En ce XVIIIe siècle français, où s’opposent les genres nobles et vernaculaires,

En ce XVIIIe siècle français, où s’opposent les genres nobles et vernaculaires, tragiques et comiques, sérieux et bouffons à travers le confl it des styles nationaux, philosophes et esthètes, musiciens et spectateurs prennent conscience des enjeux politiques dont la musique est le symbole. C’est cet art suprême qu’il importe de sceller ou de libérer. Au milieu du siècle, d’Alembert, coéditeur avec Diderot de la grande Encyclopédie, entrevoit déjà l’effondrement de la monarchie en examinant la portée prémonitoire de l’art musical : « Toutes les libertés se tiennent et sont également dangereuses. La liberté de la musique suppose celle de sentir, la liberté de sentir entraîne celle de penser, la liberté de penser celle d’agir, et la liberté d’agir est la ruine des États. » Par l’analyse des œuvres scéniques mises en cause et par leur contextualisation historique, Claude Dauphin démontre combien ce glissement des passions musicales à la raison d’État a pu représenter une provocation antimonarchique aux conséquences insondables. Ce livre retrace aussi le singulier parcours musical de Jean Le Rond d’Alembert (1717-1783). Claude Dauphin est musicologue et professeur honoraire au Département de musique, Faculté des arts de l’Université du Québec à Montréal. Il a consacré plusieurs ouvrages à l’infl uence des encyclopédistes sur l’évolution des styles musicaux au XVIIIe siècle. Ses autres essais vont de la pédagogie musicale à la musicologie antillaise. Claude Dauphin En couverture : Homme jouant de la fl ûte, gravure de Fran- çois Boucher, d’après un dessin d’Antoine Watteau. Reproduit avec l’autorisation de la Bibliothèque nationale de France. ISBN : 978-2-343-12783-5 24 € Claude Dauphin Musique et liberté au siècle des Lumières Suivi d’une édition critique et moderne de De la liberté de la musique de d’Alembert Suivi d’une édition critique et moderne de De la liberté de la musique de d’Alembert Musique et liberté au siècle des Lumières Univers musical Musique et liberté au siècle des Lumières MUSIQUE ET LIBERTÉ AU SIÈCLE DES LUMIÈRES Suivi d’une édition critique et moderne de De la liberté de la musique de d’Alembert Univers Musical Collection dirigée par Anne-Marie Green La collection Univers Musical est créée pour donner la parole à tous ceux qui produisent des études tant d’analyse que de synthèse concernant le domaine musical. Son ambition est de proposer un panorama de la recherche actuelle et de promouvoir une ouverture musicologique nécessaire pour maintenir en éveil la réflexion sur l’ensemble des faits musicaux contemporains ou historiquement marqués. Déjà parus Christophe LEROY, Eloge de la Grande Musique, Requiem de nos fins dernières, 2017. Roland GUILLON, L’univers de John Coltrane, 2017. Frédéric ROBERT, La musique française dans l’Europe musicale entre Berlioz et Debussy (1863-1894), 2017. Fabien HOULÈS, Le premier quatuor à cordes hybride. L’exemple de Smaqra de Juan Arroyo, 2017. Cédric THENARD, Contribution à une histoire de la modernité musicale, Le festival, Angers, Musiques du XXe siècle (1983-1990), 2016. Rafael ANDIA, Labyrinthes d’un guitariste, 2016. Jean-Blaise COLLOMBIN, Ennio Morricone, Perspective d’une œuvre, 2016. Henri-Claude FANTAPIÉ, 60 ans de vie musicale. De 1945 à nos jours, 2016. Amin CHAACHOO, La musique hispano-arabe Al-Ala, 2016. Gérard DE SMAELE, Banjo attitudes, Le banjo à cinq cordes, son histoire générale, sa documentation, 2015. Alain VON RODEN, Essai d’initiation aux musiques médiévales polyphoniques (ou contrapuntiques), Création d’une Chapelle et d’une École musicale parisienne, Capella & Schola Parisis, 2015 Clara TESSIER, Marcel Dortort, un itinéraire musical. Du minimalisme à la synthèse sonore, 2015. Isabelle PETITJEAN, La culture pop au panthéon des Beaux-Arts. Dangerous, de Mark Ryden à Michael Jackson, 2015. Alain LAMBERT, Principes de la mélodie, Musiques populaires, philosophie, et contre-cultures, 2015. Claude ROLE, François-Joseph Gossec, Un musicien à Paris, de l’Ancien Régime au roi Charles X, 2015. Michel BOSC, Jill Feldman, soprano incandescente. Bien au-delà du baroque, 2015. Claude Dauphin MUSIQUE ET LIBERTÉ AU SIÈCLE DES LUMIÈRES Suivi d’une édition critique et moderne de De la liberté de la musique de d’Alembert ____univers musical____ L’Harmattan Du même auteur : • 2014. Histoire du style musical d’Haïti, Montréal, Mémoire d’encrier. • 2011. Pourquoi enseigner la musique ? Propos sur l’éducation musicale à la lumière de l’histoire, de la philosophie et de l’esthétique, Montréal, Les Presses de l’Université de Montréal. • 2008. Le Dictionnaire de musique de Jean-Jacques Rousseau : une édition critique, Berne, Peter Lang, Varia Musicologica. • 2004. Musique et langage chez Rousseau (dir.), Studies on Voltaire and eighteenth century, vol. 8. Oxford, Voltaire Foundation. • 2001. La musique au temps des encyclopédistes, Ferney-Voltaire, CIEDS. [Prix Opus