Labyrinthe 19 (2004 (3)) Le Bel Aujourd'hui ...................................

Labyrinthe 19 (2004 (3)) Le Bel Aujourd'hui ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Michel Gribenski Littérature et musique Quelques aspects de l’étude de leurs relations* ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Avertissement Le contenu de ce site relève de la législation française sur la propriété intellectuelle et est la propriété exclusive de l'éditeur. 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Référence électronique Michel Gribenski, « Littérature et musique », Labyrinthe [En ligne], 19 | 2004 (3), mis en ligne le 19 juin 2008, consulté le 12 octobre 2012. URL : http://labyrinthe.revues.org/246 Éditeur : Editions Hermann http://labyrinthe.revues.org http://www.revues.org Document accessible en ligne sur : http://labyrinthe.revues.org/246 Ce document est le fac-similé de l'édition papier. T ous droits réservés Recherche libre LITTÉRATURE ET MUSIQUE Quelques aspects de l’étude de leurs relations* Michel GRIBENSKI gribenski@hotmail.com Musique et littérature : l’association de ces deux mots suscite immé­ diatement de nouvelles associations – poésie, chant, rythme, voix, musicalité, mélodie, harmonie, timbre, chanson… Les notions et les genres se rencontrent, se croisent : sous le signe de l’analogie, de la correspondance – ou bien du mariage, voire de la fusion ? Si d’aucuns voient, dans certaines œuvres vocales, une conjonction parfaite des deux arts, le compositeur Paul Dukas répond péremptoirement : « Véritablement, vers et musique ne se mêlent pas ; ils ne se confondent jamais. […] On ne met pas les poèmes en musique. On donne un accompagnement aux paroles, et c’est bien autre chose. La première idée, en effet, suppose une fusion ; la seconde constate un parallé­ lisme1.» Recourant de son côté à l’image de la greffe, Debussy évoque une « musique [qui] commence là où la parole est impuissante à expri­ mer2 », allant jusqu’à déclarer (non sans provocation) : « Le rapport du vers et de la musique ? Je n’y ai pas pensé3. » En deçà même de la rela­ tion esthétique entre littérature et musique se pose la question de la rela­ tion sémiotique entre deux langages, musique et parole (ou verbe). À Boris de Schlœzer, selon lequel « il y a incompatibilité, opposition — — — — — — — — — — — — — — — — * Thèse de littérature comparée sous la direction du professeur Jean-Louis Backès, université Paris IV-Sorbonne, intitulée: « Parole et chant entre vers et prose. Diction et prosodie musicale françaises et allemandes au tournant des XIXe et XXe siècles. Sous le signe de Debussy et de Wagner. » 1. Paul Dukas (1865-1935), revue Musica, mars 1911, réponse à l’enquête de Fernand Divoire : « Sous la musique, que faut-il mettre ? […] » (souligné par Paul Dukas). 2. Entretiens avec son ancien professeur Ernst Guiraud, cités dans Lockspeiser, Edward et Harry Halbreich, Claude Debussy, Paris, Fayard, 1980, p. 703. L’image de la greffe apparaît dans le portrait du librettiste idéal : « Celui qui, disant les choses à demi, me permettra de greffer mon rêve sur le sien.» 3. Claude Debussy, revue Musica, mars 1911, réponse à l’enquête de Fernand Divoire, déjà citée; reprise dans Claude Debussy, Monsieur Croche et autres écrits, Paris, Gallimard, « L’Imaginaire », 1987 (1ère éd. 1971), p. 206-207. Actualité de la recherche Actualité de la recherche automne 2004 – Labyrinthe profonde entre le langage et la musique4», Nicolas Ruwet répond en linguiste qu’«il n’y a au contraire aucune incompatibilité entre musique et langage, [que] la relation musique-langage est toujours pertinente5 ». Comment, dès lors, penser la relation unissant (selon quelles modali­ tés?) les deux arts, les deux formes d’expression, verbale et musicale? Il ne saurait bien évidemment être question, dans un texte aussi bref, de traiter de cette relation d’une façon exhaustive, sous tous ses aspects. Notre but est ici d’esquisser un certain nombre de directions possibles dans les recherches musico-littéraires et de déterminer quelle place occupe notre propre recherche sur les prosodies verbale et musicale. Cette thèse, qui s’inscrit dans le champ des études musico-littéraires, vise à mettre au jour les relations entre rythmes verbal et musical à la fin du XIXe siècle, en France et en Allemagne, à travers les réalisations ou performances qu’en offrent la diction et la prosodie musicale. Alors que les questions de prosodie musicale ne sont, en général, prises en considération que pour donner lieu à des jugements