Dakar interface Odile BLIN 1- Le monde de l’art comme emblème de la société dak
Dakar interface Odile BLIN 1- Le monde de l’art comme emblème de la société dakaroise La ville de Dakar et ses acteurs culturels étonnent par la richesse et le déploiement des contrastes, l’intensité, le cosmopolitisme, l’internationalisation et l’informalité des échanges. Dans un premier temps, un à-priori méthodologique consistera à tenter de se défaire des préjugés inhérents au thème de l’étude qui porte sur l’usage des TIC dans le monde artistique et culturel dakarois. Ainsi, la pensée en termes de rapports Nord-Sud, des échanges culturels autant qu’économiques qui tissent les relations entre Dakar, l’Europe et le reste de la planète ne permet pas de rendre compte subtilement des enjeux du développement de l’art numérique dans ce pays…En effet, qu’il s’agisse des relations entre Dakar et l’ensemble de l’Afrique de l’Ouest, de la diaspora sénégalaise, ou de l’Afrique dans sa totalité, enfin de Dakar au sein de la francophonie ou bien encore du Sénégal face à la banque mondiale, à l’OMC, ou de la place de l’art africain contemporain sur la scène internationale, la bi-polarisation conceptuelle des échanges entre l’occident et les pays en voie de développement aplatit les différences transversales et homogénéise le divers. Le premier enjeu de l’étude vise donc à rendre compte d’une tentative, celle de saisir les enjeux du développement de l’art numérique et du réseau à Dakar, ainsi que de la médiation culturelle virtuelle, à partir des pratiques observées et des discours des acteurs. 50 personnes ont été rencontrées au Sénégal : artistes, responsables politiques et culturels, dans différents secteurs, arts plastiques mais aussi musique et théâtre, membres d’ONG , d’associations culturelles ou d’institutions de la francophonie, critiques d’arts, galeristes, collectionneurs, universitaires, journalistes, en janvier et février 2003. La biennale de Dak’art, qui présente l’actualité de l’art africain contemporain sur la scène internationale, a été le point de départ de l’étude qui, ensuite, s’est élargie à l’ensemble de la scène artistique et culturelle. Focaliser l’approche sur le « monde de l’art » et ses acteurs, pour reprendre l’expression d’Howard Becker, permet précisément de saisir un micro monde en résonance avec l’ensemble des autres mondes sociaux dans une société donnée. Le second enjeu de cette étude, proprement sociologique, vise à démontrer comment le monde de l’art constitue un emblème culturel dont les interactions reflètent les synergies propres à une société donnée. Economies informelles et institutionnalisation, conflits culturels entre nationalismes et internationalisme ou volonté d’universalité des formes symboliques, enjeux linguistiques et enjeux politiques ressurgissent avec force dans les interactions propres au monde de l’art, dont l’un des derniers épisodes est donné par les rencontres de l’association internationale de la critique d’art à Dakar en juin 2003, (AICA), lieu à la foi de dialogues, de rencontres mais aussi d’incompréhensions diverses entre les acteurs occidentaux et africains. 2-La rupture épistémologique 1 L’usage du réseau comme mode de communication a précédé dans le secteur des arts plastiques au Sénégal l’usage des logiciels d’infographie dans le domaine artistique. Ainsi le numérique sert-il d’abord à communiquer et à s’informer, non à produire des images. Cette chronologie inversée, si on la compare à l’histoire occidentale de l’appropriation des technologies numériques au Sénégal, montre à la fois comment toute tentative de comparaison avec le monde de l’art européen risque de méconnaître les processus en cours, instaure également un rapport à l’esthétique du numérique tout à fait singulier et propre à cette partie du monde. Quelques questions de départ peuvent s ‘énoncer ainsi : Si, comme l’artiste sénégalais Viye Diba le suggère, le réseau et le numérique consistent en un code, un langage et en des opérations cognitives que la société sénégalaise produit autrement, si, comme le considère Iba NdiAye Djadji1, l’art n’est pas africain ou occidental mais universel, qu’en est-il d’un art numérique africain contemporain et d’ailleurs, la question est-elle pertinente ? Existe-t-il, en effet, un déterminisme technologique sur les cultures, et dans quelles conditions celui ci est-il ou non la face cachée d’une détermination économique ? La pensée de ces questions en termes de rapports Nord/Sud et de fracture numérique permet- elle de rendre compte du contexte de la création artistique et culturelle à Dakar? La technologie numérique doit–elle envahir toutes les esthétiques et servir de mesure à l’avancement de la production culturelle d’un pays ? Enfin, comment l’observation de l’art sénégalais contemporain peut-elle éclairer sous un jour différent la scène artistique internationale ? Autant de questions qui nous serviront au moins de point de départ pour