Chapitre 5 Les (premiers) grands principes de la physique quantique Contraireme

Chapitre 5 Les (premiers) grands principes de la physique quantique Contrairement à la mécanique classique et aux théories de la relativité restreinte et générale, la physique quantique ne découle pas d’un unique « principe », qui serait motivé par une analyse quasi- philosophique de la Nature. La physique quantique s’appuie en effet sur « plusieurs » grands principes, appelés postulats, qui sont dérivés pour la plupart de façon empirique et dont la validité repose uni- quement sur leur accord avec les résultats expérimentaux. Ce sont ces « règles du jeu quantique » que l’on expose dans ce chapitre. La métaphore culinaire est parlante : tant les ingrédients (espace des états, notation de Dirac, opérateurs) que les recettes (protocole d’une mesure quantique, loi d’évolution) et les résultats de cuisson (ECOC, Ehrenfest, relations d’Heisenberg) sont à maîtriser parfaitement. On notera également le terme entre parenthèses dans le titre de ce chapitre : les principes/postulats quantiques exposés ici ne sont que les premiers d’une liste beaucoup plus longue. Si on en verra d’autres au cours de cette UE (produit tensoriel d’états et notion de spin en particulier), certains ne seront traités pleinement que dans des UE ultérieures (principe de Pauli et théorème spin-statistique, notion de matrice densité et d’opérateurs POVM, théorie générale du moment cinétique quantique, autres grandeurs typiquement quantiques comme la saveur, la couleur, la beauté, le charme...). 5.1 Espace des états, kets, bras Comme on l’a vu en détails au chapitre précédent, la mécanique quantique exprimée en termes de fonction d’onde permet de décrire avec succès les problèmes impliquant les états de diffusion et les états liés pour un potentiel V (x) quelconque. Cependant, le concept de fonction d’onde ne permet pas de décrire (complètement) certaines propriétés et effets quantiques, comme les degrés de liberté internes par exemple (tel que le spin). Il est par conséquent indispensable d’avoir une formulation plus générale de la physique quantique, applicable à toutes les situations. 5.1.1 Espace des états quantiques : vecteurs d’état, kets Que ce soit pour le cas du puits de potentiel carré infini ou celui de l’oscillateur harmonique, on a vu que l’ensemble des états stationnaires {ϕn (x)} formait une base hilbertienne de l’espace de toutes les fonctions d’onde solutions ∀ψ, ∃cn ∈C, ψ (x) = ∞ X n=0 cnϕn(x) où les coefficients cn sont a priori complexes. On peut montrer que c’est très général : pour chaque type de potentiel V (x), les états stationnaires, c’est-à-dire les fonctions d’onde propres de l’opérateur ˆ H, forment une base orthonormée de l’espace des états du système physique 1 1. Bien évidemment, ces états stationnaires sont différents pour chaque type de potentiel, et ceux valables pour le puits carré infini ne sont pas valables pour ceux de l’oscillateur harmonique ou ceux du double puits fini ! 1 Chapitre 5 – Les (premiers) grands principes de la physique quantique Type de potentiel V (x) : − → Forme des états stationnaires : oscillateur harmonique − →polynômes de Hermite puits carré fini sur [a, b] − →série de Fourier (ou polynômes de Legendre) potentiel central en 1/r (à 3D) − →harmoniques sphériques Y m l (θ, ϕ) ... − →... À chaque fois, la donnée de l’ensemble des composantes {cn} sur la base {ϕn (x)} permet de reconstruire complètement la fonction d’onde ψ (x). Cet ensemble de coefficients est dénombrable (repérable par un indice entier) et sa taille peut être infinie (puits carré infini, oscillateur harmonique) ou finie (états liés du puits carré fini ou du double puits par exemple). Dans le cas des états de spin 1/2 que l’on verra plus tard, l’espace des états est de dimension 2 et seuls deux coefficients complexes seront donc nécessaires pour décrire complètement l’état quantique de spin d’une particule. On a également déjà vu le cas d’un ensemble « infini continu » de composantes pour décrire l’état quantique d’un système. En effet, grâce à la transformée de Fourier, on peut exprimer toute fonction d’onde sous la forme d’une somme continue (c’est-à-dire une intégrale) de coefficients e ψ (p) ∈C ψ (x) = 1 √ 2πℏ Z +∞ −∞ e ψ (p) eipx/ℏdp où e ψ (p) est la transformée de Fourier de ψ (x). Chaque valeur de e ψ (p) est alors la composante de ψ (x) selon l’onde plane eipx/ℏ/ √ 2πℏ, l’ensemble des ondes planes n ϕp (x) = eipx/ℏ/ √ 2πℏ o formant une base « orthonormée au sens de Dirac » de l’espace des fonctions d’onde ⟨ϕp ϕp′ = δ p −p′ De même, à l’aide de la distribution de Dirac, on peut réécrire toute fonction d’onde ψ (x) sous la forme ψ (x) = Z +∞ −∞ ψ x′ δ x −x′ dx′ montrant que ψ (x′) est en fait la composante de ψ (x) selon la fonction de base δ (x −x′), l’ensemble des distributions {δx′ (x) = δ (x −x′)} formant lui-aussi une base « orthonormée au sens de Dirac » de l’espace des fonctions d’onde ⟨δx′ |δx′′⟩= δ x′ −x′′ Comme on l’a déjà souligné, les deux « bases » n ϕp (x) = eipx/ℏ/ √ 2πℏ o et {δx′ (x) = δ (x −x′)} précédentes ne sont en fait pas constituées de fonctions d’onde, puisque chaque fonction de base n’est pas de carré sommable comme doit l’être toute fonction d’onde (cf. l’interprétation de Born et la condition mathématique sur l’intégrabilité du module au carré). Cependant, en en prenant une somme infinie (continue), elles peuvent être utilisées pour exprimer toute vraie fonction d’onde et font, de ce fait, partie des bases autorisées pour représenter les éléments de l’espace de Hilbert des fonctions d’onde. Il existe donc finalement plusieurs façons équivalentes de décrire « complètement » l’état quantique d’un système physique : {cn}, ψ (x), e ψ (p)... Dans différentes « bases » de l’espace des états : bases hilbertiennes de taille finie ou infinie, bases continues de distributions. Exactement comme lorsque l’on exprime un vecteur usuel à l’aide de ses composantes dans une base : à chaque base choisie, corres- pondent des composantes différentes, mais quelle que soit la base choisie ces composantes décrivent complètement le vecteur. On parle dans ce cas de « représentations » équivalentes dans des bases différentes. Le point commun de ces différentes représentations est la notion d’espace de Hilbert : espace de Hilbert des fonctions de carré sommable pour ψ (x), espace de Hilbert des transformées de Fourier Auteur : Charles Antoine, charles.antoine@sorbonne-universite.fr 2 Chapitre 5 – Les (premiers) grands principes de la physique quantique associées e ψ (p), espace de Hilbert des états de spin... Cet espace mathématique de Hilbert est très souvent noté E. Mais qu’est-ce qui est représenté ? Un vecteur ? Oui et non. Oui, mais pas n’importe quel type de vecteur : c’est un vecteur d’état, aussi appelé « ket », et noté |ψ⟩. Attention, un ket est en fait bien plus qu’un simple vecteur : c’est un « vecteur défini à un nombre complexe de module un près ». Cela signifie que |ψ⟩et eiα |ψ⟩, avec α ∈R, sont complètement équivalents |ψ⟩ ⇐ ⇒ eiα |ψ⟩, avec α ∈R et donc indiscernables du point de vue de n’importe quelle mesure. L’ensemble infini continu de vecteurs du type  eiα |ψ⟩ , où α est un nombre réel quelconque, décrit donc le « même » état physique, et c’est cet ensemble de vecteurs équivalents que l’on sous-entend en parlant de vecteur d’état ou de ket 2. Le premier principe/postulat de la mécanique quantique est : Postulat No 1 : L’état quantique d’un système physique isolé est représenté par un vecteur d’état |ψ⟩appartenant à un espace de Hilbert (complexe, de dimension finie ou infinie) appelé espace des états et souvent noté E. Remarque : si le système physique étudié n’est plus « isolé » de l’environnement extérieur, il est nécessaire de généraliser l’approche précédente et d’avoir recours à la notion de « matrice densité ». Par exemple, il existe de nombreuses situations (mélange d’états dû à l’agitation thermique par exemple) où l’on ne peut pas décrire un système par un vecteur d’état bien défini. 5.1.2 Espace des bras et produit scalaire Un « bra » ⟨ψ| est une forme linéaire sur E, c’est-à-dire une application qui à tout ket |φ⟩de E associe un nombre complexe noté ⟨ψ |φ⟩: ⟨ψ| :E − →C |φ⟩7− →⟨ψ |φ⟩ Comme pour les fonctions d’onde, on peut voir l’application ⟨ψ| comme un vecteur d’un espace vectoriel particulier : l’espace dual de E, noté E∗. En fait, le théorème suivant Théorème de Riesz : « À tout ket |ψ⟩, on peut associer un unique bra ⟨ψ|, et inversement.» permet de simplifier la manipulation des bras. En effet, tout se passe comme si E et E∗correspondaient au même espace de Hilbert (comme pour un vecteur usuel, représenté sous forme d’une matrice colonne, et son transposé, représenté sous forme d’une matrice ligne). Le nombre complexe ⟨ψ |φ⟩est dénommé « braket » et est égal au produit scalaire du ket |φ⟩ par le ket |ψ⟩: ⟨ψ |φ⟩= ⟨ψ| . |φ⟩ uploads/s3/ lu3py101-ch5-cours-chapitre-5-en-entier.pdf

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