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HAL Id: halshs-00488781 https://shs.hal.science/halshs-00488781 Submitted on 2 Jun 2010 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. Action culturelle/action sociale : les limites d’une frontière Vincent Dubois To cite this version: Vincent Dubois. Action culturelle/action sociale : les limites d’une frontière. Revue française des affaires sociales, 1994, 2, p. 27-42. ￿halshs-00488781￿ 1 Action culturelle/action sociale : les limites d'une frontière Sur l'opération «Hip Hop Dixit-Graffiti Art» Vincent DUBOIS, CERIEP (Institut d'Etudes Politiques de Lyon), 1993 Mais pourquoi un musée des Beaux-Arts allait-il se compromettre dans ce qui semblait plus relever de l'animation socio-culturelle (réajustée) que de la noble monstration de l'Ancien ou du Nouveau ?1 La distinction du «culturel» et du «social» fait partie des principes de «vision-division du monde» généralement mobilisés2. Or les catégories dans lesquelles l'intervention publique est pensée et justifiée procèdent de ce type de distinctions -historiquement construites- que l'intervention publique contribue également à produire, à reproduire et à transformer. Il est en effet des «politiques» et des institutions «sociales» ou «culturelles» qui définissent comme «sociales» ou «culturelles» les pratiques et les objets qui en relèvent, et par là concourrent à leur objectivation comme telles3. Pour mieux comprendre ce que l'action publique doit à ces formes politiques de classification4, et afin d'évaluer les effets de cette production taxinomique sur les représentations sociales, on se propose, en se situant aux marges des catégories préconstruites que sont l'action culturelle et l'action sociale, de restituer les échanges, les ajustements et les déplacements qui peuvent s'opèrer au cours d'une opération particulière. A partir de l'étude d'un cas posant en lui-même le problème de la distinction du «culturel» et du «social», on pourra ainsi mettre en question les limites de cette frontière : limites en tant que lignes de partage par lesquelles la séparation se réalise, mais surtout limites d'une frontière au sens où son franchissement incessant met en cause la validité même des catégorisations établies5. Le programme étudié a consisté en une vaste opération de valorisation de la «culture Hip Hop», articulée notamment autour de trois expositions : «Hip Hop Dixit, le mouv' au musée» à l'écomusée de Fresnes (8 juin-15 septembre 1991) et au musée des beaux-arts 1«Hip-Hop dixit ou les “négros” dans la “cité interdite”», Blanche Grinbaum-Salgas, Revue des conservateurs, septembre 1991. B. Grinbaum-Salgas est conservateur du musée Bossuet de Meaux. 2Sur les principes de vision-division du monde cf. BOURDIEU (P.), notamment «Espace social et genèse des classes», A.R.S.S., nº 52/53, juin, 1984, p 3-12 ; «Espace social et pouvoir symbolique», in Choses dites, Paris, Minuit, 1987. 3Pour une analyse des processus d'objectivation sociale, cf. LACROIX (B.), «Ordre politique, ordre social», in Traité de science politique, tome 1, Paris, PUF, 1984. Pour la manière dont ils s'articulent avec les constructions institutionnelles, cf. LACROIX (B.), LAGROYE (J.), (dir.), Le président de la République, Usages et genèses d'une institution, Paris, Presses de la Fondation Nationale des Sciences Politiques, 1992, 402 p. 4On fait référence ici au titre de l'article de DURKHEIM (E.) et MAUSS (M.), «De quelques formes primitives de classification», in M. Mauss, Oeuvres, Paris, Minuit (1° édition 1903), 1971, qui fonde pour partie la base théorique de notre travail. 5Sur le «découpage des frontières», cf. BACOT (P.) & DUJARDIN (P.) (dir. ), Sociologie du découpage et de ses usages politiques, Lyon, Travaux du CERIEP, 1993, 168 p. 2 Bossuet de Meaux (18 juin-23 septembre 1991) puis «Graffiti Art : artistes américains et français, 1981-1991», au Musée National des Monuments Français (Paris, 6 décembre 1991- 10 février 1992). Cette opération trouve son origine dans une série d'initiatives prises à partir de 1989 par le département des publics et de la diffusion culturelle de la Direction des musées de France, destinées à favoriser l'«accueil des jeunes de banlieue au musée». Il est alors question d'une action culturelle destinée à valoriser «la culture des jeunes immigrés». La réalisation du projet est confiée à l'association Acte II, au sein de laquelle un ethnologue et un historien d'art, relayés par les différents partenaires concernés, retracent «les origines du mouvement Hip-Hop», organisent des «ateliers» dans les musées et préparent les expositions. La réalisation du projet est l'occasion de «l'implication d'une centaine de jeunes des banlieues» dont douze ont bénéficié d'un Contrat Emploi Solidarité et d'une «formation individualisée sur les métiers de la culture». Les partenaires mobilisés, nombreux, proviennent tant du «culturel» que du «social»1. L'existence