!"#$%&'()&'#*'+,*),"&%#-'%*&("#*%.(")%&/%"(')/*)'0#&'1#+"/&%2'+,-3,)4'$('156*%.

!"#$%&'()&'#*'+,*),"&%#-'%*&("#*%.(")%&/%"(')/*)'0#&'1#+"/&%2'+,-3,)4'$('156*%.(")%&4'$('7,*&"4/18'156*%.(")%&4'9/./1'(&'156*%.(")%&4'$#':#40(+'; 7,*&"4/1<'=1'/'3,#"'-%))%,*'1/'3",-,&%,*'(&'1/'./1,"%)/&%,*'$('1/'"(+>("+>(<'!"#$%&',22"('$()')(".%+()'$54$%&%,*'*#-4"%?#('$('$,+#-(*&) )+%(*&%2%?#()'$(3#%)'@AAB< C,#"'+,--#*%?#("'/.(+'1()'"()3,*)/01()'$5!"#$%&'D'("#$%&E#-,*&"(/1<+/ F"&%+1( ' G(/*H9,#%)'C/#&",& !&#$()'2"/*I/%)()8'.,1<'JK8'*L'M8'MKKJ8'3<'NNHOP< ' ' ' C,#"'+%&("'+(&'/"&%+1(8'#&%1%)("'15%*2,"-/&%,*')#%./*&('D ' 6Q=D'>&&3DRR%$<("#$%&<,"SR%$("#$%&RKKBBKA/" TU=D'@K<OMKMRKKBBKA/" V,&('D'1()'"WS1()'$54+"%&#"('$()'"424"(*+()'0%01%,S"/3>%?#()'3(#.(*&'./"%("')(1,*'1()'$%224"(*&)'$,-/%*()'$#')/.,%"< X('$,+#-(*&'()&'3",&4S4'3/"'1/'1,%')#"'1('$",%&'$5/#&(#"<'95#&%1%)/&%,*'$()')(".%+()'$5!"#$%&'YZ'+,-3"%)'1/'"(3",$#+&%,*['()&'/))#\(&&%(';')/'3,1%&%?#( $5#&%1%)/&%,*'?#('.,#)'3,#.(]'+,*)#1&("';'156Q='>&&3DRR^^^<("#$%&<,"SR/3",3,)R#&%1%)/&%,*<>&-1 Document téléchargé le 22 August 2013 01:02 _`9/'-#)%?#('$('C/)+/1':#%S*/"$`a  La musique de Pascal Quignard -  Pascal Quignard faisait en  cette affirmation surprenante : «[…] il n’y a aucune différence entre écrire un livre silencieux et faire de la musique1.» Pour qui méconnaîtrait la place que tient l’art musical chez l’écrivain, cette formule paradoxale justifierait, à elle seule, que l’on y regarde de plus près. Elle pose en effet la question des relations privilé- giées de la littérature avec la musique, et cela à la fin d’un siècle pen- dant lequel, justement, ces relations ont été interrogées, explorées, exploitées par les écrivains, de Gide à Sartre, de Proust à Butor, de Leiris à Duras, de Pinget à Gailly, pour n’en citer que quelques-uns2. Cet essai s’efforcera de clarifier la parenté du geste musical et du geste littéraire, telle qu’elle est suggérée dans la citation ci-dessus. Cela nous amènera à considérer plusieurs aspects de la musique dans l’œuvre quignardienne. Nous envisagerons d’abord sa dimension régressive, où se donne à lire son affinité avec le discours de la psychanalyse, dont la «fréquentation» — empruntons le terme à Chantal Lapeyre-Desmaison — transparaît dans un ouvrage comme La leçon de musique. Ensuite, nous examinerons l’influence de la réflexion anthropologique de Claude Lévi- Strauss dans les relations respectives qu’entretient, selon Quignard, la musique avec le langage oral et avec l’écriture. Enfin, nous essaierons de voir à quel point la réflexion sur l’écriture et la littérature, voire . Catherine Argand, «L’entretien: Pascal Quignard», Lire, février , p. -. . Pour un aperçu sur les relations des écrivains français du e siècle avec la musique, voir, entre autres, Françoise Escal, Contrepoints: musique et littérature, Paris, Klincksieck, , et Pascal Dethurens (dir.), Musique et littérature au XXe siècle, Strasbourg, Presses uni- versitaires de Strasbourg, .   • ,  l’esthétique littéraire de Quignard, se nourrissent de la réflexion sur la musique, de sa « leçon». I. La musique quignardienne comme rappel des origines et de la « blessure immortelle » Le texte où se donne le mieux à lire le geste du musicien est le roman Tous les matins du monde. Cependant, étant donnés sa concision et son caractère allusif, ce roman ne livre que partiellement les clés du rôle et du sens de la musique chez Quignard. Au terme du récit, le maître Sainte-Colombe passe bien son secret musical à son élève Marin Marais, mais leur échange demeure énigmatique. En voici la fin, après que Sainte-Colombe a rejeté les faux visages de la musique que Marais lui proposait: [Marais] — Je ne sais plus, Monsieur. Je crois qu’il faut laisser un verre aux morts… [Sainte-Colombe] — Aussi brûlez-vous. [Marais] — Un petit abreuvoir pour ceux que le langage a désertés. Pour l’ombre des enfants. Pour les coups de marteaux des cordonniers. Pour les états qui précèdent l’enfance. Quand on était sans souffle. Quand on était sans lumière. Sur le visage si vieux et si rigide du musicien, au bout de quelques ins- tants, apparut un sourire3. Les clés de ce dialogue se trouvent dans La leçon de musique, ouvrage dont le roman constitue une réécriture partielle sous forme de fable. Dans le troisième traité de La leçon de musique, «La dernière leçon de musique de Tch’eng Lien», Po Ya, l’apprenti musicien, ne commence vraiment à savoir faire de la musique que lorsqu’il pleure l’absence de son maître disparu en mer: « […] il pleura au fond de son cœur et seuls les sons étaient des larmes4.» La teneur de la leçon que le maître impar- tit à l’élève, en disparaissant pour toujours, peut se résumer ainsi: le geste musical est celui de la lamentation d’un perdu. Le récit affirme que la conscience de ce chagrin est la seule connaissance transmissible, comme le répète la scène finale de Tous les matins du monde. Ainsi, la musique, telle que représentée dans l’œuvre de Quignard, est une plainte exprimée — dans Tous les matins du monde, Marais entend Sainte-Colombe jouer de « longues plaintes arpégées5 » —, un bruit . Pascal Quignard, Tous les matins du monde, Paris, Gallimard, , p. -. . Pascal Quignard, La leçon de musique, Paris, Hachette, coll. «Textes du e siècle», , p. . Dorénavant désigné à l’aide du sigle (LM), suivi du numéro de la page. . Pascal Quignard, Tous les matins du monde, op. cit., p. .  plaintif, pointant vers une cause de l’ordre de la perte. Perte irracon- table et informulable autrement que par l’expression directe d’une émotion. La musique est le son d’un manque, la trace sonore d’un déchirement. Ou plutôt, à en croire le reste de La leçon de musique, elle évoque plusieurs déchirements fondamentaux, successifs, répétés. Elle habille un secret à plusieurs dimensions, inavouable parce qu’infigurable : la permanence du disparu, de l’archaïque en nous. Un surplus d’éclairage à Tous les matins du monde est fourni par le premier traité, «Un épisode tiré de la vie de Marin Marais», où sont clarifiées les allusions de Marais aux « états qui précèdent l’enfance». S’y donne à lire, en effet, une réflexion sur la musique comme rappel multiple et démultiplié des origines. Une telle « théorie» musicale, que Quignard dégage pour les individus de sexe masculin, en exceptant les femmes6, se résume à trois « temps» qui correspondent à autant de séparations, de pertes, qui se font écho, se redoublent, s’amplifient, et dont le modèle primordial remonte à la naissance. Les trois pertes que la musique remet en jeu, « remue», pour employer le terme de l’écrivain (LM, ), organisent un mouvement régressif: perte de la voix d’enfant lors de la mue adoles- cente; perte de l’être prélinguistique, de