LA REVUE DES MUSÉES DE FRANCE REVUE DU LOUVRE 2016 – no 3 Les peintures de Jean

LA REVUE DES MUSÉES DE FRANCE REVUE DU LOUVRE 2016 – no 3 Les peintures de Jean Raoux au musée Fabre de Montpellier 82 RDMF 2016 • 3 ÉTUDES HISTOIRE DES COLLECTIONS L’exposition Les arts anciens de l’Amérique, qui s’est tenue en 1928 au musée des Arts décoratifs, a permis au public de l’époque d’admirer mille deux cents objets représentatifs de l’art précolombien avant la conquête espagnole. La reconnaissance artistique et esthétique de ces œuvres s’accompagne aujourd’hui d’un nouvel outil d’identification, les portfolios de photographies offerts en 2006 au musée du quai Branly par Pierre Langlois. Ce corpus permet la reconstitution visuelle des objets présentés, ainsi que la mise en perspective de l’histoire des collections précolombiennes. Les objets de l’exposition Les arts anciens de l’Amérique, 1928 : de nouvelles sources iconographiques et documentaires par Carine Peltier-Caroff et Claudia de Sevilla D es portfolios de photographies offerts au musée du quai Branly- Jacques Chirac ouvrent des perspectives sur la connaissance des objets présentés en 1928 dans l’exposition Les arts anciens de l’Amérique. Cet ensemble inédit apporte une nouvelle source visuelle d’identification pour certaines de ces pièces et, associé à d’autres sources archivistiques, permet de retracer leur parcours. L’exposition consacrée aux arts anciens de l’Amérique, qui s’est tenue de mai à juin 1928 au musée des Arts décoratifs, dans le Palais du Louvre (fig. 1, 2 et 3), a été relatée de nombreuses fois, tant elle est fondamentale dans l’histoire de l’américanisme1 et des institutions françaises du début du XXe siècle. De nombreuses publications présentent l’événement, son organisation, et analysent le contexte historique, tels les travaux de Christine Laurière2, concernant Paul Rivet, ceux de Nina Gorgus3 concernant Georges Henri Rivière, et, plus récemment, le mémoire d’étude de Camille Faucourt4, qui démontre la continuité de l’intérêt pour la première grande exposition d’art précolombien en France. Le sujet de cette étude s’attache à une nouvelle source iconographique, qui, conjointement avec des sources archivistiques, permet d’identifier pour la première fois la plupart des objets présentés à cette occasion. Il s’agit des portfolios de photographies qui avaient précédemment appartenu au collectionneur et marchand d’art Charles Vignier et ont été offerts par Pierre Langlois (1927-2016) au musée du quai Branly en 2006. Composé de plusieurs ensembles distincts, la partie principale de ce corpus concerne précisément cette exposition. HISTOIRE DES COLLECTIONS 83 RDMF 2016 • 3 ÉTUDES HISTOIRE DES COLLECTIONS 1. Anonyme. Vue d’une salle Mexique de l’exposition. Tirage sur papier baryté. Mai-juin 1928. Paris. Musée du quai Branly. Inv. MQB PP0001288. 2. Anonyme. Le Président de la République Gaston Doumergue inaugurant l’exposition. Tirage sur papier baryté. 12 mai 1928. Paris. Musée du quai Branly. Inv. MQB PP0001289. Le reflet de sa main semble s’échapper du crâne de cristal. 84 RDMF 2016 • 3 ÉTUDES HISTOIRE DES COLLECTIONS En 1927, Georges Henri Rivière (1897-1985), qui collabore notamment à la revue Cahiers d’art5, visite les collections précolombiennes du musée d’Ethnographie du Trocadéro dans la perspective de rédiger un nouvel article. Impressionné par des objets qui pourtant étaient souvent déconsidérés, il décide de préparer une exposition pour les faire connaître à un plus large public et leur offrir une reconnaissance artistique et esthétique. Il s’entoure de Georges Bataille (1897-1962), alors conservateur au Cabinet des médailles de la Bibliothèque nationale, et d’Alfred Métraux (1902-1963), jeune ethnologue américaniste. Grâce à son réseau déjà étendu, l’exposition lui permet de rencontrer Paul Rivet (1876-1958), directeur du musée d’Ethnographie du Trocadéro, marquant le point de départ de « l’aventure du Trocadéro et la naissance du Musée de l’Homme »6 (1928-1938) dont ils révolutionneront ensemble les méthodes de travail sur les collections, le fonctionnement, l’image de l’institution et la vision des objets. Georges Henri Rivière commence ici sa carrière de muséographe. Il s’agit, à l’époque, de la première exposition à véritable teneur scientifique réunissant autant d’objets américains provenant de collections publiques et privées. Le catalogue7 publié à cette occasion reproduit seulement quinze8 photographies des mille deux cent quarante-six objets recensés9. À la suite d’une introduction de Raoul d’Harcourt (1879-1971) et d’un texte intitulé Les Civilisations des Indiens d’Amérique, la liste principale présente neuf cent quatre-vingt-onze pièces, avec la mention de leurs prêteurs – essentiellement le musée d’Ethnographie du Trocadéro et diverses collections publiques et privées –, classées selon leur origine géographique et leurs matériaux10, suivant le parcours de l’exposition. Celle-ci ayant été préparée en quatre mois seulement, les objets provenant des collections particulières et de l’étranger sont arrivés tardivement. Deux suppléments complètent cette première partie, en présentant les objets