GUENAIS Baptiste GUEB09058809 Théories des cinéastes CIN3102 Jean Renoir Jean R

GUENAIS Baptiste GUEB09058809 Théories des cinéastes CIN3102 Jean Renoir Jean Renoir est un cinéaste aux multiples influences (l'impressionnisme pictural dont son père était un membre actif, le réalisme littéraire et Balzac) et au corpus complexe. Il a traversé plusieurs styles, et ses films ont accompagné les transformations du cinéma français entre 1930 et 1950, amorçant, avec le réalisme Italien, la Nouvelle Vague française. Nous nous concentrerons ici sur les films qu'il réalise dans les années trente, au contenu politique plus marqué, de Boudu sauvé des eaux (1932) à La règle du jeu (1939) son dernier film avant le départ aux USA. Pour tenter de dégager les grands principes traversant l'œuvre du cinéaste et d'exposer brièvement les présupposés philosophiques qui en sont les fondements, on se référera le plus souvent à ce dernier film car c'est celui qui, à notre sens, les condense. Si l'artiste refusait la possibilité de faire des bons films sans une forte philosophie personnelle, nous nous intéresserons tout d'abord au projet esthétique de Renoir, sa façon d'approcher la réalité et d'utiliser sa caméra pour l'explorer. Son style en quelque sorte. Or, le style c'est l'homme. On tentera ensuite de préciser un tant soi peu les implications de ce style dans la création, et le rapport au spectateur, ce qui devrait nous amener au projet de l'affection humaine comme notion centrale de l'œuvre. Selon le commentaire de Jacques Rivette, le cinéaste « écrit l'histoire au présent ». Car ses films d'avant-guerre, par leur intrigue s'achevant sur le mythème sacrificiel (que ce soit dans Le Crime de M. Lange, Les Bas-fonds, ou dans La bête humaine ), et les formes de mises en scènes, trouvent une résonance directe dans le contexte politique et social de l'époque, à savoir la montée de Jean Jaurès et du Front Populaire, son triomphe en 1936, puis son déclin s'achevant finalement sur un échec. Alors que Le crime de M. Lange (1935) évoquait la possibilité d'une cohésion populaire, dans La grande illusion (1937) il tente de promouvoir un message de paix. La règle du jeu (1939) anticipe quant à elle, l'effondrement des valeurs humanistes. Comme le note Daniel Serceau, la « tentative de transformation du cadre social trouve son homologue dans le constant éclatement du cadre de la caméra 1». Cet éclatement du cadre se traduit par une virtuosité technique (qui tend à se simplifier, se purifier au fil de l'œuvre) et l'utilisation de certains procédés cinématographiques. Comme le notait Bazin : « Les recherches de mises en scènes s'efforcent [...] de retrouver, au-delà des facilités du montage, le secret d'un récit cinématographique capable de tout exprimer sans morceler le monde, de révéler le sens caché des êtres et des choses en en briser l'unité naturelle »2. L'utilisation du son off, ou hors-champ par exemple, qui prolonge l'espace de la scène en dehors des limites du cadre fixé sur l'écran, par une sorte de « déduction » imaginaire du spectateur, un espace qui s'est ouvert et se prolonge jusqu'aux limites de la perception. L'usage du plan séquence également, dont Bazin a fait l'analyse, dote la caméra d'un pouvoir d'exploration du monde filmique, dont les limites sont elles aussi repoussées indéfiniment. La profondeur de champ rend possible l'ambiguïté dans l'image, en présentant parfois des actions contradictoires, ou exigeant parfois un effort de lecture pour identifier les éléments signifiant. Le monde du film se devient complexe, opaque, et achève sa (con)fusion avec l'espace spectatoriel. On pense à la séquence qui précède le coucher des invités de la première soirée dans « La règle du jeu ». La caméra effectue un traveling arrière qui nous dévoile plusieurs personnages interagissant ensemble, entrant et sortant du champ, jusqu'à ce que le cadre se vide et que la caméra panoramique vers un nouvel espace, un couloir de chambres, où se dérouleront de nouvelles actions (la scène ne s'arrête pas là mais la description est suffisante pour les besoins de notre démonstration). L'expression « fenêtre ouverte sur le monde » de Merleau- Ponty qui décrivait la perception consciente du sujet, revient souvent dans les écrits théoriques sur le cinéaste. Et c'est selon nous ainsi qu'il faut le comprendre, au sens du réalisme ontologique, c'est à dire qui n'agit pas par simple mimétisme, ni d'une tentative d'appropriation, mais justement pour dévoiler cette ambiguïté propre au réel, sa non-détermination. Noirceur dans laquelle, l'individu tente de dégager un semblant de sens, d'effectuer un découpage en quelque sorte. Le cinéma que