Audioguides et musées Jean-Christophe Vilatte Laboratoire Culture & Communicati

Audioguides et musées Jean-Christophe Vilatte Laboratoire Culture & Communication Université d’Avignon Formation « Evaluation » 23 - 25 mai 2007 Castres 2 Aux côtés des visites guidées, des animations, et autres formes de médiation cherchant à jouer sur la dimension humaine de la relation, l’audioguide fait part partie de ces nouveaux supports de médiation qui sont proposés dans les musées et expositions afin de rendre le visiteur toujours plus autonome1. L’audioguide est devenu aujourd’hui d’un usage courant. Si l’audioguide peut être proposé comme une aide possible parmi un éventail d’aides, dans certains musées ou exposition il est devenu le principal outil de médiation, voir le seul. Pour certains professionnels des musées, l’audioguide est un substitut à la visite guidée, substitut économique, pour d’autres il remplace les cartels et les textes. Au départ, l’introduction de l’audioguide est liée à la question de l’accessibilité des publics étrangers. Il s’agissait de leur proposer une visite accompagnée dans leur langue, la fonction principale de l’audioguide étant alors de traduction. Il est devenu aujourd’hui un outil de médiation à part entière, à destination du grand public. L’audioguide peut aussi répondre au problème particulier des personnes handicapées visuelles ou malentendantes. Aucune enquête ne semble avoir été faite qui permettrait de savoir aujourd’hui combien de musée dispose de ce type de médiation. Il semble que l’utilisation des audioguides se fasse surtout dans les musées à forte fréquentation (Deshayes, 20022). Plus la fréquentation d’un musée est importante, plus on a de chance d’y trouver un audioguide, mais la réciproque n’est pas vraie, de « petits » musées peuvent faire le choix de ce système d’aide à la visite3. Les audioguides ont beaucoup évolué. Au départ, il s’agissait de guides sur cassettes audio, puis de casques infrarouges diffusant des canaux sonores dans des pièces, puis les audioguides sont devenus interactifs, enfin depuis quelques années existent des guides multimédias intégrant un écran et proposant non seulement du son mais aussi des images, des textes et des vidéos. 1. Un outil de médiation complexe L’audioguide est un dispositif portable qui dans sa forme classique ressemble plus ou moins à un téléphone portable que le visiteur emporte durant la visite et qui lui donne, à la demande, un commentaire dans sa langue. Comme le texte, l’audioguide est un outil d’aide à la visite qui a vocation d’aide à l’interprétation. 1 L’audioguide vient ainsi compléter d’autres types d’aides à la visite comme les guides ou petits dépliants papier remis au visiteur à l’entrée, les dispositifs signalétiques avec titre ou sous-titres assortis parfois de courts textes introductifs, la documentation sélective (fiches, feuillets ou « petit journal », audiovisuels et bornes multimédia…). 2 Deshayes, S. (2002). Les audioguides, outils de médiation dans les musées. Rapport d’étude commandité par le Département des Publics de la Direction des Musées de France. Décembre 2002. 3 Des prestataires de services ont développé des concepts « clé en main » qui comprennent de petites unités (entre 10 et 20 appareils) un logiciel compatible Pc pour la saisie du texte de l’audioguide. Formation « Evaluation » 23 - 25 mai 2007 Castres 3 Les critiques souvent relevées auprès des professionnels4 des musées concernant les audioguides sont : - les audioguides sont trop contraignants, une entrave à la liberté de visite, - une entrave à la liberté de penser et de ressentir, - la parole détournerait l’attention et le regard de l’œuvre, - manque de chaleur humaine, - son coût est élevé, - système fragile qui nécessite de remplacer régulièrement les postes, ce qui le rend plus onéreux, - insuffisance des audioguides disponibles lors de fortes affluences, - pour les audioguides avec casques, les visiteurs parlent fort car ils ne s’entendent pas parler. 2. Les représentations des visiteurs vis-à-vis de l’audioguide En France, deux chercheurs se sont particulièrement intéressés aux audioguides, il s’agit de Marie-Pierre Béra et de Sophie Deshayes. Leur approche est qualitative5 et l’on ne dispose guère à ce jour de données quantitatives, de tendances, sur les pratiques ou les usages des audioguides, sur les types d’utilisateurs. À partir d’entretiens, ces deux auteurs travaillent principalement sur les représentations qu’ont les visiteurs des audioguides, représentations qu’elles comparent aux représentations produites vis-à-vis des autres formes classiques de médiation (plus particulièrement la visite guidée). a) Une situation de visite singulière qui semble laisser une liberté de parcours et une autonomie du visiteur Les récits, que Sophie Deshayes recueille des visiteurs qui utilisent les audioguides, laissent entendre qu’une telle visite ne relève