Livre de l’année du Conseil québécois de la musique] • 1992. Rousseau, musicien des Lumières, Montréal, Louise Courteau. • 1986. Musique du vaudou : fonctions, structures et styles, Sherbrooke, Naaman. • 1981. Brit kolobrit : trente chansons enfantines haïtiennes… en vue d’une pédagogie musicale aux Antilles, Sherbrooke, Naaman. © L’Harmattan, 2017 5-7, rue de l’École-Polytechnique, 75005 Paris http://www.editions-harmattan.fr ISBN : 978-2-343-12783-5 EAN : 9782343127835 Aux bibliothécaires qui se sont dévoués pour me faciliter l’obtention des ouvrages d’époque spécifiques à la recherche qui sous-tend la réalisation de ce travail : Deirdre O’Connell et ses collaboratrices des Archives et collections spéciales de la Bibliothèque de l’Université d’Ottawa, Rémy Castonguay et ses collaborateurs de la Bibliothèque de musique de l’Université du Québec à Montréal. À Manuel Salgado à qui je dois l’encadrement très professionnel, toujours teinté d’amitié, pour la mise en page des composantes du livre. Aux directeurs d’éditions qui m’ont aimablement permis de refondre dans cet ouvrage la matière que je leur avais antérieurement cédée pour leurs périodiques : Sophie Aubin de Synergies Espagne, revue du Gerflint, pour le chapitre 1 ; Ayala Kingsley de la Voltaire Foundation à Oxford, pour le chapitre 3. À Édith Bouyer, pour sa généreuse assistance à la relecture du texte et pour sa patiente contribution à la réalisation des exemples musicaux. 7 REMERCIEMENTS Le XVIII e siècle a été une période bouleversée et demeure dans nos mémoires une époque bouleversante. Ce siècle dit « des Lumières » est celui de l’Indépendance des États-Unis d’Amérique (1776), de la Révolution française (1789), de l’immense et conséquent soulèvement des esclaves noirs de Saint-Domingue (1791). Il émerge de ces événe- ments des utopies paradoxales, néanmoins enthousiasmantes, comme la notion de liberté individuelle et celle des droits universels, qui allaient transformer à jamais la race humaine en répandant sur elle les rayons de la liberté, de l’égalité et de la fraternité. Pourtant une autre chose demeure encore plus troublante que l’éclosion de ces vertus capitales : c’est le purin de bestialité, de terreur et d’inhumanité qui a servi de terreau fertile à cette chatoyante floraison. On pense bien sûr à la Terreur qui accompagna l’accomplissement de la Révolution fran- çaise, au démembrement de la Pologne et à la répression aveugle de la révolte des paysans russes par Catherine II, mais surtout à la traite négrière et à l’esclavage de millions d’Africains déportés aux Amériques que bien peu de philanthropes osent dénoncer. Diderot s’étonne d’ailleurs de l’imperméabilité des consciences face à ce drame innom- mable : [Alors que] des malheurs même imaginaires nous arrachent des larmes […] au théâtre […] il n’y a que la fatale destinée des malheureux nègres qui ne nous intéresse pas. On les tyrannise, on les mutile on les brûle, on les poignarde ; et nous l’entendons dire froidement et sans émotion. 9 INTRODUCTION Les tourments d’un peuple à qui nous devons nos délices ne vont jamais jusqu’à notre cœur 1. Cependant, contrairement à ce qu’on pourrait en attendre dans notre époque d’errance globale où l’humanité se demande encore à tout moment dans quel nouvel abîme elle pourrait basculer, la convocation du siècle des Lumières aux assises de ce livre n’aspire point à com- prendre ni à expliquer les politiques politiciennes. Cette sphère du pouvoir qui prétend servir les peuples et orienter les nations n’est peut-être pas la lucarne la mieux située d’où l’on peut observer la vérité de l’expression humaine. « User de politique ou tromper adroitement, c’est la même chose 2 », écrivait encore Diderot. Il faut se rappeler que bien en amont des révolutions armées et des indépen- dances nationales, la libération des consciences s’est exercée d’abord sur le plan de la symbolique des arts et des sciences. Ce sont des écrivains, des philosophes et des artistes qui, les premiers, se sont lancés dans la cristallisation d’une vieille idée de la Renaissance, la fondation d’une République des Lettres, d’où les philosophes et les gens d’esprit, sans souci de frontières, pourraient juger de l’inhuma- nité des puissants en réclamant pour eux-mêmes une totale immunité. Voltaire fut certainement le plus célèbre prétendant à la prési- dence de cette République des Lettres. Et pour se faire loup parmi les loups il ne manqua pas de pactiser avec les diables de l’esclavagisme tout en traquant les dispensateurs de l’injustice. Heureusement, ses écrits, ses contes littéraires et philosophiques, son théâtre, ses idées de réforme de la dramaturgie et de l’opéra demeurent les témoignages irremplaçables de son aspiration farouche à la liberté, en toute connais- sance des contraintes sans nombre qui entravent le voyage planétaire de son cher Candide. Il y a aussi le cas Rousseau, teinté uploads/s3/ extrait 6 .pdf

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