In Situ Revue des patrimoines 30 | 2016 Au regard des métiers du patrimoine Rég

In Situ Revue des patrimoines 30 | 2016 Au regard des métiers du patrimoine Régisseur d’œuvres : enjeux d’un métier émergent et perspectives de professionnalisation Collections registrars, an emerging competence with perspectives of professionalisation Sophie Daynes-Diallo, Hélène Perrel et Hélène Vassal Édition électronique URL : https://journals.openedition.org/insitu/13705 DOI : 10.4000/insitu.13705 ISSN : 1630-7305 Éditeur Ministère de la Culture Ce document vous est offert par Sorbonne Université Référence électronique Sophie Daynes-Diallo, Hélène Perrel et Hélène Vassal, « Régisseur d’œuvres : enjeux d’un métier émergent et perspectives de professionnalisation », In Situ [En ligne], 30 | 2016, mis en ligne le 29 septembre 2016, consulté le 14 avril 2022. URL : http://journals.openedition.org/insitu/13705 ; DOI : https://doi.org/10.4000/insitu.13705 Ce document a été généré automatiquement le 29 septembre 2020. In Situ Revues des patrimoines est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International. Régisseur d’œuvres : enjeux d’un métier émergent et perspectives de professionnalisation Collections registrars, an emerging competence with perspectives of professionalisation Sophie Daynes-Diallo, Hélène Perrel et Hélène Vassal 1 En 2001, invitées aux journées-débats de l’ARAAFU consacrées aux métiers de la conservation préventive, nous définissions le métier du régisseur d’œuvres comme un « nouveau métier1 », fonction émergente dont nous tentions de définir les contours et les limites. Nous en esquissions le portrait et dégagions les savoirs et savoir-faire afférents, remarquant la reconnaissance institutionnelle forte notamment portée par le service des Musées de France (ancienne direction des Musées de France), période de maturation du métier : définition des tâches et activités du régisseur par l’Observatoire des métiers en 2000, intégration d’une option « régie d’œuvres » au concours de chargé d’études documentaires en 19992, premiers séminaires3 consacrés aux métiers, premières conférences4, structuration en association professionnelle5. 2 Cette reconnaissance trouvait sa source dans l’émergence forte à la fin des années 1980 de métiers « supports » au musée, convergence d’une hyperspécialisation des métiers de la culture et du patrimoine et d’une professionnalisation de plus en plus importante portée par un modèle anglo-saxon, considéré comme la référence, celui du « registrar ». 3 La fonction de régisseur est en effet née avec l’émergence du musée moderne au XVIIIe siècle, en Europe comme aux États-Unis et en particulier avec la notion d’inventaire et de catalogage des collections. Cette fonction est donc naturellement et originellement rattachée à la figure de la personne chargée de la rédaction et de la tenue de l’inventaire et du catalogue de la collection : le plus souvent un scientifique doublé d’un gardien, en France le conservateur, « celui qui conserve et étudie ». Le métier de régisseur – dans l’acception actuelle – n’a en revanche émergé qu’à la fin du XXe siècle6. Régisseur d’œuvres : enjeux d’un métier émergent et perspectives de professio... In Situ, 30 | 2016 1 4 Dans le monde anglo-saxon, si l’on peut en effet dater la naissance de l’actuel métier de régisseur d’œuvres aux États-Unis à l’aube du XXe siècle, ce dernier a dû attendre les années 1950 pour connaître sa montée en force. La première version du Museum Registration Methods (MRM), l’imposant et incontournable manuel des régisseurs américains, date en effet de 1958, leur comité à l’association américaine des musées (AAM) – the registrars committee – date quant à lui de 1976 ; le UK registrars group, son pendant britannique, fut créé en 1970. 5 Aujourd’hui gestionnaire des collections et responsable de l’inventaire et du récolement, le « registrar » anglo-saxon tire son appellation de sa fonction originelle : celle de la tenue, sous la responsabilité du conservateur (curator) ou du scientifique, de l’inventaire : the register. Ses fonctions élargies et responsabilisées, et son autonomie par rapport au conservateur acquise, le registrar actuel possède un panel extrêmement large de missions, mais la tenue du registre d’inventaire (ou enregistrement) est demeurée au centre de celles-ci. 6 L’évolution de la fonction et sa montée en puissance sont notamment redevables du développement, au début des années 1970 dans le monde muséal américain, du concept d’accréditation (accreditation, comparable au label « musée de France », qui donne droit à des avantages fiscaux et/ou des subventions de l’État suite au Belmont Report : the Conditions and Needs of Americans Museums7) qui fit suite à l’intérêt croissant, à partir des années 1950, de la question des normes muséales. En effet, ce dernier mettant au premier rang des caractéristiques essentielles pour l’obtention du statut de musée accrédité la notion d’entretien des collections (care of the collections), la fonction de régisseur prit brutalement une importance capitale : elle devenait l’outil essentiel de la rationalisation nécessaire des collections qui les rendrait exploitables, cohérentes, diffusables8. Ce mouvement éleva en outre la figure du restaurateur (conservator), et induit la rédaction – sous la responsabilité et l’autorité des régisseurs – des politiques de gestion et d’entretien des collections dans chaque musée. 