l’in-fans, lors de l’acquisition du langage; perte de la totalité fusionnelle avec la mère lors de la naissance, et, par là même, perte du premier espace vital, l’univers protecteur de la matrice utérine. Les hommes, chez Quignard, sont au monde plusieurs fois exilés, dans leur « être-séparé », pour reprendre l’expression de Danièle Bajomée à propos des personnages de Marguerite Duras7. Les musiciens sont des hommes qui cherchent à remédier à la séparation, à «étreindre l’exil» (LM, ). Ils sont, comme tous les mâles humains, à jamais séparés d’eux-mêmes par la mue vocale survenue lors de l’adolescence: Au sein de la voix humaine masculine il y a une cloison qui sépare de l’enfance […] Quelque chose de tout à coup plus bas dans leur langue, dans leurs oreilles, dans leur gorge, dans leur palais, sous leurs dents qui les sépare de l’empreinte indestructible de tout ce qui les affecta lors de la première lumière. (LM, ) . Katherine Kolb s’est penchée sur le statut des femmes musiciennes dans Tous les matins du monde, dans une étude qui, à notre connaissance, n’a pas encore été publiée, et dont la version sous forme de communication s’intitulait «Tous les matins du monde: Eve’s Apple in the Edenic Canon», Colloque «Cultural Capital: Canons, Cultures and Contexts», University of Illinois, Champaign, - mars . . Danièle Bajomée, «Veiller sur le sens absent», Magazine littéraire, no , juin , p. .        • ,  Le premier geste consiste à retraverser, par la musique instrumentale (qui permet des sons auxquels la voix masculine ne peut plus accéder), la frontière infranchissable, à «rendre abordable, domptable, familière la mue qui sépare de la voix affectée et peu à peu construite, affectante, de la voix affective, de l’affetto de l’enfance» (LM, ). Mais une telle descente orphique n’aurait qu’une portée partielle si elle ne s’accompagnait d’une replongée au sein de l’univers précédent, prélinguistique, et ne réson- nait avec des souvenirs — et des sons — enfouis plus profondément dans la mémoire et la conscience : Langage toujours trop tard venu sur nous-mêmes. Préhistoire, archaïsme de la musique en nous. L’oreille a précédé la voix, des mois durant. Le gazouillis, le chantonnement, le cri, la voix sont venus sur nous des mois et des saisons avant la langue articulée et à peu près sensée. C’était la première mue. La mue pubertaire la répète […]. (LM, ) Cette répétition n’est elle-même que redite d’un exil encore plus irré- médiable, d’une perte encore plus fondamentale : celle qui nous a donné naissance, l’oreille fonctionnant déjà dans l’utérus. Et l’anecdote (empruntée à Titon du Tillet) de Marin Marais recroquevillé en posi- tion fœtale sous la cabane de planches, écoutant son maître jouer de la viole, est pour Quignard l’occasion d’une évocation filée de la gesta- tion utérine. D’abord de manière allusive : «La cloison sonore est pre- mière dans l’ordre du temps. Mais je songe — avant que nous soyons enveloppés de notre propre chair — à la cloison tégumentaire d’un ventre autre » (LM, ). Puis plus directement: Oreille collée au bois, corps accroupi, le héros musicien chapardeur répète une position plus ancienne. Cette scène était une grossesse, devient un enfantement. Toute la scène, dans la fin uploads/s3/ la-musique-de-pascal-quignard.pdf

  • 15
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager