1895. Mille huit cent quatre-vingt-quinze Revue de l'association française de r
1895. Mille huit cent quatre-vingt-quinze Revue de l'association française de recherche sur l'histoire du cinéma 52 | 2007 Varia La sonorisation des séances Lumière en 1896 et 1897 Sound accompaniment for Lumière screenings in 1896 and 1897. Thierry Lecointe Édition électronique URL : https://journals.openedition.org/1895/1022 DOI : 10.4000/1895.1022 ISBN : 978-2-8218-0999-4 ISSN : 1960-6176 Éditeur Association française de recherche sur l’histoire du cinéma (AFRHC) Édition imprimée Date de publication : 1 septembre 2007 Pagination : 28-55 ISBN : 978-2-913758-54-4 ISSN : 0769-0959 Référence électronique Thierry Lecointe, « La sonorisation des séances Lumière en 1896 et 1897 », 1895. Mille huit cent quatre- vingt-quinze [En ligne], 52 | 2007, mis en ligne le 01 septembre 2010, consulté le 15 avril 2022. URL : http://journals.openedition.org/1895/1022 ; DOI : https://doi.org/10.4000/1895.1022 © AFRHC 28 1895 / n° 52 septembre 2007 Janvier 1897, Rome. Les films 2, 3 et 4 sont sonorisés avec une musique de circonstance dans Aldo Bernardini, Cinema italiano delle origini. Gli ambulanti, Gemona, La Cineteca del Friuli, 2001, p. 158. 29 1895 / n° 52 septembre 2007 La sonorisation des séances Lumière en 1896 et 1897 Le 28 décembre 1895, les frères Lumière inauguraient, avec leur Cinématographe, une nou- velle forme de spectacle de divertissement. Les spectateurs découvraient un moyen d’enre- gistrement et de restitution de la mémoire visuelle, supplantant l’ensemble des dispositifs préexistants dans ce domaine. Edison, quelques années plus tôt, avec le phonographe, avait réussi à enregistrer et restituer le son ; il était parvenu à maîtriser la mémoire auditive. Cet appareil, fin 1895, sillonnait déjà la plupart des champs de foire en France ; le public avait alors coutume de le côtoyer. Dès les premières séances du Cinématographe-Lumière, la comparaison de ces deux inventions devint inévitable et leur rapprochement inéluctable. Bien des historiens ont déjà cité ces extraits de presse accueillant les premières projections Lumière : « on recueillait déjà et l’on reproduisait la parole, on recueille maintenant et l’on reproduit la vie. On pourra […] revoir agir les siens longtemps après qu’on les aura perdu »1. Et un second chroniqueur ajouta, comme une vision prémonitoire : « lorsque ces appareils [cinématographes] seront livrés au public, lorsque tous pourront photographier les êtres qui leur sont chers, […] dans leur mouvement, […] avec la parole au bout des lèvres, la mort cessera d’être absolue »2. On en était pas encore là et le Cinématographe était bel et bien muet : « ce curieux appareil donne vraiment l’illusion d’une photographie vivante, de portraits animés auxquels il ne manque que la parole »3. études études par Thierry Lecointe 1 Le Radical, 30 décembre 1895. 2 La Poste, 30 décembre 1895. 3 L’Univers Illustré, 4 janvier 1896. 30 1895 / n° 52 septembre 2007 Questionnement préalable Au travers de mes recherches régionales sur le cinéma des premiers temps, j’ai constaté que la presse locale, elle aussi, lors de l’arrivée du premier spectacle cinématographique à Nîmes le 12 juin 18964, ne tarda pas à rapprocher ces deux inventions, mais sans songer vérita- blement à leur future association : C’est que le cinématographe bénéficie du même attrait que le phonographe et pour des causes analogues. Quand le perroquet imite la voix humaine, quand le singe copie quelques- uns de nos gestes humains, ils nous étonnent et nous réjouissent toujours. C’est le même éton- nement et la même joie, mais décuplés, que nous ressentons devant ces appareils qui parlent vraiment notre propre voix et reproduisent nos propres gestes, avec une infinie variété et une absolue exactitude. Nous nous écoutons parler, nous nous regardons vivre et nos paroles et nos actions les plus banales, ainsi extériorisées, nous émerveillent.5 Si des moyens de sonorisation étaient réellement mis en œuvre, correspondaient-ils au moins à l’une des deux définitions suivantes : 1. « L’ensemble des opérations par lesquelles on ajoute des éléments sonores appropriés à un spectacle purement visuel »6 ; c’est-à-dire la sonorisation d’un film par des procédés divers tels que : phonographe, accompagnement musical par orchestre ou solistes, accom- pagnement vocal chanté ou proféré (conférence ou boniment), bruitages (mécanisés ou non), doublage de monologues et dialogues, etc. 2. « L’action de munir d’un matériel de reproduction et de diffusion du son un lieu »7 ; c’est- à-dire la sonorisation d’une salle afin de masquer des bruits parasites (du projecteur, des ventilateurs, générés par les spectateurs, etc.) ou créer une ambiance acoustique (à la manière des musiques d’ambiance des grands magasins). En raison de l’enjeu économique du Cinématographe pour l’entreprise « A. Lumière & ses Fils », une politique commerciale très structurée allait être mise en place. Une forme de « marketing » allait générer de nombreux articles et comptes rendus de presse (souvent à 4 Un « kinématographe dit “Edison” » d’un itinérant dénommé Leclerc, voir Thierry Lecointe, « Les premières années du spectacle cinématographique à Nîmes, 1895-1913 », 1895, n° 43, Paris, AFRHC, 2004, pp. 45 à 73. 