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19/11/22, 14:51 Entrevue avec Claire Bernard, Violoniste - www.ellenmoysan.com/entrevue-avec-claire-bernard-27-02-2012-paris/ 1/8 Entrevue avec Claire Bernard, Violoniste (27.02.2012, fait par Ellen Moysan à Paris, France) Violoniste née à Rouen. 1 prix de violon. 1 prix de musique de chambre. Médaille d’or Carl Flesh. 1 prix au Concours international George Enesco à Bucarest Elève de Marcel Raynal, de Dominique Hoppenot et de Henryk Szering. Disques chez Philips et Arion. Membre du Jury au concours international Tchaikovski à Moscou et au concours international Marguerite Long, Jacques Thibaud à Paris. Violon solo à l’orchestre de chambre de Chambery, membre du trio Claude Maillols Fondatrice d’un atelier de travail. Professeur au C.N.R de Lyon, assistante au C.N.S.M de Lyon. Membre de l’ensemble « Les temps modernes ». *** Vous avez été élève de Dominique Hoppenot, auteur du Violon intérieure, et pédagogue majeure. Est-ce elle qui vous a initiée à cette idée de chant intérieur ? M U S I Q U E P H I L O S O P H I E er er er 19/11/22, 14:51 Entrevue avec Claire Bernard, Violoniste - www.ellenmoysan.com/entrevue-avec-claire-bernard-27-02-2012-paris/ 2/8 Non, la pensée musicale chantait en moi depuis mon enfance. Comme l’indique l’expression, le chant intérieur relève du domaine de l’intime. Que pourriez-vous nous dire de ce lieu où il habite ? Le chant intérieur trouve sa source dans l’être intérieur auquel on a accès par l’écoute de soi-même et l’observation, non pas une observation narcissique de soi mais par un regard interne. Quelle importance revêt cette intériorité dans l’expression instrumentale ? Le plus important est de s’orienter, de s’ancrer à l’intérieur. C’est la condition première pour exprimer ensuite quelque chose de consistant, mais aussi pour être conscient de ce qu’on est en train de jouer. Plus on s’intériorise plus on est conscient de l’extérieur. Est-ce que cet ancrage dans l’intériorité vient rejoindre une sorte de disposition innée à la musique qui serait inégalement répartie, un peu de l’ordre du don ? Oui, on peut effectivement observer cela chez certains sujets. C’est comme un don, un karma que l’on reçoit, une âme dont on n’est pas le propriétaire. Cela dit cette disposition n’est pas nécessairement génétique. Est-ce qu’il y a aussi des facteurs environnementaux favorables à la naissance de ce chant intérieur ? Bien sûr, cela aide d’être né dans une famille de musiciens ou de mélomanes. Dans ma famille nous écoutions effectivement beaucoup de musique, j’ai aussi une sœur qui a commencé le violon avant moi. Comment s’exprime cette disposition ? On peut la remarquer par une certaine précocité par exemple. Est-ce qu’il y a ensuite des pré-requis pour qu’il y ait chant intérieur ? Et bien de même que l’aveugle ne peut avoir conscience des couleurs puisqu’il ne les a pas vues, le musicien ne peut avoir de chant intérieur sans avoir déjà entendu des sons. Cette conscience des sons me semble être le terreau fondamental. Il est ensuite nécessaire qu’il y ait une formation générale de la personne, de son goût, une sorte de raffinement progressif. Le chant intérieur pâtit nécessairement d’un environnement vulgaire. Vous recommanderiez d’écouter beaucoup de musique alors ? Il est vrai qu’une culture musicale est nécessaire pour pouvoir appréhender les œuvres. Cela permet de mieux comprendre le style de ce qu’on lit, le contexte dans lequel cela a été composé et interprété, mais aussi les lois harmoniques. Cette formation se ferait d’abord dans les cours de solfèges puis à la maison j’imagine. La formation solfégique est en effet primordiale car elle ouvre déjà à la musique. Ensuite, l’apprentissage de l’harmonie est très importante, d’autant plus que les violonistes ont tendance à être trop mélodiques. Il est 19/11/22, 14:51 Entrevue avec Claire Bernard, Violoniste - www.ellenmoysan.com/entrevue-avec-claire-bernard-27-02-2012-paris/ 3/8 nécessaire de pouvoir se rapporter à la globalité de l’œuvre pour la comprendre (la partie de piano par exemple). Cela permet de pouvoir travailler ensuite les couleurs, les sonorités. Justement, à partir de cette base on entre ensuite dans le rapport du musicien à son instrument. Il ne semble pas évident ni naturel, et l’on remarque souvent que la première appréhension est emprunte de malaise. Tout d’abord il est nécessaire de comprendre que le musicien arrive généralement avec une sorte de mal- être dans son propre corps, indépendamment de l’instrument. Celui-ci peut venir s’accentuer avec la prise de l’instrument car elle occasionne des tensions. Comment arrive-t-on à les vaincre ? On devrait arriver à une fusion avec l’instrument car c’est elle qui permet dans un deuxième