selon l’origine des collections, privées ou publiques. Le catalogue s’achève par la liste des prêteurs de moulages, de photographies11, de relevés et de reproductions de manuscrits, également exposés, sans autre précision. Ainsi, la sélection des objets, bien que répertoriés avec le plus grand soin par Georges Henri Rivière et Alfred Métraux dans cette publication, demeurait méconnue, les descriptions sommaires comme « céramique », « masque en pierre », ne permettant pas d’identifier les pièces facilement. Les portfolios de Charles Vignier Charles Vignier (1863-1934) devient marchand d’art à la fin du XIXe siècle. Poète, il côtoie les artistes d’avant-garde de l’époque. En 1913, il organise aux galeries Levesque & Co, à Paris, l’exposition Collections de M. Charles Vignier consistant en sculptures, peintures et objets d’arts anciens de 3. Anonyme. Le Président de la République Gaston Doumergue lors de l’inauguration de l’exposition observe une vitrine d’orfèvreries, accompagné d’Édouard Herriot, ministre de l’Instruction publique et des Beaux-arts. Tirage sur papier baryté. 12 mai 1928. Paris. Musée du quai Branly. Inv. MQB PP0001290. 85 RDMF 2016 • 3 ÉTUDES HISTOIRE DES COLLECTIONS l’Asie ainsi qu’en quelques pièces d’art égyptien, d’art nègre et d’art aztèque12. Il s’agit de l’une des premières expositions mêlant autant d’objets en faveur de la reconnaissance des arts extra-européens. Entre 1925 et 1927, Georges Henri Rivière rédige le catalogue de sa bibliothèque archéologique. En 1930, Vignier se charge notamment de la vente de la succession des objets islamiques et d’Extrême-Orient du couturier Jacques Doucet. Spécialisé dans les arts extrême-orientaux et islamiques, il participe à plusieurs expositions au musée des Arts décoratifs et à l’Union centrale, et publie dans de nombreuses revues. En 1936, sa collection personnelle est dispersée en vente publique13. Le corpus de photographies offert par Pierre Langlois se compose d’une série de planches, organisées en deux portfolios14, numérotées, sur lesquelles sont collés des tirages sur papier baryté représentant des objets. Une mention manuscrite à l’encre noire, portée sur chacune des images, précise pour chaque objet, un numéro, un lieu, un nom d’institution ou de collection (fig. 4). Quelque deux cent quatre objets exposés en 1928 sont ainsi photographiés, identifiés par le numéro du catalogue de l’exposition, leur origine géographique et leur provenance – collections privées, musées français ou étrangers. Ils se présentent selon l’ordre de la muséographie de l’exposition. Le premier portfolio comprend cent vingt-quatre photographies d’objets numérotés de 1 à 249, sur soixante-quatre planches. Les trois premiers objets, issus de la collection Vignier, viennent de l’Alaska ; la suite est uniquement dédiée au Mexique, avec des objets provenant de diverses collections et institutions, Musée du Trocadéro, Collections Vignier, Haviland, A. Stoclet, Capitan, David-Weill, Alphonse Kann, etc. Le second portfolio comprend soixante-dix-huit photographies d’objets numérotés de 254 à la fin. Les pays d’origine des objets sont le Mexique, El Salvador, le Costa Rica, les Antilles (Porto Rico et Haïti), le Venezuela, la Colombie, l’Équateur, le Pérou, le Brésil, le Honduras et le Panama. Certains éléments, notamment à la fin du second portfolio, laissent penser que le travail de constitution de ce corpus a été laissé inachevé : la présence d’une série de vingt tirages non encore montés portant notes et numéros au verso ; des planches numérotées (71, 120, 121, 122), encore vierges, comme en attente de leurs images. Une seconde série de photographies d’objets, provenant uniquement du musée d’Ethnographie du Trocadéro, accompagne ce premier ensemble. Organisée différemment, en suivant les numéros d’inventaire (de 0 à 6000, puis de 6000 à etc.), elle constitue un semblant de catalogue, incomplet, des collections américaines du musée d’Ethnographie du Trocadéro, en 1928, au moment de l’arrivée de Paul Rivet à la direction de l’établissement. Ces portfolios semblent donc être des documents de travail des organisateurs de l’exposition. Ils constituent une documentation visuelle, qui facilite le choix des objets et les rapprochements typologiques ou esthétiques, sorte de maquette constituée par une collecte de tirages photographiques auprès des prêteurs. Des éléments viennent appuyer cette hypothèse : pour les images mêlant dessins et photographies, on peut supposer que les photographies des objets n’étaient pas encore réceptionnées et que des croquis ont été réalisés à la place. Quatorze tirages volants portent la mention « non retenu » à la fin du corpus, et l’objet de la planche PL. CXX provenant du Panama ne fait finalement pas partie des objets exposés et n’apparaît pas au catalogue de l’exposition. Les portfolios ne sont pas datés précisément, mais nous pouvons donc supposer que les photographies ont été collectées et ordonnées peu avant l’exposition, au début de l’année 1928, dans la hâte des préparatifs. Si la plupart uploads/s3/ les-objets-de-lexposition-les-arts-anci.pdf

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