1 ALBERT POISSON L' INITIATION ALCHIMIQUE TREIZE LETTRES INÉDITES SUR LA PRATIQ

1 ALBERT POISSON L' INITIATION ALCHIMIQUE TREIZE LETTRES INÉDITES SUR LA PRATIQUE DU GRAND ŒUVRE AVEC PRÉFACE DU D' YARC HAYEN ET UN PORTRAIT D' ALBERT POISSON 2 ALBERT POISSON Le souvenir de notre ami Poisson est si vivant encore parmi nous, il nous semble si probable que demain nous le verrons arriver de son pas calme, enveloppé dans sa pèlerine bleue, si évident qu'une bonne causerie sérieuse, instructive, va demain nous réunir encore, que nous éprouvons une sorte de stupeur à écrire sa biographie, à publier des lettres de lui, à nous persuader qu'il n'est plus, qu'il faut en parler au passé. Au reste, notre conviction absolue est que son esprit, vivant en ceux qui l'aimèrent, demeure présent et actif dans toutes les manifestations de haute science où sa personnalité se fût affirmée s'il avait vécu plus longtemps. Sa mort fut foudroyante : le samedi soir, il travaillait encore, fouillant les vieux manuscrits de la Nationale; le dimanche l'emporta. Mais cette brutalité de la mort ne fut qu'apparente : s'il était la veille debout à son poste de travail, c'était grâce à son admi- rable énergie. De semaine en semaine, depuis un an, la maladie qui le brûlait se faisait plus intense et chaque jour la route lui était plus pénible pour se traîner de la rue Saint-Denis à l'Arsenal ou à la Nationale. Il arrivait fiévreux, aphone, suffoquant, ébranlé de quintes de toux incessantes; mais sa volonté le maintenait à la table de travail, sans faiblesse, tout le temps qu'il avait décrété d'y rester. Voilà de plus hauts enseignements de sagesse que les plus belles pages de ses livres même : car le livre n'est rien et l'acte est tout. Poisson sacrifiait à douze ans ses économies à l'achat de vieux livres d'alchimie; à dix-huit ans il sacrifiait une carrière facile où les protections ne lui eussent pas manqué, à la poursuite de la pierre, à la vie pénible et rebutée du chasseur d'impossible; à vingt-quatre ans il sacrifiait les derniers souffles de sa vie à perfectionner l'œuvre entreprise et déjà si largement ébauchée, à donner l'exemple de l'abnégation. Ceux qui ne reconnaîtront pas là ses titres, grades et signature de Rose-Croix, n'ont pas encore lu au grand livre des initiations. Il serait inutile, fastidieux même pour la plupart de donner ici une biographie détaillée d'Albert Poisson : qu'il ait vécu l'année 1880 à Toulouse ou à Paris, qu'il soit entré au collège en mai ou en décembre, cela importe peu. Ce qui frappera davantage ceux qui s'intéressent à la vie de notre frère, ce sera de savoir qu'à treize ans il veillait déjà près de son athanor allumé et courait les quais, le dimanche, en quête le vieux bouquins d'alchimie - plus faciles à découvrir alors qu'aujourd'hui - qu'à des achats de cornues, de vitriol et de charbon passaient ses quelques sous d'écolier, et qu'il fondait déjà avec quelques amis, plus curieux que sérieux, des sociétés hermétiques où sous son contrôle et sous son énergique autocratie on travaillait plus peut-être que dans bien d'autres sociétés fondées par de plus âgés et de plus titrés qu'il n'était alors. Plus tard, à l'âge où l'on cherche les divertissements, la vie facile des cafés et des cercles, Poisson passait ses journées au laboratoire de chimie de la Faculté de médecine de Paris, ses soirées dans les bibliothèques ou parmi ses frères (i), ses nuits, en grande partie, auprès de ses fourneaux, allumés, au prix des plus grandes peines dans sa vieille chambre de la rue Saint-Denis. L'été, il montait peu à peu dans le midi un laboratoire dont plusieurs photographies ont été conservées et qui promettait d'être, si le temps le lui eût permis, le lieu unique de ses travaux en même temps qu'un modèle du laboratoire-oratoire alchimique. C'est de cette époque que datent ses premiers ouvrages. Il publia d'abord la Lettre sur les prodiges de la nature et de l'art, de Roger Bacon, puis les Cinq traités d'alchimie, les Théories et Symboles des alchi- mistes, enfin, en dernier lieu, Nicolas Flamel et l'alchimie au XIVe siècle, la traduction du Livre 3 des feux de Marcus Groecus, études sérieuses, où pas un mot n'est mis à la légère et qui, toutes, révèlent la somme énorme de connaissances chimiques, historiques et hermétiques que Poisson, dès sa jeunesse, avait su acquérir. De ce qu'un de ses ouvrages fut couronné par l'Académie et présenté par le Pr Gautier à cette illustre société, je ne veux pas conclure qu'il fut meilleur qu'un autre ; mais cet hommage rendu par l'alchimiste à la science officielle en lui soumettant son œuvre est la marque d'un esprit où l'orgueil n'avait pas pénétré et qui respectait