Cahiers de Narratologie Numéro 19 (2010) Images composites, arts pluriels .....
Cahiers de Narratologie Numéro 19 (2010) Images composites, arts pluriels ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Fabien Maheu Cinéma, peinture et numérique : hybridité de l’image chez Peter Greenaway ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Avertissement Le contenu de ce site relève de la législation française sur la propriété intellectuelle et est la propriété exclusive de l'éditeur. 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Référence électronique Fabien Maheu, « Cinéma, peinture et numérique : hybridité de l’image chez Peter Greenaway », Cahiers de Narratologie [En ligne], 19 | 2010, mis en ligne le 22 décembre 2010. URL : http://narratologie.revues.org/6177 DOI : en cours d'attribution Éditeur : REVEL http://narratologie.revues.org http://www.revues.org Document accessible en ligne sur : http://narratologie.revues.org/6177 Document généré automatiquement le 11 août 2011. © T ous droits réservés Cinéma, peinture et numérique : hybridité de l’image chez Peter Greenaway 2 Cahiers de Narratologie, 19 | 2010 Fabien Maheu Cinéma, peinture et numérique : hybridité de l’image chez Peter Greenaway 1 Depuis le début des années quatre-vingt, Peter Greenaway n’a cessé de naviguer d’un monde à l’autre : de la pratique industrielle du cinéma au marché élitiste des arts plastiques. Cette réalité contextuelle se double d’une ambition esthétique, qui est de nourrir le cinéma, compris comme un art mineur n’ayant pas trouvé son langage propre, des immenses richesses formelles explorées par la peinture depuis plus d’un millénaire. 2 De toute évidence, cette recherche d’un cinéma plastique, déjà sensible dans ses courts métrages et parfois dans les longs, trouve dans l’avènement du numérique un terrain d’épanouissement sans précédent. Le réalisateur est-il un précurseur qui n’attendait que l’outil approprié à de visionnaires projets, ou appartient-il simplement à une génération d’artistes qui, plus que jamais au courant des dernières innovations et profitant de l’accessibilité accrue des matériels de pointe percevait intuitivement les directions à venir que la technologie allait imprimer à l’esthétique ? On ne peut s’empêcher de penser à Steve Reich, composant dès les années soixante la pièce Slow Motion Sound, censée être constituée d’un enregistrement ralenti plusieurs dizaines de fois sans modification de tonalité. Les moyens techniques ne permettant pas la réalisation effective de la pièce, le compositeur se contenta de la décrire en une phrase succincte, pour finalement en réaliser le principe, une vingtaine d’années plus tard, à l’aide des technologies numériques. 3 Dans le cas de Peter Greenaway, ce sont les premières possibilités de transfert d’image analogique / numérique mis au point au Japon à la fin des années quatre-vingt qui permirent au réalisateur de découvrir son langage audiovisuel le plus pertinent, celui qui répond le mieux au désir d’hybridité que son proto-cinéma manifestait déjà clairement. Invité dans le cadre d’un programme de production et de développement initié notamment par la NHK (la chaîne culturelle japonaise), Greenaway put tester en compagnie de l’infographiste Eve Ramboz, les nouvelles possibilités de compositing qui donnèrent finalement naissance à Prospero’s Books, œuvre majeure et pourtant mal connue. 4 Ce sont bien entendu les nouvelles possibilités du numérique, et en l’occurrence de la haute définition, qui rendirent possible cette avancée du cinéma comme médium avant tout plastique : les outils de l’infographie permirent au réalisateur-peintre des opérations de collage auparavant trop onéreuses et trop lourdes, et ce, avec la possibilité de revenir en arrière, d’essayer, de tester, de choisir. Le cinéma numérique comme matériau plastique était né. 5 Pour autant, le concept de « numérique » demande à être précisé, tant il est vrai qu’il reste un réceptacle fantasmatique fort dans les élites culturelles, et que par ailleurs l’approche du phénomène numérique par le réalisateur britannique évolue dans le courant de sa carrière. 6 Il existe plusieurs réalités recouvertes par le terme « numérique ». Citons-en trois, parmi les plus usitées. La première, qui répond le mieux au terme qui la désigne, est en fait un art basé sur la programmation, un « art du code » en somme. Pour composer cet art comme pour le lire, il faut être capable de programmer, c’est-à-dire d’écrire un logiciel. Cet « art du code » se rencontre essentiellement dans les sphères discrètes de l’art contemporain. La seconde acception du terme désigne en fait l’ergonomie des outils informatiques traitant le son et l’image : palettes graphiques, logiciels de traitement audio, outils de montage et de compositing vidéo. Ce sont ces outils qui intéresseront tout d’abord Greenaway, car ils permettent de