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Miyazaki, Nuances d'une oeuvre Direction Victor Lopez © 2012-2018 les moutons électriques Conception Mérédith Debaque Hayao Miyazaki est aujourd’hui le cinéaste d’animation le plus populaire au monde. Il connaît un succès fulgurant au Japon dès ses premiers films avant de donner ses lettres de noblesses à la japanime en Occident. Chacun de ses films est depuis un événement planétaire détrônant au box-office les plus gros blockbusters américains. Son style est immédiatement identifiable par le grand public et son studio Ghibli est une marque reconnue par tous les spectateurs du monde. Il est l’un des rares artistes à être entré de son vivant dans l’imaginaire collectif, imposant en plus de quarante ans de carrière une vision singulière et nuancée du monde, de l’homme et de la société, accessible au plus grand nombre. Hayao Miyazaki, nuances d’une œuvre propose une lecture précise et originale de son travail pour approcher le véritable propos d’une oeuvre et y découvrir de nouvelles richesses, à travers un beau livre richement illustré. Avec la collaboration de Samir Ardjoum, Philippe Bunel, Jean-Pierre Dionnet, Pierre Grumberg, Justin Kwedi, Victor Lopez, Samuel Minne, Julie Proust Tanguy, Marie Pruvost-Delaspre, Stephen Sarrazin et Julien Sévéon. Pont de Dazaifu, photo par Julie Proust Tanguy AVANT-PROPOS UNE VIE DE CRÉATION VICTOR LOPEZ « UNE VIE DE CRÉATION NE DURE QUE 10 ANS. JE TE SOUHAITE DE VIVRE TES DIX ANS DE TOUTES TES FORCES. » GIOVANNI CAPRONI À JIRO HORIKOSHI DANS LE VENT SE LÈVE. DE 1963, L’ANNÉE DE SON ENTRÉE À LA TOEI COMME INTERVALLISTE, À 2013, DATE DE SON PROVISOIRE DERNIER FILM, LE VENT SE LÈVE, HAYAO MIYAZAKI N’A JAMAIS CESSÉ DE TRAVAILLER, DE PRODUIRE, DE CRÉER, DE DESSINER, D’IMAGINER… PLANANT AINSI MAJESTUEUSEMENT AU-DESSUS D’UN DEMI-SIÈCLE D’ANIMATION JAPONAISE. EN 2018, APRÈS UNE COURTE RETRAITE, MIYAZAKI AJOUTE À CES 50 ANS DE VIE ARTISTIQUE CONTINUE UN COURT-MÉTRAGE, BORO LA PETITE CHENILLE, EXPÉRIMENTANT AVEC LES NOUVELLES TECHNOLOGIES 3D1, ALORS QUE SON NOUVEAU LONG-MÉTRAGE, KIMITACHI WA DOU IKIRU KA ?, EST ANNONCÉ POUR 2021. CETTE LONGÉVITÉ EXEMPLAIRE A PERMIS À L’ARTISTE DE CONSTRUIRE UN UNIVERS PERSONNEL UNIQUE, RECONNAISSABLE IMMÉDIATEMENT, MAIS AUSSI D’ACCOMPAGNER COMME ACTEUR MAJEUR TOUTES LES MUTATIONS DU MONDE DE LA JAPANIME. LES années 1960, charnières dans la construction de l’animation japonaise à la fois en tant qu’industrie et en tant qu’art, voient l’enracinement des animes à la télévision sous leur forme sérielle, d’abord grâce à Mushi Productions, la société d’Osamu Tezuka et à son porte étendard Astro Boy (1963), bientôt rejoint par une myriade de séries qui inondent le marché. Miyazaki est là, affutant son style et ses idées comme intervalliste puis animateur-clef pour les productions de la Toei. Quand avec Horus, prince du soleil (1968), Isao Takahata décide de viser un public adulte et de s’affranchir du moule enfantin et disneyien dans lequel l’animation se conformait, même au Japon, Miyazaki occupe un rôle majeur dans la conception du film. Il ouvre ainsi la voie à tous les réalisateurs décidant de ne pas cantonner l’animation aux mondes de l’enfance, de Katsuhiro Otomo à Satoshi Kon. Quand la série animée suit le même chemin avec Lupin III (1971), Miyazaki est encore présent, permettant grâce à cette matrice les Cobra (Miyazaki est d’ailleurs animateur-clef du film d’Osamu Dezaki de 1982) et Cowboy Bebop (1997) à venir. Quand, en 1978, il met en scène sa première réalisation en solo pour la télévision avec Conan, le fils du futur, il fixe quelques codes que l’on retrouvera dans les shônen pour les décennies à venir. Il y a par exemple fort à parier qu’un certain Akira Toriyama se souviendra de cette histoire d’un petit garçon naïf à l’appétit féroce et la force surhumaine, vivant seul sur une île isolée du monde avec son grand père, et partant à la chasse de poissons géants avant de tomber nez-à-nez avec un drôle d’engin portant une jeune fille, quand il commencera à écrire Dragon Ball six ans plus tard. Encore et toujours avec Takahata, Miyazaki révolutionne dans les années 1970 l’adaptation littéraire à la télévision, avec leur participation au World Masterpiece Theater. Initié par Nippon Animation pour Fuji TV, le projet a pour ambition d’adapter tous les ans un classique mondial de la littérature pour enfants et traverse les décennies en donnant de belles lettres de noblesse à la série animée au Japon. Les deux hommes transcendent la commande avec Heidi (1974), Marco (1976) ou Anne aux cheveux rouges (1979). Le duo forme alors une collaboration unique, et on peut avancer que rien ne serait arrivé s’il n’y avait pas eu cette synergie