pas de la contrainte mais bien au contraire d’une certaine forme de liberté. C’est ainsi que les dispositifs avec numérotation6 ne semblent pas forcément contraindre le visiteur au strict respect de l’ordre chronologique. Pour Sophie Deshayes, rares sont les visiteurs qui déclarent suivre la numérotation de l’audioguide, en cherchant le numéro 1, puis le numéro 2, …. En fait la principale contrainte à la visite est liée à l’espace général du musée ou de l’exposition qui induit un parcours de visite, puis à l’espace de chaque salle et aux œuvres qui s’y trouvent. Dans une salle donnée, les visiteurs consultent les numéros repérés à proximité des cartels des œuvres devant lesquelles ils se trouvent, sans se soucier de respecter la chronologie de l’audioguide. S’arrêtant devant une œuvre, ils vérifient s’il y a ou 4 Ces critiques ont relevé auprès de conservateurs, commissaires d’exposition ou concepteurs de dispositifs muséographiques. 5 Dans les entretiens, il s’agit d’aborder avec les visiteurs les pratiques, les usages et les attentes. Cette démarche permet de mettre à jour des représentations et de les confronter à la réalité des usages effectifs. 6 Le principe est celui de séquences enregistrées correspondant à un numéro d’appel présent dans la salle, soit sur le mur, soit à proximité des œuvres (sur les cartels, ou à côté,etc.). Formation « Evaluation » 23 - 25 mai 2007 Castres 4 non un numéro et si c’est le cas, ils appuient sur le bouton d’écoute de l’audioguide. Le fait d’utiliser un audioguide va pour eux dans le sens contraire d’une visite à respecter, et comme une possibilité d’autonomie, le système apparaissant à leurs yeux comme fait pour favoriser une visite à se construire. Tout ne semble pas être écouté de manière systématique, certains visiteurs n’écoutent qu’en fonction de ce qui leur plait. Il y aurait donc une certaine autonomie du visiteur par rapport au contenu de l’audioguide. La liberté du choix des contenus et le respect du rythme de visite propre à chacun sont des opportunités fortement valorisées par les utilisateurs d’audioguide. Ils se plaisent à se sentir accompagnés, guidés, bien renseignés mais non pas contraints par une visite formatée imposant des arrêts obligés et un circuit prédéterminé. Pour Sophie Deshayes, le support «audioguide» épouse précisément une dimension propre à la pratique muséale « la mobilité ». L’audioguide est aussi mobile que le visiteur qui se déplace dans un musée ou un espace d’exposition. Dans leur étude sur les visiteurs Bernard Lefebvre et Hélène Lefebvre7 (1991) observent que certains visiteurs sont satisfaits du calme, du sentiment de solitude et même de la détente créés par l’écoute individuelle de l’audioguide. Malgré tout, la technologie est parfois capricieuse : les pépins, pannes et problèmes, existent. Il arrive d’abord que des visiteurs soient à ce point obnubilés par leur audioguide qui n’interagit pas correctement qu’ils en perdent le plaisir de la visite. C’est ce qu’observe Gérad Cobut et Eric Danon (1999)8 lors d’une exposition « Vivre ou survivre » au Muséeum de l’Institut royal des Sciences naturelle de Belgique. Dans la première salle de l’exposition, où aucune vidéo et aucun commentaire ne sont présentés : c’est un festival de « T’entends quelque chose, toi ? », « C’est sur quel bouton qu’il faut appuyer ? »... Alors que l’espace a été conçu pour que le visiteur s’y laisse emporter, s’en imprègne, vive en quelque sorte l’expérience de cette ville de l’avenir et de ses difficultés environnementales et sociales... l’audio apparaît ici comme un obstacle à la relation à l’exposition. Un certain refus de l’utilisation de l’audioguide est lié à des motivations de visite très particulières, c’est le cas de la visite de survol, effectuée comme une première reconnaissance ou pour s’imprégner des lieux et/ou de l’ambiance. Ces visiteurs évoquent le manque de temps et le fait que l’emploi d’un audioguide nécessite un minimum d’engagement dans l’écoute, un investissement plus important dans la visite. b) Audioguide une alternative à la visite guidée Sophie Deshayes constate que l’audioguide est perçu par le visiteur comme une alternative à la visite guidée, cette dernière apparaissant comme une visite contraignante et disqualifiante dans la mesure où elle situe le visiteur dans une logique de dépendance. 7 Lefebvre, B., Lefebvre, H. (1991). Le visiteur, le guide et l’éducation, Revue Canadienne de l’Education, 16:3, 331-337. 8 Cobut, G., Danon,E. (1999). Des premières technologies, pourquoi ? Rencontre francophones « NTIC et institutions muséales. Montréal 1999. Formation « Evaluation » 23 - 25 mai 2007 Castres 5 L’audioguide permet une visite individuelle qui épargne la visite en groupe (inscription préalable, heure fixe, problème de visibilité, rythme imposé, etc.). uploads/s3/ audioguides-et-muse-es.pdf

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