temps d’en être libéré. Elle arrive progressivement, par l’intégration des deux techniques : celles de la main droite, et celle de la main gauche, qui finissent par en faire une seule, ouvrant ainsi une conscience centrale de la sensation. On travaille donc à la fois séparément et ensemble les deux parties du corps. Il en va donc de l’équilibre global de l’instrumentiste. Oui. Le violoniste se tient debout, et en ce sens l’attitude verticale doit être bien stable, et en même temps il doit ouvrir ses omoplates pour créer l’équilibre horizontal. Il y a une verticale s’élevant vers l’infini qui s’accompagne d’une grande horizontale. Ces deux aspects permettent d’ouvrir un cercle, plus encore visible chez les violoncellistes que chez les violonistes. En tant que violoniste on doit travailler l’ancrage au sol qui est moins spontané que chez un violoncelliste qui bénéficie d’une pique, du fait d’être assis etc. Et ensuite ? Ensuite cela permet d’accéder à une fusion droite/gauche. Du côté de la main gauche, le côté tactile, on contrôle la justesse qui est cet élément courbe originaire duquel naît le chant intérieur. Du côté droit qui permet de faire chanter le relief, on maîtrise l’élan de l’archet, c’est lui qui emporte la main gauche. L’ensemble s’unit ensuite dans la qualité du son. Est-ce qu’il y a une différence entre l’adulte et l’enfant dans la prise de l’instrument ? Les enfants sont plus spontanés mais pas nécessairement plus détendus. Les adultes, eux, sont plus patients. Leur rapport à la sensation est différent car il ne s’agit plus simplement de créer une sensation, mais parfois d’en retrouver une ancienne tout en développant quelque chose de nouveau. Quel est la base de cette liberté qui permet ensuite le passage de l’intérieur vers l’extérieur ? Le chant intérieur est comme une onde qui se propage effectivement de l’intérieur vers l’extérieur. En raison de cette continuité il n’y a pas vraiment de limite entre les deux. Cela dit, s’il fallait en placer une ce serait la respiration, c’est elle qui permet le passage de l’un à l’autre. C’est d’abord par l’apprentissage de la respiration qu’on apprend à tenir son instrument. Mais cette prise de l’instrument relève tout de même de quelque chose de très individuel, variant d’un sujet à l’autre, également parfois d’une école à l’autre. Comment cela se voit-il en ce qui concerne le violon ? On reconnaît les différentes écoles à la façon de prendre l’instrument. La différence s’entend ensuite dans le son. Cela n’est pas pareil selon la manière de détendre l’arrière-bras, la préhension de l’archet, la charnière du bras etc. Ensuite il y a tout un débat sur le fait d’utiliser ou non le coussin. Qu’est-ce que cela change ? On retrouve plus ou moins les mêmes enjeux que ceux de la forme de la pique au violoncelle. Vous savez par exemple que Tortelier a inventé une pique coudée qui permet de faire reposer l’instrument plus sur le thorax par exemple, en le portant plus en avant. Au violon le coussin change la manière de tenir l’instrument. Si on ne l’utilise pas on peut mieux ressentir les vibrations, le contact avec le bois est valorisé. Est-ce que c’est différent d’un pays à l’autre, ou plutôt, est-ce qu’il y a une école russe, une école israélienne, une école française ? 19/11/22, 14:51 Entrevue avec Claire Bernard, Violoniste - www.ellenmoysan.com/entrevue-avec-claire-bernard-27-02-2012-paris/ 4/8 Cela dépend. Oistrach par exemple jouait sans coussin au début de sa carrière, certains russes, des israélites comme Stern, Milstein aussi. En revanche on trouve en russie l’école jankélévitch qui utilise le coussin. La France s’inscrit plus généralement dans une école franco-belge qui utilisait le coussin et qui a formé des musiciens tels que Vieuxtemps, Ysaye, Ferras. Nathan Milstein plays Chausson's Poème Nathan Milstein plays Chausson's Poème Christian Ferras - Igor Stravinsky, Chanson russe Christian Ferras - Igor Stravinsky, Chanson russe Est-ce que la manière de tenir son instrument change selon le répertoire que vous interprétez ? Est-ce que vous modifiez votre tenue lorsque vous passez de Haëndel à Tchaikovsky par exemple ? Oui, le changement de répertoire peut en effet occasionner un petit changement de tenue. On peut remonter légèrement la main sur l’archet pour interpréter Bach par exemple, ce qui rendra le son plus léger. Tout cela participe d’une formation technique et musicale de l’élève, combien faut-il de temps pour cela à votre avis ? On peut mettre 4 ou 5 ans pour faire éclore quelque chose mais c’est un peu court. 10 ans serait plus juste, surtout pour un instrument comme le violon qui ne « donne pas quelque uploads/s3/ entrevue-avec-claire-bernard-violoniste.pdf

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