créatrice entre les deux tempéraments : l’alliance parfaite entre la force tranquille du génie de Takahata et la puissance méticuleuse et obsessionnelle du bourreau de travail Miyazaki, qui va aboutir à la création en 1985 du plus fameux studio d’animation japonais2. Après la création de Ghibli, l’œuvre de Miyazaki continue de nourrir l’animation japonaise, tout en suivant ses évolutions, et en en dessinant plus précisément la forme et les contours. On a souvent reproché au studio son incapacité à créer des successeurs. L’exemple le plus frappant est un coup du sort, avec le destin tragique de Yoshifumi Kondô, réalisateur de Si tu tends l’oreille (1995), que Miyazaki avait désigné comme son successeur avant qu’il ne décède prématurément, obligeant le cinéaste à revenir à la réalisation après Princesse Mononoké, qu’il avait déjà annoncé comme son dernier film en 1997. Mais c’est l’arbre qui cache la forêt d’occasions manquées pour Ghibli de faire éclore de nouveaux talents en son sein. Cette incapacité est plutôt une conséquence de la personnalité vampirique de son co-créateur, véritable démiurge monopolisant tout l’espace artistique, à l’exception de celui de son seul égal, Isao Takahata, qui a pu profiter de la structure pour produire une œuvre singulière et complémentaire à celle de son collègue. Et pourtant, à bien y réfléchir, nombreux sont les cinéastes importants aujourd’hui dans l’animation japonaise, qui ont parti liée (ou déliée) avec Miyazaki. S’il est impossible pour un artiste de se construire dans Ghibli, c’est alors contre qu’un univers peut s’épanouir. Hideaki Anno a commencé à travailler sur Nausicaä de la vallée du vent (1984) avant de voler de ses propres ailes avec Nadia et le secret de l’eau bleu (1990) sur une idée de Miyazaki puis de s’affranchir complétement de son mentor en créant Neon Genesis Evangelion (1995). Cas unique, les deux artistes sont restés en bons termes, Miyazaki faisant appel à Anno pour qu’il prête sa voix au personnage de Jiro dans Le Vent se lève. Les autres collaborations eurent des fins moins heureuses : Sunao Katabuchi, futur réalisateur de Dans un recoin de ce monde (2016), qui devait réaliser Kiki la petite sorcière (1989) a été chassé du projet d’un coup de balai quand Miyazaki s’est penché sur le film. Mamoru Hosoda a connu le même sort avant de signer La Traversée du temps (2006) quand il a été éjecté du Château ambulant (2005). La liste est longue des évincés de Ghibli suite à l’incapacité de Miyazaki à déléguer la moindre parcelle créatrice à qui ne serait pas un clone absolu de son style. À ce jeu, seuls son fils Goro – Les Contes de Terremer (2006) / La Colline aux coquelicots (2011) – et Hiromasa Yonebayashi – Arrietty, le petit monde des chapardeurs (2010) / Souvenirs de Marnie (2014) – ont réussi à réaliser leurs œuvres chez Ghibli, mais en se conformant à tous les codes esthétiques, narratifs et thématiques du maître. Ce schéma récurent montre que cette étape déceptive a quand même un rôle formateur chez les jeunes cinéastes, qui ont pu par cette expérience maturer leur œuvre personnelle. Même des réalisateurs aux antipodes de Miyazaki se retrouvent sur le chemin du maître : Makoto Shinkai3 a rendu hommage au cinéaste avec Voyage vers Agartha (2001), alors que quelqu’un comme Mamoru Oshii est venu demander une aide financière à Ghibli afin de boucler le budget de Ghost in the Shell 2: Innocence (2004)4. L’œuvre de Miyazaki n’est donc pas une île, évoluant loin des rivages du tout venant de l’animation japonaise. Elle a d’abord construit ses fondations en se nourrissant de l’état de l’industrie de son époque, participant à l’ouverture de nouvelles voies, sans pour autant s’y engouffrer elle-même. Elle a consolidé ses assises avec des collaborations indispensables (Takahata bien entendu — mais dès les années Toei, Miyazaki s’entoure d’une équipe de fidèles collaborateurs, schéma qui culminera chez Ghibli ; et son cinéma est indissociable de certaines associations, comme celles musicales de Joe Hisaishi). En retour, son œuvre n’a eu de cesse d’irriguer le reste de la production animée. En parler, c’est aussi évoquer en creux l’histoire de l’animation japonaise dans son ensemble, et parcourir 50 ans d’évolution de celle-ci. La singularité de son œuvre vient a contrario d’une ligne à laquelle Miyazaki s’est toujours tenue, et qu’il a tracée très tôt. Jeune étudiant préparant ses examens d’entrée à l’université, Miyazaki dessinait déjà des mangas dans le style cru, réaliste et nihiliste des Gegika, publications adultes cristallisant ses angoisses et frustrations face à son avenir et son uploads/s3/ hayao-miyazaki-nuances-d-x27-une-oeuvre 1 .pdf

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