normatifs, pres­ criptifs ou évaluatifs, opposant bonne et mauvaise prosodies, il nous a semblé pertinent de nous interroger sur ses présupposés, à partir d’un examen de la diction parlée. En quoi la mise en musique d’un texte constitue-t-elle, en partie, une figuration du dire – et de quel dire ? En quoi, plus précisément, la prosodie musicale du tournant des XIXe et XXe siècles reflète-t-elle, accompagne-t-elle et prolonge-t-elle la crise des métriques poétique et musicale, ainsi que celle de la diction ? Cette problématique d’ensemble nous conduira ici à interroger les notions de naturel et de prosaïsme, en relation avec le couple vers/prose, qui struc­ ture la réflexion littéraire – et plus largement esthétique –, jusqu’à sa mise en question lors de la crise métrique du tournant du siècle. Esquisse d’une histoire des études musico-littéraires : un domaine au carrefour de plusieurs disciplines L’étude des relations entre littérature et musique relève institutionnel­ lement de plusieurs disciplines : littérature comparée (voire française), — — — — — — — — — — — — — — — — 4. Dans Introduction à J.-S. Bach. Essai d’esthétique musicale, Paris, Gallimard, 1947 (rééd. 1979), p. 262. 5. « Fonctions de la parole dans la musique vocale », dans Langage, musique, poésie, Paris, Le Seuil, « Poétique », 1972, p. 53. 112 Littérature et musique: étude de leurs relations musicologie, esthétique, linguistique, métrique. Comment cet objet d’étude s’est-il progressivement constitué ? Il convient tout d’abord de ne pas confondre les relations entre litté­ rature et musique avec l’étude de ces relations. Les relations elles- mêmes sont très anciennes et peuvent être décrites comme une progres­ sive séparation6 : de l’Antiquité grecque et du Moyen Âge7, où musique et poésie formaient une unité, à l’époque moderne où la poésie cesse d’être nécessairement chantée8 et où les relations entre poètes et musi­ ciens se font volontiers conflictuelles9, cette séparation n’a cessé d’al­ ler s’accentuant. De ce point de vue, le symbolisme apparaît à la fois comme un nouvel âge d’or des relations entre poésie et musique et comme le point culminant d’une rivalité, c’est-à-dire d’une séparation – contestation par certains poètes de l’hégémonie de la musique, appro­ priation de la poésie par certains musiciens, dans la mélodie française en particulier. Quant à la réflexion sur les relations entre littérature et musique, si elle est présente dès l’Antiquité (avec Platon et Aristote notamment) et durant tout le Moyen Âge, ce n’est que vers le milieu du XVIIIe siècle, en Angleterre, puis en Allemagne et plus tardivement en France, qu’elle s’organise en une véritable critique comparée des deux arts, dégagée de l’esthétique générale qui prévalait jusqu’alors. Assez logiquement, ce travail de réflexion semble se développer particulièrement à partir du moment où est consommée la séparation: plus musique et langue — — — — — — — — — — — — — — — — 6. Voir Marie Naudin, Évolution parallèle de la poésie et de la musique en France. Rôle unificateur de la chanson, Paris, Nizet, 1968. 7. Voir Roger Dragonetti, La Musique et les lettres. Études de littérature médiévale, Genève, Droz, 1986. 8. À cet égard, comme l’a montré en particulier Gilbert Gadoffre, les références musicales prodiguées par Ronsard dans son Abrégé de l’Art poétique français, sont vagues et chargées de lieux communs, et relèvent plutôt d’une stratégie de conquête des publics, dans le cadre de la concurrence qui l’op­ pose à Saint-Gelais, que d’un authentique art poétique original (voir Gadoffre, Gilbert, « Ronsard et la relation poésie-musique », dans Ronsard. Colloque de Neuchâtel, éd. par André Gendre, Neuchâtel/Genève, faculté des lettres/Droz, 1987, p. 75-84). Quant à l’Académie de musique et de poésie, fondée par Antoine de Baïf et Thibault de Courville, elle fait long feu. 9. Que l’on pense à l’interdiction prêtée à Hugo de «déposer de la musique le long de [ses] vers », à la déclaration de Lamartine selon laquelle «la musique et la poésie se nuisent en s’associant» (citée dans Musica, mars 1911, op. cit. supra note 1) ou encore à la définition polémique du symbolisme par Valéry comme volonté de certains poètes de « reprendre à la musique leur bien » (Variété I, Gallimard, « Idées », p. 87; cette formule reprend celle de Mallarmé dans «Crise de vers uploads/s3/ gribenski-michel-litterature-et-musique-quelques-aspects-de-l-x27-etude-de-leurs-relations-labyrinthe-19-2004-3-pdf.pdf

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