la vérité et la science partout où elles se manifestent. L'idée dominante de ces œuvres, ce qui en ressort pour tout lecteur attentif, c'est lorsque les grimoires réputés fantaisistes et mystificatoires des anciens alchimistes sont des livres sérieux, compréhensibles, et dont le langage, pour être mystérieux n'en est pas moins très précis au même titre que les hexagones de Kekule et les équations chi- miques dont un ignorant pourrait rire comme d'incompréhensibles mystifications; 2° Que dans ces symboles déchiffrés et traduits - hiéroglyphes d'un temps plus moderne - en langage scientifique du jour, des notions vraies sur la matière, sur sa vie, sur son évolution, des lumières inattendues sur l'harmonie des sphères d'en haut avec les atomes d'en-bas, une philosophie_ scientifique universelle apparaissent, toutes notions que la science avait délaissées, qu'elle ignore, et qui cependant doivent servir de base à son progrès, à un nouvel essor de découvertes. Ce courageux défrichement de terres réputées impénétrables, arides, et même quelque peu hantées de démons redoutables au cerveau humain, ce fut l'œuvre d'Albert Poisson, et devant son œuvre tous les chimistes, tous les occultistes se sont inclinés; nul n'a contredit à son travail tant on y sentait de force, de vérité, de sincérité. Il voulait ajouter à ces premiers ouvrages de nombreuses pages encore : il avait dressé le plan d'une encyclopédie alchimique, histoire, pratique, théorie et bibliographie. Mais la mort le guettait : il alla, plein de santé, faire à Sens une année de service militaire, où le surmenage stérile de la caserne le coucha, typhique, dans un lit d'hôpital. Il ne se releva que pour retomber, les poumons atteints. Sans espoir de guérison, le sachant, il prit son sort en sage, et ne s'arrêta dans son labeur sans trêve que la veille de sa mort. Nous avons publié quelques lettres adressées à M. R... par Albert Poisson et qui figurent dans ses notes parmi sa correspondance alchimique avec différents hermétistes de France ou de l'étranger. Ces lettres seront précieuses aux débutants, elles contiennent beaucoup de renseignements pratiques et signalent bien des écueils à éviter. Nous espérons pouvoir continuer cette publication et donner ainsi au public, peu à peu, et sans retouche, les derniers manuscrits qu'Albert Poisson a laissés inachevés, en nous quittant. Puissent ces pages lui susciter des disciples, des amis de plus, et, si le Ciel le veut, un successeur. Dr MARC HAVEN. 4 NOTE (1) Albert Poisson donna le concours de sa présence, de ses travaux, de ses lumières, à toutes les sociétés initiatiques, à tous les groupes d'études où l'occultisme, les sciences psychiques, le symbolisme et surtout l'hermétisme étaient accueillis, étudiés ou enseignés, sans distinction d'école ou de secte, espérant y trouver sinon la lumière, que chaque homme ne trouve qu'en lui-même, du moins des amis et des frères. Peut-être voulaitil aussi semer le bon grain dans tous ces milieux et y moissonner ensuite des adeptes pour sa Société hermétique en laquelle il avait beaucoup de confiance. En tous cas, Albert Poisson, à l'inverse de tant d'autres, s'est toujours montré très respectueux de tous les centres initiatiques, Martinisme, Rose-Croix, Franc-Maçonnerie même - et très fidèle à chacun d'eux. Il n'a jamais affiché que deux réserves, mais celles-là formelles, dans sa tolérante estime de tous les travailleurs, réserves relatives d'une part au cléricalisme inquisiteur, d'autre part au judaïsme envahisseur qu'il tenait à bonne distance pour les avoir trop connus sans doute. 5 L' INITIATION ALCHIMIQUE(1 ) CORRESPONDANCE INÉDITE D'Albert Poisson au F::: RBT de St-Dizier, alchimiste Sens, 4 avril 1892. MON CHER MONSIEUR, Mon ami et maître Papus me communique votre dernière lettre et me prie d'entrer en correspondance avec vous, j'ai saisi avec empressement l'occasion; les alchimistes sont rares aujourd'hui, on les peut compter ces courageux chercheurs qui, à la face de la science moderne, étudient au risque de passer pour illuminés, la vieille alchimie. Permettez-moi tout d'abord de me présenter à vous. Albert Poisson, étudiant en médecine, chimiste, qui, sous le nom de Philophote, écrit dans l'Initiation et s'occupe d'alchimie. Voilà ce qui m'a charmé dans votre lettre, c'est que vous avez parfaitement vu de quel côté il faut chercher pour le Grand Œuvre, c'est le côté que les adeptes ont le plus cherché à celer dans leurs ouvrages; aussi ai-je très peu insisté sur ce point dans mon ouvrage des Théories et Symboles. La matière, en somme, uploads/s3/ l-x27-initiation-alchimique-albert-poisson.pdf

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