l'objet devant l'objectif n'acquière un sens que si le créateur/spectateur lui en attribue un. Le cinéaste 1 Serceau Daniel, 1985 , « Jean Renoir ; la sagesse du plaisir », Éditions du Cerf, Paris, p.13 2 Bazin, André, 1975, Qu'est-ce que le cinéma ?, Éditions du Cerfs, Paris p.78. ne retranscrit pas la réalité telle qu'elle, ni même cette illusion, mais la réinterprète, par son style. Le cinéma de Renoir donne à voir une vision du monde, qui passe par une représentation à laquelle il faut assister. Les procédés techniques ou esthétiques ne doivent pas se dévoiler - et en ce sens, Renoir est un cinéaste « classique »- mais permettre le contact sensible direct du public à cette réalité (ou au moins l'impression de...). Le cinéaste ne dit-il pas lui même qu'avec La règle du jeu, il a découvert que la technique était sans « importance » ? Une des préoccupations fondamentale de Renoir est l'observation et la représentation du monde intérieur de ses personnages. Pierre Haffner note que le dynamisme des films du cinéaste repose en partie sur le retour du refoulé, des mécanismes de classes que l'ordre social et le « savoir- vivre » voudraient occulter. Dans La bête humaine où la justice se fonde sur l'apparence, ou dans La règle du jeu, qui condense dans le titre l'idée de ces règles sociales, du monde des apparences vécu comme un jeu, c'est à dire qui cesse de se prendre au sérieux, et mêle le tragique au comique sans pudeur aucune. Les castes sont indissociables de la notion de Société, mais chez Renoir, plutôt qu'une hiérarchisation, ces castes sont mises en parallèle, sur un pied d'égalité. C'est le « tout le monde a ses raisons » d'Octave (joué par Jean Renoir dans le film) qui induit un certain relativisme dans les jugements moraux. Le cinéaste s'intéresse aux questions sociales en tant qu'elles provoquent l'action et donc stimulent la création. Le champ de la caméra, dépassé par l'action, implique que cette action doive être prise dans un contexte, quelque chose de plus grand qu'elle. Le film révèle une société empoisonnée par ses propres valeurs, et qui, au lieu d'abolir les divisions entres les hommes, au contraire les augmentent. Le réalisme « intérieur », c'est à dire la subjectivité prise comme une réalité intérieure, « qui cherche à saisir le surgissement de l'émotion comme la trace la plus forte de la présence de l'homme »3, se constitue autour de l'«évidence de l'amour », la pensée de l'artiste allant à la rencontre du « beau » dans la nature, l'organisé, l'ordonné, ou tout finit par se valoir (bien que Renoir refuse le Romantisme). Une critique de l'intelligence, prompte à créer de faux systèmes, pour les appliquer à la réalité. L'homme est empêtré dans les toiles d'un 3 Haffner Pierre, 1988, Jean Renoir, Editions Rivages, Paris p.28 déterminisme social, les fils d'un système de valeurs pourrissantes et dont il comprend plus ou moins bien l'organisation. Le héros « tragique » de « La règle du jeu » est mis à mort par une société qui ignore pourquoi elle tue, ainsi que par sa passion. L'amour est la chose qui rend ce monde acceptable, il est plus important que la justice sociale. Les personnages des films ont tous un but à atteindre, une liberté à conquérir, en opposition aux passions qui les animent. Mais c'est leur instinct, leur sensibilité, bien plus que leur intelligence qui les conduit vers un ailleurs (l'amour) au delà des limites de la société. L'affection humaine est d'ailleurs un préalable à la création d'une œuvre chez le réalisateur, mais ce n'est plus son œuvre propre, c'est celle d'un collectif, d'une équipe de tournage, à qui il donne plus de responsabilités dans la création ; les acteurs plus particulièrement, avec qui les interactions sont essentielles. Puisque nous sommes dans un cinéma penché sur la réalité subjective et sensitive des personnages (et par effet de miroir le spectateur), ces sentiments aboutissent à la création de situations, grâce au lien inexplicable entre les êtres qui permet, selon le cinéaste, de « toucher du doigt son prochain, que je crois être vaguement celui du monde entier »4. C'est ce projet de réunir les hommes auquel nous avons fait allusion au début de l'argumentation. Réunir les hommes dans la création, et réunir les spectateurs dans la salle du cinéma, pour leur dévoiler une vérité, une réalité intérieure. « La nécessité qui identifie l'interprète vient au delà des apparences superficielles. La vérité qui illumine le visage à l'évidence d'une révélation »5. Les acteurs permettent d'abandonner la théorie pour assister uploads/s3/ le-cinema-de-jean-renoir-theories-des-cineastes.pdf

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