LA COULEUR I Le choix de la couleur des dents natu- relles, communément appelé

LA COULEUR I Le choix de la couleur des dents natu- relles, communément appelé « choix de teinte », intéresse peu la profession qui se décharge bien souvent de cette étape sur le technicien du laboratoire de prothèses [1].Il est en effet surprenant de voir que la plupart des cabinets dentaires du monde (65 %) travaillent encore avec le teintier Vitapan® créé en 1956 (renom- méVita Classical® en 1995),alors qu’il existe depuis plusieurs années des systèmes innovants pour le choix de la couleur. Ils optimisent le choix visuel (teintier 3D Master® de Vita, caméra intrabuccale Sopro 717® d’Actéon) ou ils permettent une me- sure instrumentale objective par colorimétrie ou spectrophotométrie (Easy Shade® de Vita, Shade Vision® de Xrite,Shade Scan® de Cynovad) [2-4]. Cependant,aussi performant que puisse être le choix de la couleur des dents naturelles,le principal problè- me reste sa reproduction fidèle au travers des techni- ques cosmétiques de laboratoire. La reproduction de la cartographie de couleur établie par le praticien est un véritable défi quand on connaît le grand nombre de variables intervenant sur le résultat coloré final lors de la mise en œuvre des matériaux esthéti- ques.La marque et la qualité de la céramique utili- sée, l’épaisseur disponible pour la stratification, la > Jean-François LASSERRE (Bordeaux) La couleur fait partie de notre quotidien, mais son analyse scientifique est complexe et pluridisciplinaire. Ce sont les artistes peintres qui ont défini les premières théories de la couleur. En dentisterie, la référence est l’espace chromatique de Munsell, basé sur la luminosité, la saturation et la teinte. Cependant, la compréhension des effets colorés doit passer par une observation naturaliste des dents. Elle permet d’évoquer les sept dimensions que sont la stratification, l’opalescence, l’effet nacré, les caractérisations, la texture de surface, la translucidité et la fluorescence. Les sept dimensions de la couleur des dents naturelles Mots-clés > Couleur > Colorimétrie > Esthétique > Vision Clinic - Juillet 2007 - vol. 28 417 - psychique dans les sentiments que les couleurs dé- veloppent en nous en rapport avec leur symbolique ; - intellectuel et artistique dans la construction et l’utilisation des couleurs. Approche optique et psychosensorielle de la couleur La construction des couleurs repose sur un modèle tridimensionnel défini par trois couleurs fondamen- tales, encore appelées couleurs primaires, à partir desquelles nous pouvons reconstituer toutes les autres couleurs.Ce mécanisme est de même nature que le principe de perception sensorielle de l’œil humain fondé sur l’existence de trois types de cônes spécia- lisés dans la perception du rouge,du vert et du bleu. On parle de trivariance de la couleur et de vision trichromate. Le trichromatisme est à la base de la vision des couleurs.La définition des couleurs pri- maires diffère selon que la couleur est obtenue par le mélange d’émissions de rayons lumineux (syn- thèse additive) ou qu’elle résulte de la réflexion lumi- neuse sur des supports colorés ou de la transmission lumineuse au travers d’objets colorés (synthèse sous- tractive).On différencie ainsi les couleurs primaires additives des couleurs primaires soustractives. ISynthèse additive ou mode rouge, vert, bleu (RVB) En 1676,le physicien Isaac Newton montre que la lumière solaire blanche peut être décomposée à l’aide d’un prisme dans les couleurs spectrales (rouge, orange,jaune,vert,bleu,indigo et violet) [8].L’expé- rience traduit la nature ondulatoire et polychroma- tique de la lumière. Celle-ci est en effet constituée d’ondes électromagnétiques dont la partie visible technique de montage et de condensation et le nombre de cuissons de la céramique sont quelques- uns des nombreux facteurs qui influencent la cou- leur de la restauration [5-7].Finalement,les résultats restent très dépendants du sens artistique et l’expé- rience du prothésiste. L’objectif de cet article est de montrer la complexité des problèmes théoriques liés à la couleur et de re- voir la définition odontologique habituelle de celle- ci. En effet, la référence classique aux trois dimen- sions de la couleur définies par le schéma de Munsell (luminosité, saturation et teinte) semble très insuf- fisante.Est proposée ici une analyse des dents natu- relles en sept dimensions structurales et optiques. Cette approche est directement en rapport avec les problèmes de l’élaboration prothétique qui, dans notre profession,appartient à la catégorie esthétique du « trompe-l’œil ». Esthétique et couleurs La couleur fait partie de notre quotidien :elle nous entoure, elle est la vie même, elle conditionne nos plaisirs,nos émotions et nos comportements sociaux. Un monde sans couleurs paraît mort. De manière plus générale,notre représentation du monde exté- rieur est étroitement liée à l’acuité de nos sens. Ils nous permettent de percevoir la couleur mais aussi la forme,la texture,la