SBORNÍK PRACÍ FILOZOFICKÉ FAKULTY BRNĚNSKÉ UNIVERZITY STUDIA MINORA FACULTATIS
SBORNÍK PRACÍ FILOZOFICKÉ FAKULTY BRNĚNSKÉ UNIVERZITY STUDIA MINORA FACULTATIS PHILOSOPHICAE UNIVERSITATIS BRUNENSIS L 22, 2001 MARIE ČERVENKOVÁ L’INFLUENCE DE L’ARGOT SUR LA LANGUE COMMUNE ET LES PROCÉDÉS DE SA FORMATION EN FRANÇAIS CONTEMPORAIN L’argot, en tant qu’un inventaire du lexique, existe depuis plusieurs siècles sous différentes formes et se produit de diverses manières. Il est difficile de tra- cer les limites de l’argot moderne: on y voit apparaître sans cesse de nouveaux mots, de nouveaux procédés de création mais, surtout, ces néologismes passent très vite dans le langage général et là, le vocabulaire d’origine argotique est sou- vent tout à fait assimilé par la langue commune. On pourrait penser que cette rapidité de circulation est le résultat de cette publicité: dès lors qu’un langage «secret» est connu, il doit changer. Mais l’argot moderne n’est plus vraiment un langage secret, il est plutôt un des éléments dans la palette de choix dont dispose le locuteur. Lorsque l’argot est présent à la radio, à la télévision ou au cinéma, il est utilisé dans la publicité, son statut s’en trouve nécessairement modifié. Certa- ins emploient, pour suivre la mode, des mots argotiques qu’ils découvrent grâce aux médias. D’autres, qui ont créé ces mots vont en créer d’autres pour mainte- nir la distance entre leur groupe et ses imitateurs. On voit que le passage entre l’argot et la langue est très flou et qu’il est im- possible de le tracer de façon nette. C’est pour cette raison qu’on peut trouver de nombreuses définitions de l’argot et diverses approches de cette problématique. L’argot, pour Dauzat1, au sens étroit du mot, est le langage des malfaiteurs. Par extension, il peut désigner aussi, selon lui, un certain nombre de langages spéciaux qui offrent des traits communs avec le précédent. Dauzat a adopté ici presque la même opinion qui avait été prononcée par Littré en 18632 (langage particulier aux vagabonds, aux mendiants, aux voleurs, et, par extension, phra- séologie particulière dont se servent entre eux les gens exerçant le même art et la même profession). Esnault considère l’argot comme l’ensemble oral des mots 1 Dauzat, Albert – Les Argots, p. 5 2 In: Désirat, C., Hordé, T. – La langue française au XXe siècle. Bordas, Paris, 1976 78 MARIE ČERVENKOVÁ non techniques qui plaisent à un groupe social.3 À l’argot employé soit comme une langue secrète (voir l’opinion des auteurs ci-dessus), soit comme un signe de reconnaissance (par ex. langage des étudiants) est encore attribué, par Bonnard4, le sens de langue triviale, partie la plus vulgaire du lexique populaire, connue et comprise dans toutes les couches sociales.5 D’autres linguistes6 distinguent l’argot des langues spéciales appelées jargons qui ne sont pas des langues secrè- tes mais plutôt des langues de métiers. D’après Calvet7 l’argot est devenu une façon de se situer par rapport à la norme linguistique et du même coup par rap- port à la société. En tenant compte des opinions citées, il serait possible de résumer que l’argot, d’abord essentiellement cryptique, a conservé cette fonction fondatrice de cacher dans certaines situations, tendant à limiter la communication à un cercle d’initiés. En même temps le vocabulaire argotique est assimilé par la langue commune et, exploité au quotidien et compris de tous, conserve simplement des connotations «vulgaire» ou «populaire»8 Il faut prendre en considération que l’argot a parcouru, pendant les siècles, un long chemin d’évolution et qu’il a considérablement influencé la langue com- mune, normale, et, dans certains cas, a pénétré dans les autres niveaux de la lan- gue: par le français populaire et familier jusqu’au français littéraire. Avec ce long parcours des registres les plus „bas“ aux niveaux d’un prestige social plus grand, certaines expressions et leurs sens ont subi des changements remarqua- bles. Ce lexique peut apparaître dans presque tous les domaines, même dans des textes écrits, dans des romans ou dans des articles de presse, quoiqu’il s’agisse, à l’origine, des expressions propres à la forme parlée de la langue. L’utilisation des éléments argotiques est parfois causée par l’état immédiat de l’usager, qui veut exprimer sa colère, son refus ou son dédain. En effet, le vocabulaire argo- tique est capable d’exprimer les nuances entre divers sentiments des hommes, qu’ils soient négatifs ou positifs. En même temps il existe toujours, même pour les locuteurs nés, mais non- initiés (dans le sens rappelé au-dessus), un lexique très peu compréhensible, di- sons celui qui n’a pas encore eu le temps et les conditions favorables pour pren- dre une place solide dans le niveau du français commun, mais aussi celui dont les éléments sont déjà généralement connus et fréquemment utilisés par la plu- part des habitants de la France et des francophones et l’origine n’en est plus claire pour les usagers. Prenons, à titre d’exemple, quelques mots employés souvent dans la vie quo- tidienne: 3 Désirat, C., Hordé, T. – La langue française au XXe siècles., p. 49 4 H. Bonnard – Procédés annexes d’expression. Éd. Magnard, Paris, 1989, p. 82, 83 5 voir la définition du Nouveau Petit Robert. Paris, 1994 6 par ex. L.