M 35 / 1 CHRONIQUE DES ARTS PLASTIQUES DE LA COMMUNAUTÉ FRANÇAISE DE BELGIQUE T
M 35 / 1 CHRONIQUE DES ARTS PLASTIQUES DE LA COMMUNAUTÉ FRANÇAISE DE BELGIQUE THÉMA LE RÉENCHANTEMENT 04 Réenchantement disent-ils 08 Réenchantés… qu’en faire ? 11 Réenchantement romantique à l’ère de la cybernétique DÉBAT CRITIQUE 14 Le retour de la critique (après Jacques Rancière et les autres) ? EXTRAMUROS 16 La Ricarda 18 Pommery L’emprise du lieu 20 Laurence Dervaux Eaux vives 21 (Im)prévisions belges à la Biennale de Venise 22 Benoît Platéus Joëlle Tuerlinckx IN SITU 23 WIELS Ouvertures phasées INTRAMUROS 26 La grande famille Le surréalisme en Belgique 28 David Evrard La confusion des genres 30 Delayen & Gilot Faites vos jeux 32 Michel Vanden Eeckhoudt Classique moderne 34 SPAC La fl amme de l’art 36 Marie André Plastique de la parole 38 La Médiatine Laboratoire de synergies turbulantes 40 Le musée 2.0 ÉDITIONS 44 Revue AH! Qui est l’autre? 46 Michel Lorand L’impossible rencontre AGENDAS etc 48 2e TRIMESTRE 2007 M 35 / 2 ÉDITEUR RESPONSABLE Henry Ingberg Secrétaire général Ministère de la Communauté française, 44, Boulevard Léopold II, 1080 Bruxelles RÉDACTRICE EN CHEF Christine Jamart SECRÉTAIRE DE RÉDACTION Pascale Viscardy GRAPHISME Designlab La notion de réenchantement innerve, depuis quelque temps déjà, tant les champs de l’art et de la sociologie que ceux du politique et de l’économique. Tournant le dos à un scepticisme désenchanté qui, amorcé à l’ère moderniste, empreint toujours de nombreuses produc- tions d’obédience post-moderne, nombre d’expositions thématiques en appellent aujourd’hui à la réappropriation d’un enchantement évanoui lorsqu’elles n’articulent pas de véritables dispositifs de sublimation technologique et sensorielle baignant le spectateur dans un cadre préten- dument réenchanteur. Afi n de saisir la portée de ce véri- table phénomène, le théma engagé en ce numéro revient sur les conditions historiques du désenchantement pour mieux ensuite questionner la notion actuelle de réenchan- tement de l’art abordée en ses divers paramètres dont un indéniable revival romantique réactivant des formes du merveilleux ou du fantastique et porté par le recours à une technologie hautement spectaculaire. A décoder… < Christine Jamart, Rédactrice en chef > ÉDITO CONSEIL DE RÉDACTION Président Henry Ingberg Membres Chantal Dassonville Ariane Fradcourt Christine Guillaume Patrice Dartevelle Pierre-Jean Foulon Pierre Henrion André Lambotte Jacques Lange Patrick Quinet ONT COLLABORÉ Raymond Balau Julie Bawin Cécilia Bezzan Sandra Caltagirone Laurent Courtens Emmanuel d’Autreppe Sandra Delacourt Pierre-Yves Desaive Colette Dubois Nathalie Leleu François Liénard Frédéric Maufras Sébastien Pluot Tristan Trémeau M 35 / 3 est de ne considérer les œuvres qu’au travers de leurs dimensions utilitaires (par exemple, leur usage décoratif chez un collectionneur), de leurs reproductions ou cita- tions partielles et strictement fonctionnelles, c’est-à-dire détachées de tout ce qui constitue leur historicité, leur unicité et leur multiplicité complexe et problématique. Toujours est-il que cette conviction d’une réifi cation fa- tale de tout, y compris des œuvres d’art, est très an- crée depuis les années 1980 et qu’elle a fort infl uencé les pratiques actuelles qui considèrent le modernisme comme un répertoire de styles, de formes, de couleurs et d’ambiances réifi és, à l’instar des industries culturel- les. D’où le développement d’environnements résolument décoratifs et photogéniques, inspirés par le design et qui incluent des formes empruntées au minimalisme, au ci- nétisme et au pop art auxquels s’ajoutent, parfois, des éléments graphiques issus de la bande dessinée ou de la publicité (Stéphane Calais, qui revendique la notion de réenchantement), de l’esthétique industrielle (Bruno Peinado), voire des habillages ou ambiances sonores de type lounge (Stéphane Daffl on). Cette tendance actuel- lement lourde serait, selon Michel Gauthier, “le décor de plaisirs nouveaux” : ceux de la contemplation passive et distraite qui provoque une “sensation d’apaisement et de détente psychologique” en dehors de toute histoire, de tout événement et de toute tension narrative7. En bref, une sorte de réenchantement soft, annoncé par les environ- nements décoratifs et pop d’un John Armleder. Quant aux projets d’émancipation collective des avant-gar- des, ils ont vécu au sein des néo-avant-gardes une infl exion à l’humilité conduisant à la production de micro-utopies temporaires sous la forme, notamment, de happenings collectifs, ludiques et participatifs qui incluent des artis- tes et la population locale (Gas d’Allan Kaprow sur Long Island en 1966). Cette dimension micro-utopique a été, plus récemment, revendiquée par Nicolas Bourriaud pour défi nir les actions des artistes qu’il a regroupés sous le nom d’esthétique relationnelle. Ceux-ci privilégient les procédu- res de négociation, de participation et de convivialité pour créer des conditions de “reliances» qualifi ées de «micro- communautaires” au sein d’installations confectionnées par Rirkrit Tiravanija (Untitled (Tomorrow is another day), Kölnischer Kunstverein, 1996) ou d’actions collectives pro- grammées par Pierre Huyghe (Streamside Day, 2003). Ces dispositifs sont plus ou moins nimbés de religiosité dans un sens pastoral que j’ai pu souligner ailleurs (pastoral au sens double d’authenticité quotidienne factice et de communion) et réveillant, comme l’a analysé Sébastien Pluot, des fan- tasmes télépathiques de démocratie directe et contrôlée à ong a été, iaud pour sous le nom ent les procédu- de convivialité pour qualifi ées de «micro- llations confectionnées (Tomorrow is another day), y 6) ou d’actions collectives pro- yghe (Streamside Day, 2003). Ces u moins nimbés de religiosité dans un ai pu souligner ailleurs (pastoral au sens ticité quotidienne factice et de communion) mme l’a analysé Sébastien Pluot, des fan- hiques de démocratie directe et contrôlée à on a iau s so ent de c qu lla (To 6) o ygh u m ai p tici DOMINIQUE GONZALEZ-FOERSTER, COSMODROME vue de l’exposition Expodrome, MAM de la Ville de Paris, du 13.02 au 6.05.07 com épath co ép HÉMA M 35 / 4 qui assuraient la cohésion des sociétés occidentales : “les processus du monde se sont désenchantés en perdant leur sens magique, de sorte qu’ils se passent seulement mais ne signifi ent plus”1. Pour réductrice qu’elle soit, cette notion a le mérite d’éclairer, selon Jean-Pierre Cometti, “des caractères et des malaises de la pensée et de la sensibilité moderne” qui se manifestent notamment dans la nostalgie et “les as- pirations confuses à l’unité et à la totalité dans le langage, mais aussi dans les œuvres de l’art ou de la pensée”2. Selon ce point de vue, il est convenu de défi nir le ro- mantisme comme une première réaction au sentiment de désenchantement du monde et de l’interpréter comme la source du modernisme et des avant-gardes. Pour ce qui est du modernisme, il est loisible de penser à un artiste comme Mark Rothko qui, dans son manuscrit La réalité de l’artiste (écrit au début des années 1940), affi rmait son “désir du mythe”, lequel “exprime l’insatisfaction de vérités partielles et spécialisées et le désir de nous plonger dans la félicité d’une unité qui englobe tout”3. On peut entendre ici la crainte d’un autre effondrement, celui de l’aura et du caractère sacré des œuvres de l’art face à la déferlante des industries culturelles et, avant cela encore, face à l’at- tente bourgeoise de compléments décoratifs et luxueux de l’existence, deux ennemis traditionnels du modernisme STÉPHANE CALAIS GENERAL LUDD : A STUPID BIOGRAPHY #5 1999 2x (101,8x72cm), gouache et acrylique sur papier Courtesy Galerie aliceday, Bruxelles THÉMA On a pu entendre et lire, ces dernières an- nées, la notion de réenchantement se diffuser dans différents canaux de discours, sociolo- giques, politiques, économiques et techno- logiques. Elle s’est aujourd’hui installée de façon diffuse mais récurrente dans le champ artistique. Tentons d’en retracer l’itinéraire et d’en cerner les enjeux. Le plus simple est de s’intéresser d’abord à ce “ré” qui laisse supposer que le réenchantement suit une période de désenchantement ou s’oppose à ce sentiment. Il a beaucoup été question de désenchantement tout au long de la modernité et en premier lieu à propos du recul du religieux, de la magie et des mythes face à l’esprit des Lumières, à la sécularisation des sociétés occidentales, aux progrès scientifi ques et techniques et aux processus de rationalisation du monde, de son administration, de ses modes d’habitation et de ses représentations. Au début du vingtième siècle, Max Weber comprit ce sentiment de désenchantement du monde comme une conséquence du développement de “l’esprit du capitalisme” (qu’il défi nit comme une éthique économique de l’utilisation rationnelle du travail). Il en découla, selon le sociologue, une “perte de sens” par l’effondrement des repères et des valeurs 01 M 35 / 5 comme l’a affi rmé Clement Greenberg dans “Avant-garde et kitsch” (1939) et, avant lui, Theodor Adorno. On peut aussi songer à la relance de la théorie du sublime, de Barnett Newman aux écrits de Jean-François Lyotard4, et au retour des fantômes théologiques de l’image analysés dans l’art même (n°27, 2005), à propos des références fréquentes à l’icône dans les années 1980, du messia- nisme cinématographique et des incantations pseudo phénoménologiques à la présence sensible et révélée de l’autre dans les œuvres. La nostalgie de l’unité a aussi innervé les idéologies avant- gardistes, y compris au Bauhaus dont le manifeste de 1919 est illustré d’une gravure de Feininger représentant une cathédrale, mais elle s’est convertie en projet de construction sociale, intellectuelle et symbolique de la collectivité, porté par une “république des esprits” (Walter Gropius). uploads/s3/ reenchantement-cybernetique.pdf
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- Publié le Jui 08, 2021
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