d'une telle opération doit tant à l'état du champ artistique qu'à la manière dont les «problèmes sociaux» sont socialement construits. On verra tout d'abord que le va et vient du «social» au «culturel» qui rend ce projet possible le marque aussi du sceau de l'ambivalence. Ambivalence qui se retrouve ensuite dans les différentes modalités de construction du projet, qui entraînent l'ajustement des finalités de l'action culturelle à la vocation «sociale» du programme. Enfin, l'analyse des modalités de réception des expositions, qui fournissent un bon indicateur de leur efficacité symbolique, permettra de montrer qu'un projet culturel peut parfois produire des effets sociaux inverses à ceux escomptés2. Du «social» au «culturel» ? La présentation dans un musée -lieu par excellence de la consécration culturelle- de ce qui est souvent considéré comme un «symptôme» du «malaise social» plus que comme une forme particulière d'expression plastique paraît de prime abord surprenante. Pour comprendre comment une telle opération a pu être pensable et possible, il faut rappeler qu'elle s'inscrit dans un état particulier du champ artistique mais aussi dans une certaine «conjoncture sociale». A ces deux niveaux, également importants pour comprendre la conception de ces expositions, correspondent deux types de légitimité concurrents. Celui qui, produit par et pour le champ artistique s'impose à tous ceux qui prétendent y intervenir ne se superpose en effet que rarement à la dimension «sociale» que se doit d'afficher une action publique. On est dès lors amené à poser la question des conditions de passage du «social» -les pratiques dominées 1Interviennent les ministère de la Culture et de la Communication (Direction des musées de France, Réunion des musées nationaux, Délégation au développement et aux formations, DRAC Ilde-de-France); de la Solidarité et de l'Intégration (Direction des populations et migrations); et du Travail, de l'Emploi et de la formation professionnelle (Délégation à l'insertion des jeunes). Participent également le Fonds d'Action Sociale pour les Travailleurs Immigrés et leurs Familles (FAS), la Caisse des Dépôts et Consignations, l'ADAGP, la BDIC (musée d'Histoire contemporaine), les Conseils généraux de Seine-et-Marne et du Val-de-Marne, la Direction Départementale du Travail et de l'Emploi de Seine-et-Marne, les Villes de Fresnes et de Meaux. 2Ce travail repose sur le dépouillement des sources fournies par les protagonistes de l'opération «Hip Hop Dixit» : documents préparatoires, catalogues, bilans et dossiers de presse. Merci à Huguette Bouzonnie, Evelyne Lehalle et Didier Schwelchen de m'avoir aidé à constituer ce corpus. Ses résultats ont fait l'objet d'une première présentation succincte axée sur le problème de la légitimation artistique dans notre article «Tags, musée et légitimation culturelle», Raison Présente, nº 107, 1993. 3 que représentent les graffitis- au «culturel» -leur intégration dans le champ artistique- mais aussi du «culturel» -les expositions- au «social» -l'objectif d'intégration sociale qui les justifie. Les conditions de l'acceptabilité artistique L'organisation d'une exposition à vocation «artistique» suppose que soient réunies les conditions minimales d'acceptibilité artistique des objets présentés. Il faut autrement dit que ceux-ci soient susceptibles d'être reconnus comme œuvres d'art par un ensemble d'agents ayant autorité pour leur accorder ce statut. Plus qu'il n'y paraît, cette première condition est en partie remplie dans le cas des graffitis. Tout d'abord, dans un «monde de l'art» largement international, l'existence de précédents à l'étranger offre une forme de garantie qui limite à la fois l'innovation et la prise de risque. Ainsi, le catalogue de l'exposition du Musée des Monuments Français mentionne-t- il les expériences néerlandaise, allemande et américaine en matière d'exposition de graffitis1. Dès la fin des années 1970, les galeries d'avant-garde de New York présentent des fresques murales réalisées par des «graffiti artists»2. Des expositions de graffitis américains sont organisées dans les galeries néerlandaises dès le début des années 1980. Les conservateurs de musée en achètent et une rétrospective du graffiti new yorkais est présentée au musée Boymans-van Beuningen de Rotterdam. De la même manière, des tournées d’expositions de graffitis sont organisées au cours de la décennie 1980 dans les musées allemands. Aux Etats- Unis, les galeries privées restent longtemps les seules à présenter ce type de production, et ce n'est qu'en juin 1991 qu'est organisée la première exposition officielle de graffitis dans un musée de Washington. Organiser une exposition de graffitis, c'est donc à première vue suivre une certaine actualité artistique internationale. Plus, comme en témoignent les polémiques apparues aux uploads/s3/ tags-rfas.pdf

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