-J. Calvet – L’Argot. Paris, 1994 7 op. cit. 8 op. cit. 79 L’INFLUENCE DE L’ARGOT SUR LA LANGUE COMMUNE ET LES PROCÉDÉS DE SA FORMATION EN FRANÇAIS CONTEMPORAIN 1. Fric, n. m. C’est un nom masculin équivalent au substantif du français standard argent. D’après le Dictionnaire de l’argot (1992)9 ce mot est issu de fricot, fricasser, c’est-à-dire cuire dans leur jus des aliments. Il s’agit donc de métaphore d’un verbe culinaire. On trouve déjà le mot fric comme synonyme d’argent dans le Dictionnaire Français-Argot d’Aristide Bruant10 publié en 1905. D’après le Dictionnaire Etymologique d’Albert Dauzat11 (1938) ce n’est qu’au début du XXe siècle qu’on commence à introduire dans la langue le mot fric au sens de l’argent. Chez Dauzat, ainsi que chez les auteurs du Dictionnaire du français vivant12 (1957) et de Larousse (1993), ce mot est caractérisé comme «argotique». Le Nouveau Petit Robert de 1994 le considère déjà comme familier. Nous voyons donc que l’expression fric qui, avant l’an 1900, n’existait probablement pas au sens de l’argent, a fait un long chemin au cours du XXe siècle. Aujourd’hui il est généralement connu et utilisé dans la vie quotidienne. 1905 (B) 1938 (E) 1957 (DFV) 1993 (L) 1994 (R) arg. arg. arg. arg. fam. 2. Flic, n. m. Voici quelques exemples tirés des émissions télévisées : «J’étais avec un collègue à vous. Un flic, comme vous.» TF1 – Navarro «Il n’avait pas encore engagé de flics.» TF1 – Sunset Beach «...un flic sans moralité, et c’est un criminel en plus.» RTL 9 «Je suis pas flic, je suis pompier.» RTL 9 «Je suis flic; un flic un peu spécial.» TF1 – film Un flic presque parfait Les Cordier, juge et flics – titre d’un film sur TF1 Ce mot est d’origine allemande. Il vient du mot Fliege, mouche, c’est-à- dire policier. Aujourd’hui le mot flic désigne un membre de la police ou de la gendarmerie. Chez Bruant nous pouvons trouver ces variations du mot : flic, flicadart, fli- card, flick, flique. D’après le Dictionnaire Etymologique ce mot, d’abord argotique, ensuite po- pulaire, existait depuis longtemps dans la langue. Le Dictionnaire du français vivant, ainsi que Le Robert accompagnent le mot flic de l’indication familier et péjoratif, et Larousse le considère comme popu- laire. 9 Colin, J.-P., Mével, J.-P., Leclère, Ch. – Dictionnaire de l’argot. Larousse, Paris, 1992 10 Bruant, A. – Dictionnaire Français-Argot. Paris, 1905 11 Dauzat, A. – Dictionnaire étymologique. Paris, 1938 12 Davau, Cohen, Lallemand – Dictionnaire du français vivant. Paris, 1957 80 MARIE ČERVENKOVÁ 1905 (B) 1938 (E) 1957 (DFV) 1993 (L) 1994 (R) arg. pop. fam. pop. fam. 3. Pognon, n. m. Ce mot d’origine argotique désigne l’argent. Il s’agit d’un dérivé régional de poigner, saisir avec la main, avec peut-être influence du franco-provençal pou- gnon, petit gâteau ou petit pain. Nous trouvons ce mot déjà en tant qu’un des synonymes argotiques du mot argent dans le (B) d’A. Bruant. Dauzat, dans son Dictionnaire Etymologique, accompagne le mot de l’indication populaire. Le mot apparaît déjà en 1844 dans le Dictionnaire d’argot de Gaston Esnault. 1905 (B) 1938 (E) 1957 (DFV) 1969 (R1) 1993 (L) 1994 (R) arg. pop. arg. fam. pop. pop. fam. Ayant constamment besoin de se renouveller, tout argot se sert d’un nombre considérable de procédés de formation. Il s’agit des procédés fonctionnant à la base de la formation lexicale et des procédés stylistiques. Pour les procédés lexicaux sont typiques: troncation (apocope et aphérèse), suffixation déformatrice, resuffixation, composition, redoublement et d’autres procédés. Il existe des argots qui ont été créés par utilisation d’un code conventionnel. Ce sont, par exemple, les argots appelés: largonji, louchébem, javanais, verlan, cadogan. En ce qui concerne les procédés stylistiques, l’un des modes fréquents de formation d’unités nouvelles est directement lié à ce que R. Jacobson appelle la fonction poétique du langage13. Il consiste à nommer un objet par une de ses caractéristiques, le plus souvent par métaphore, métonymie et synechdoque. Il y a bien d’autres façons de formation telles que substitution synonymique, utilisation des uploads/s3/ cervenkova01-pdf 1 .pdf
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- Publié le Aoû 30, 2022
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