formuler autrement le débat. Nord et Sud ? Les notions communes envisagent les rapports inhérents à ces problèmes en termes de fracture numérique et de rapports Nord-Sud, problématique centrale de ces rencontres. Il serait nécessaire également, dans un premier temps, de définir les termes utilisés : qu’ entend-on par « art africain contemporain », « art numérique »2, enfin d’éclairer les enjeux propres à ce questionnement et de dire en quoi il est pertinent, pour saisir l’impact et le poids des nouvelles technologies de la communication à Dakar, de s’intéresser au secteur des arts plastiques et à la biennale de Dakar. Ces définitions ne seront pas données ici car le temps de cette communication ne le permet pas. On renverra en revanche à une publication à venir, résultat de la recherche menée depuis Février 2003 sur le développement des TIC dans le secteur culturel et l’espace francophone à partir de l’exemple de Dakar. L’enjeu théorique de cette approche consiste aussi à saisir comment le point focal dakarois permettra d’indiquer précisément la possible place du Sénégal sur la scène artistique internationale. La rupture épistémologique consiste donc pour le sociologue à oublier ses lectures et à déconstruire les préjugés du sens commun médiatique pour aborder convenablement son objet. Il risque sinon d’évaluer le situation en termes de manques, de retard technologique, 1 Ndiaye Diadji Iba, L’impossible art africain, Dëkkando, Dakar-Fan, 2002 2 voir à ce propos les deux publications de Blin Odile citées dans la bibliographie finale 2 victime à la fois de l’idéologie du progrès comme de celle de la lutte sans merci entre le Nord et le Sud, qui sombre à chaque discours militant dans un manichéisme outrancier, ou de tomber dans un misérabilisme fatal décrivant l’art Sénégalais en creux, par ses lacunes au regard de l’histoire occidentale de l’art. Ainsi Edmond Couchot et Norbert Hillaire, notent- ils : « On ne s’étonnera pas si, dans cette liste, ne figurent pas l’Afrique ou les Indes. Nécessitant un haut niveau technologique et des soutiens publics ou privés, l’art numérique est un art, il faut le dire, de nantis. Mais on remarque que le développement des réseaux, associé à la relative accessibilité des artistes ou des étudiants au matériel multi-média est peut-être en train de changer la situation. Une artiste d’origine russe, vivant en France et qui se veut nomade, Olga Kisseleva, a mis sur pied un projet pilote, en partenariat avec l’Ecole nationale des arts de Dakar, invitant des artistes sénégalais à réfléchir, en réalisant des portraits virtuels, sur les changements induits par la banalisation des technologies de pointe dans tous les domaines de la société. » Mais les deux auteurs cités reconnaissent ensuite : « Toutefois, il faut aussi constater que ces activités se développent hors du champ de l’art contemporain, de ses réseaux de médiation, de ses publications, de sa critique, dans l’ignorance des historiens d’art et des esthéticiens. Certains signes, telle l’association du Guggenheim et de la fondation Langlois, inclinent à penser qu’un contact commence à s’établir entre ces deux mondes qui jusqu’à présent s’ignoraient. Dans quel dessein réel ? Conserver généreusement des œuvres fragiles ou les faire glisser peu à peu dans la sphère du marché international de l’art ? »3 Ainsi se pose encore la question de l’éventuelle acculturation de l’art africain aux normes internationales. Cet art a-t-il le choix entre s’adapter, imiter, ou peut-il faire évoluer les normes internationales vers une prise en compte de son propre monde et de ses propres normes esthétiques ? Malgré l’ensemble des discours bienveillants et à la mode sur le métissage, l’altérité, ou les arts premiers, reconnaissons combien la France, pour ne parler que d’elle, ignore largement ce qui se passe en Afrique, et plus particulièrement au Sénégal. Un rapport dissymétrique, en termes d’information opère. Si le monde de l’art sénégalais est à l’écoute, entre autres grâce au réseau, de l’actualité artistique française et internationale, l’inverse ne se vérifie pas. Et les expériences d’art numérique au Sénégal sont souvent connues à l’étranger seulement par l’intermédiaire d’un artiste français ou occidental dont on connaît le parcours et les œuvres et ayant initié un échange avec le Sénégal. On limitera donc notre approche à quelques éléments de description et de comparaison entre la France et le Sénégal, plutôt qu’entre « le Nord et le Sud » car l’histoire de l’art numérique n’est pas la même en France, au Canada ou en Allemagne pour ne parler que de pays dits occidentaux. . Mais on s’attachera d’abord, dans un premier temps, à poser un cadre théorique plus à même de rendre compte de la situation artistique dakaroise non pas comme la uploads/s3/ blin-odile-dakar-interface.pdf
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- Publié le Fev 12, 2021
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