dualité de chaque mouvement et d'uti- liser un répertoire des différents types musicaux. J'avais fait une liste de tous ces types de « gestes », il y en av environ trente [...] Les Dix Pièces étaient donc vraiment une uploads/s3/ elaborazione-tematica-secondo-quartetto.pdf

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