7 Aujourd’hui, la définition des missions du régisseur est celle, telle qu’énoncée en juin 1984 par le Code of Ethics for Registrars du Registrars Committee, remise à jour dans le code d’éthique des régisseurs, avec une pratique volontiers tournée vers la logistique9. 8 Il est intéressant de noter qu’au moment où les registrars américains se dotent d’un code déontologique, dans une période caractérisée par la montée en puissance de la normalisation (standardization), émerge au début des années 1980 un modèle européen de régisseur, d’abord anglais puis français. 9 En France, l’enjeu porté par le métier du régisseur d’œuvres est tout autre, dans un contexte où domine historiquement dans le monde des musées la figure tutélaire du conservateur, responsable en titre notamment de l’inventaire des collections10. 10 On retiendra ici la formation des premiers services et postes de régisseur, souvent portés par une vision volontiers moderniste de leurs chefs d’établissements : musées et établissements nationaux d’abord (Centre Pompidou dès 1977, puis musée d’Orsay, musée du Louvre, musée des Arts décoratifs, musée Guimet), puis dans les musées territoriaux (musée d’Art moderne de la Ville de Paris, musées de Grenoble, Saint-Étienne, Lille, Toulouse, Strasbourg, Marseille…), dans les collections publiques comme les Fonds régionaux d’art contemporain (FRAC), la Réunion des musées nationaux (RMN), les centres d’art (Le magasin à Grenoble) et les lieux de diffusion de l’art en France, publics Régisseur d’œuvres : enjeux d’un métier émergent et perspectives de professio... In Situ, 30 | 2016 2 comme privés (galerie nationale du Jeu de paume, Fondation Cartier, Fondation Yves Saint Laurent Pierre Bergé, Fondation Louis Vuitton plus récemment…). 11 La professionnalisation des premiers régisseurs français sera néanmoins largement stimulée par le contexte des années 1990/2000 : mondialisation des prêts d’œuvres11, multiplication doublée d’une complexification des expositions temporaires12, intérêt de plus en plus fort porté au patrimoine allant de pair avec un souci accru de sa conservation matérielle (Grands Chantiers, phénomène de « muséomania »), logique de « marque » (centre Pompidou-Metz, projet du Louvre-Lens…) et de « mise en marché » des musées selon la formulation de François Mairesse13 et enfin, définition de nouvelles méthodes de travail afin de mieux maîtriser délais, coûts et risques liés aux mouvements d’œuvres. 12 Dans ce contexte, les services de « régie des œuvres » ou de « gestion des collections » se structurent de mieux en mieux, stimulés à la fois par la mise en adéquation des moyens techniques (informatique notamment) et le dynamisme des activités liées aux flux d’objets : prêts, accrochages des collections permanentes, restaurations, gestion de réserves externalisées, expositions, démarches de normalisation14, etc. 13 Quinze ans plus tard, le constat peut être fait que le cœur des missions du régisseur n’a pas changé. Ses trois grandes missions, définies au début des années 2000 par l’Observatoire des métiers, restent d’actualité : 14 - la planification et la gestion des opérations liées aux mouvements d’œuvres sur le plan technique, administratif et financier, 15 - l’encadrement et la mise en place, le montage et le démontage des expositions dont il a la responsabilité technique, 16 - l’évaluation des risques liés aux mouvements d’œuvres par l’application des prescriptions de conservation préventive en veillant au respect des conditions de sécurité dans le cadre des expositions qu’il met en œuvre ou des collections qu’il gère. 17 Le référentiel de l’ICTOP, Comité international chargé des professions des musées au sein de l’ICOM, émis en 2008 a, par ailleurs, récemment confirmé ce cadre de mission des régisseurs d’œuvres sur le plan européen15. 18 Le régisseur peut être ainsi considéré comme un « logisticien-préventeur », qui anticipe, prépare, contrôle et gère le flux des objets, un gestionnaire du risque appliqué aux mouvements d’œuvres. 19 Dans le contexte de son exercice, le régisseur communique alors avec l’intégralité de la « famille muséale16 » : directeurs, conservateurs, commissaires d’exposition, collectionneurs et mécènes, architectes, scénographes, documentalistes, restaurateurs, photographes, installateurs, marbriers, emballeurs, transporteurs, socleurs et monteurs d’œuvres d’art, encadreurs, courtiers et assureurs, équipes techniques (électriciens, plombiers, chauffagistes…), agents d’accueil et de surveillance, agents de maintenance (entretien, sûreté, sécurité), agents et forces de sécurité, douaniers… Inutile de préciser que la fonction exige donc une certaine capacité à communiquer, à gérer et à uploads/s3/ insitu-13705.pdf

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