température,l’odeur et le goût des corps et des objets.Cette représentation est limi- tée par et à nos capacités sensorielles.Dans le règne animal,les félins,qui ont une acuité visuelle et une vision nocturne bien supérieures à celles de l’hom- me,ne perçoivent par contre l’environnement que dans une tonalité monochromatique sépia, ce qui leur donne une vision essentiellement en lumino- sité.La vision des couleurs est aussi intimement liée à l’expérience et à l’éducation qui nous permettent d’interpréter les données sensorielles brutes. Comprendre la complexité des problèmes liés à la couleur ne peut se faire que dans une approche multi- disciplinaire intéressant la physique corpusculaire et ondulatoire,les mathématiques,la psychophysiolo- gie, la neurologie, la génétique et, naturellement, l’art. Au-delà de l’analyse purement physique de la lu- mière,le problème esthétique des couleurs ne peut se concevoir que sous un triple point de vue [8] : - optique et sensible dans la connaissance de la physio- logie de notre œil et de la perception psychosenso- rielle des couleurs ; 418 Clinic - Juillet 2007 - vol. 28 LA COULEUR 1. Mode RVB. Principes de la synthèse additive obtenue par le mélange d’émissions lumineuses colorées. Couleurs primaires : rouge, vert, bleu. Couleurs secondaires : cyan, magenta, jaune. Le mélange RVB donne une lumière blanche. 1 par l’œil humain a des vibrations situées entre 400 (violet) et 700 (rouge) nanomètres. Les couleurs spectrales monochromatiques peuvent se recom- poser selon les règles de la synthèse additive.Elle sert de principe à la création de la couleur sur les écrans d’ordinateur ou de télévision.Les couleurs sont ob- tenues par le mélange de trois couleurs fondamen- tales, le rouge, le vert et le bleu. Ces trois couleurs permettent de reproduire toutes les autres couleurs, on les appelle couleurs primaires additives. Le mé- lange deux à deux de lumières primaires donne des rayonnements de nouvelles couleurs qui sont appe- lées couleurs secondaires additives.Le rouge et le vert donnent le jaune, le rouge et le bleu donnent un rose violet appelé magenta,le bleu et le vert donnent un bleu turquoise appelé cyan.Une lumière blanche peut être obtenue par le mélange des trois couleurs primaires ou par le mélange des trois couleurs se- condaires en proportions égales.Le mélange d’une couleur secondaire avec la couleur primaire qui n’a pas été utilisée dans sa composition (jaune + bleu, cyan + rouge, magenta + vert) donne également une lumière blanche,ces couleurs sont dites complé- mentaires (fig. 1). Cependant, la compréhension de la synthèse addi- tive ne nous aide pas dans la réalisation de la couleur des dents artificielles qui est obtenue par le mélan- ge de pigments colorés (oxydes métalliques) dans la céramique. La couleur perçue résulte de l’interac- tion de la lumière avec la dent et des phénomènes d’absorption et de réflexion lumineuse à sa surface. Elle obéit aux principes de la synthèse soustractive. ISynthèse soustractive par mélange de pigments ou mode jaune, rouge, bleu (JRB) Lorsque la lumière n’est plus seulement émise mais qu’elle entre en interaction avec la matière, cette dernière, du fait de sa composition moléculaire, absorbe une partie du rayonnement incident. Les mécanismes des mélanges de couleurs d’absorption relèvent des lois de la soustraction,d’où la dénomi- nation « synthèse soustractive ».L’opacité ou la trans- parence du corps jouent un grand rôle dans l’effet coloré.Pour un objet opaque,la couleur perçue par l’œil correspondra à la lumière résiduelle réfléchie. Par exemple, une cerise éclairée en lumière poly- chromatique blanche apparaît rouge parce qu’elle absorbe toutes les longueurs d’onde sauf le rouge. Lorsque l’on regarde un objet transparent ou trans- lucide en contre-jour,la couleur perçue correspond à la lumière résiduelle transmise. Par exemple, un Clinic - Juillet 2007 - vol. 28 419 LA COULEUR vitrail dans une église aura une couleur bleue s’il filtre toutes les lumières sauf le bleu (fig. 2 et 3). Pour illustrer ces deux modes de rendu coloré, on peut rapprocher, en photographie, la diapositive (transmission) d’un tirage photographique sur papier (réflexion) ou, en peinture, l’utilisation d’aplats de couleurs couvrantes (réflexion) de l’utilisation des glacis colorés transparents (transmission). Pour les dents prothétiques, les effets des dentines opaques (réflexion) s’opposent aux effets d’émail translucide (transmission). Les philosophes et scientifiques ont construit des concepts sur la couleur. Citons l’im- portant ouvrage de Goethe, Traité des couleurs, pu- blié dans ses œuvres scientifiques en 1883 [9].Mais ce sont les peintres qui depuis toujours ont établi les lois des mélanges des couleurs pigmentaires en se fondant sur l’observation de la nature et les formules de fabrication des couleurs.Johannes Itten,peintre et enseignant à l’école du Bahaus,a publié en 1960 un ouvrage pédagogique, uploads/s3/ color.pdf

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