5 La Chronique Mondaine Littéraire et Artistique, 4 juillet 1896. Cet article est une reprise partielle mais mot pour mot d’un texte du Dr Felix Regnault [collaborateur de Marey] paru dans l’Illustration, n° 2779, 30 mai 1896, p. 446. 6 Le Petit Robert. 7 Idem. 31 1895 / n° 52 septembre 2007 caractère publicitaire), l’édition de programmes. À cela s’ajoutent des correspondances fournies de quelques opérateurs. Ainsi, nous disposons pour les séances cinématogra- phiques Lumière, plus que pour toutes autres, d’éléments précis concernant l’agencement des spectacles. Ce corpus nous permet d’apporter quelques réponses formelles ou induites relatives au recours, ou non, à des procédés de sonorisation lors de ces séances. La place de la musique dans les séances Lumière Une analyse des projections Lumière dans l’édition des sources de presse par Jacques et Chantal Rittaud-Huttinet8 amène à constater qu’en 1896-1897, dans la totalité des salles Lumière provinciales en France, toute forme de sonorisation pendant le déroulement des films fut absente. La presse ne mentionne ni commentaire, ni musique et lorsque des comptes rendus abordent la problématique du son, c’est pour en constater l’absence !9 Ils déplorèrent d’ailleurs majoritairement la carence de parole, puis de bruitage avant celle de la musique10. Toutefois la sonorisation musicale des films apparut dès 1896 dans quelques salles de premier ordre. En effet, un programme du Grand Café à Paris de 1896 mentionne la présence du « piano de la maison Gaveau tenu par Émile Maraval, pianiste-composi- teur »11. L’utilisation de l’instrument fut confirmée par la presse dès les toutes premières séances sans faire l’unanimité. Un chroniqueur n’hésita pas à écrire à ce propos : « le piano à queue peut se taire ; nous sommes suffisamment captivés, jusqu’à l’angoisse, par le “Pugilat de deux gentlemen” en querelle »12. Toutes les scènes, d’ailleurs, ne semblèrent pas être accompagnées au piano attestant d’un emploi ponctuel de l’instrument. Ainsi, le journaliste Léon Dumuy, après avoir assisté à la projection de l’Arroseur arrosé au « Salon Indien », relate : « les parents rient à se tordre, les enfants battent des mains, les joyeux études La sonorisation des séances Lumière en 1896 et 1897 8 Jacques et Chantal Rittaud-Hutinet, Dictionnaire des cinématographes en France (1896-1897), Paris, Honoré Champion, 1999. 9 De janvier 1896 à mai 1897, on dénombre 21 items relatifs à l’absence de son dans les salles Lumière de : Lyon, Marseille, Reims, Rouen, Montpellier, Vichy, Aix-les-Bains, Angoulême, Périgueux, Chalon-sur- Saône et Nîmes. L’absence de sonorisation est aussi observable à l’étranger. Voir les textes de Maxime Gorki, dans Nizhegorodskij listok, n° 182, 4 juillet 1896 et Odesskie novosti, n° 3681, 6 juillet 1896 (dans Valérie Pozner, « Gorki au cinématographe : “J’étais hier au royaume des ombres…” », 1895, n° 50, décembre 2006, pp. 115-125). 10 Voir graphique « Salles non sonorisées ». L’item « absence de musique » est signifié pour des vues de musiciens et non pas pour une absence de musique d’ambiance ; cet item est donc assimilable à « absence de bruitage ». 11 Voir le programme reproduit dans Jacques Rittaud-Huttinet, le Cinéma des origines, les frères Lumière et leurs opérateurs, Seyssel, Champ Vallon, 1985, p. 39. 12 Le Siècle de Lyon, 9 janvier 1896 (dans Jacques et Chantal Rittaud-Hutinet, Dictionnaire des cinématographes en France (1896-1897), op. cit., pp. 350-351). 32 1895 / n° 52 septembre 2007 Programme du Grand Café, Paris, 1896. Source : Jacques Rittaud-Huttinet, le Cinéma des origines, les frères Lumière et leurs opérateurs,Seyssel, Champ Vallon, 1985, p. 39. 33 1895 / n° 52 septembre 2007 études La sonorisation des séances Lumière en 1896 et 1897 éclats de voix font l’accompagnement musical de cette petite pantomime ». Il déplore l’ab- sence de phonographe et formule : « quant aux desiderata ils portent sur […] l’adjonction d’un phonographe qui fasse parler les acteurs de ces scènes mimés [pour qu’] alors, la fête [soit] complète ! »13. À la même époque, un autre chroniqueur, à propos des séances du Grand Café regrette aussi qu’« il n’y manque que le bruit et la voix, le phonographe »14. Nous noterons aussi que la mention d’un accompagnement musical, inscrite sur les quelques programmes subsistants de uploads/s3/ la-sonorisation-des-seances-lumiere-en-1896-et-1897-1895-mille-huit-cent-quatre-vingt-quinze 1 .pdf
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- Publié le Aoû 25, 2022
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