produire du matériel enregistré ou fixé, comme le sont le cinéma et la peinture. En troisième lieu vient ce qu’il est convenu d’appeler le traitement en « temps réel » ou même le « génératif ». Dans ce cas, l’informatique ne se contente pas de traiter une information après l’autre et d’enregistrer le résultat dans des fichiers disponibles pour la relecture. L’accent est mis au contraire sur le traitement immédiat et la transformation des ces informations en signaux qui paraissent simultanés. Le but n’est plus l’enregistrement mais la délivrance immédiate d’une réponse à des stimuli et ce, sans délai. Greenaway s’intéresse aujourd’hui Cinéma, peinture et numérique : hybridité de l’image chez Peter Greenaway 3 Cahiers de Narratologie, 19 | 2010 à ces technologies essentiellement sous deux formes : d’une part la performance de Vjing réalisée dans les clubs à partir de matériaux tirés des rushes des Tulse Luper Suitcases et d’autre part Second Life qui représente pour lui le terrain d’expression privilégié des artistes de demain. 7 Si le réalisateur britannique est historiquement aux avant-postes de l’intégration du numérique au cinéma narratif, il ne fait qu’annoncer un mouvement global et partagé. Graduellement, les cinéastes intègrent l’ergonomie « infographique » à leurs écritures audiovisuelles, explorant notamment de nouvelles configurations du rapport espace-temps. La démultiplication des possibilités d’écriture visuelle entraîne également la prise en compte de la dimension verticale de l’image, c’est-à-dire de sa profondeur virtuelle dans un espace initialement plan, compris non plus comme le lieu privilégié de la captation photographique, mais comme un « canevas »plastique sur lequel sont réalisées des compositions d’éléments « photoscopiques » et plastiques. Le spectateur est bien entendu amené à adopter une lecture complexe du tissage des informations sur l’espace disponible du canevas. Cette ergonomie favorise une fragmentation croissante de l’œuvre et peut induire de nouveaux modes d’organisation des matériaux, au-delà même de la relation image-son, au delà du cinéma. L’œuvre devient alors un composite transversal usant de tous les médias disponible et utiles à son développement : cinéma, littérature, travaux plastiques, Internet, etc. Le récent opus The Tulse Luper Suitcases (de Peter Greenaway) est un exemple de ce redéploiement des ressources médiatiques au service de l’œuvre narrative. 8 De nombreux films de fiction grand public utilisent aujourd’hui le traitement numérique de l’image de manière totalement transparente et certaines caractéristiques initiales du cinéma s’en voient bouleversées. Dans le champ d’application des nouvelles images numériques, le photogramme, comme unité minimale photographique, tend à disparaître. La photographie se voit alors dépossédée de sa graphie : il ne s’agit plus en effet que de photoscopie. Les signaux résultant de la captation ne donnent plus lieu à une inscription sous forme d’images- traces, mais sous forme de données chiffrées. A mesure que son support physique disparaît, l’image gagne en qualités liées à l’abstraction. Elle est alors capable de s’actualiser de multiples manières, autant de fois que souhaité et sur des supports de natures très différentes (moniteur, impression, etc.). Ainsi, de nombreux produits audiovisuels intègrent-ils des images de provenance et de qualité diverses dont la numérisation favorise la mixité, pour les actualiser dans un même et unique écran . 9 Cette nouvelle forme d’image comporte plusieurs niveaux de réalité. L’actualisation est précédée d’une zone de modélisation, elle-même subdivisée en deux objets distincts. Tout d’abord, le modèle en lui-même, qui peut être en trois dimensions, agencement d’un maillage et de textures, ou bien, dans le cas d’une facture bidimensionnelle, un empilement de calques superposés. Dans un second temps seulement intervient le rendu de ce modèle, c’est-à-dire le calcul d’un point de vue et d’un état donné du modèle et qui donnera lieu à une représentation possiblement visible de l’image. L’actualisation, quant à elle, se fait à partir du calcul du rendu, par un moniteur, un support vidéo, un tirage papier ou tout autre moyen choisi. Si l’on voulait artificiellement établir une relation entre la génération d’images numériques et la captation d’images photographiques, le modèle tiendrait le rôle de profilmique, le rendu celui de négatif, et l’actualisation, celui de pellicule projetée sur un écran. 10 Or, si dans l’ergonomie analogique liée à la pellicule de celluloïd, l’opération plastique la plus répandue reste l’étalonnage (stade du négatif), uploads/s3/ narratologie-6177-19-cinema-peinture-et-numerique-hybridite-de-l-image-chez-peter-greenaway.pdf
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- Publié le Sep 11, 2021
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