Hédonisme et responsabilité Une éthique pour le plaisir Michel Martin Hédonisme
Hédonisme et responsabilité Une éthique pour le plaisir Michel Martin Hédonisme et responsabilité © Groupe De Boeck s.a., 2009 1re édition Éditions De Boeck Université Rue des Minimes 39, B-1000 Bruxelles Tous droits réservés pour tous pays. Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent ouvrage, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit. Imprimé en Belgique Dépôt légal : Bibliothèque nationale, Paris : avril 2009 ISSN 0777-527X Bibliothèque royale de Belgique, Bruxelles : 2009/0074/145 ISBN 978-2-8041-0393-4 Pour toute information sur notre fonds et les nouveautés dans votre domaine de spécialisation, consultez notre site web : www.deboeck.com 5 « Notre désir retirait à la mer sa robe chaude avant de nager sur son cœur. » René CHAR, Seuls demeurent, L’avant-monde « Il semble que l’imagination qui hante à des degrés divers l’esprit de toute créature soit pressée de se séparer d’elle quand celle-ci ne lui propose que l’impossible et l’inaccessible pour extrême mission. Il faut admettre que la poésie n’est pas partout souveraine. » René CHAR, Feuillets d’Hypnos, 132 De tout, il vaudrait mieux pouvoir rire : le rire est aussi nécessaire à la vie que le pain. Non pas la dérision qui est désespoir et mépris. Mais quel- quefois, il faut bien être sérieux, même pour parler du plaisir. Osons. 11 SOMMAIRE Préface. Le plaisir par l’altérité, principe fondateur d’une éthique sociale… 7 1 Exposition 15 2 Les hédonismes 21 3 La critique de la société contemporaine 29 4 Sous un angle subjectif : les tableaux d’une exposition 57 5 Les bornes à la toute-puissance du plaisir : à la recherche de l’Autre comme soi-même 65 6 La rencontre 85 7 Éthique et morale 95 8 La nécessaire utopie 101 9 Méthodologie 105 10 L’hédonisme responsable 109 11 Finale 113 Bibliographie 115 Index 117 7 PRÉFACE. LE PLAISIR PAR L’ALTÉRITÉ, PRINCIPE FONDATEUR D’UNE ÉTHIQUE SOCIALE… « On ne se bat bien que pour les causes qu’on modèle soi-même » : c’est avec cette conviction et cette résistance qu’on peut tracer une voie au milieu de la complexité, avec toutes les perceptions et contre les solutions extrêmes, toujours réductrices. En lisant cette « Éthique pour le plaisir », nous découvrons un voyage, à la fois rationnel et poétique, à la recherche d’un hédonisme relationnel. Le plaisir par l’al- térité devient aujourd’hui le principe fondateur d’une éthique sociale. Ce qu’il y a de plus capital dans ce monde nouveau que nous avons à bâtir et à découvrir, c’est bien cette conviction naissante de chercher ensemble la beauté et l’harmonie, afi n de rencontrer la joie et le bonheur d’exister. Hédonistes créatifs, voilà ce que nous pouvons être. L’affi rmer, écrit l’auteur, c’est fonder une utopie féconde, celle d’êtres libres de jouir de tout et de tous, celle des êtres de désir faisant de la Rencontre le sommet de leur art de vivre. Ainsi, il y aurait un hédonisme responsable qui permettrait au sujet d’accéder à la conscience de ce qu’il fait de lui-même et des autres, qui favoriserait « le moment fraternité » (Régis Debray), afi n de déceler le sens et la force du nous, au royaume éclaté du moi-je. La relation à l’autre à la base du nous, constitue, dès la naissance, le fondement essentiel de la construction de soi. C’est vrai non seulement parce que la conscience de soi de l’enfant s’élabore sur la base d’un modèle à partir duquel il lui devient possible d’accéder, par l’identifi cation, à l’expérience humaine, mais aussi parce que l’autre fi xe, à l’orée du processus éducatif, les limites au moi en s’opposant à lui et en le faisant accéder au principe de réalité. Ainsi, sans la présence de l’autre, l’enfant, débordé par le principe de plaisir, incapable d’apprendre à gérer ses propres forces pulsionnelles, aurait eff ectivement vite fait d’être submergé par un moi sans limite structurante, incapable de se défi nir et d’accéder à une réalité suffi samment signifi ante. C’est pour cette raison que les règles, les limites interviennent d’emblée comme des garde-fous qui endiguent l’accès au plaisir en indiquant explicitement ou en suggérant implicitement les bornes que la HÉDONISME ET RESPONSABILITÉ 8 réalité impose au désir. Cette limitation structurante de l’accès au principe de plaisir s’élabore sur une des fondations morales les plus essentielles, celle qu’imposent le respect de l’autre et l’immersion dans une réalité partagée avec lui. Sur le plan ontogénétique, et dès lors qu’il s’agit pour le psychisme infantile d’accéder au principe de réalité nécessaire à la maturation dans une relation d’inter- dépendance à la fois ambiguë et paradoxale, le plaisir se confronte d’emblée avec la morale et l’ensemble des exigences que sous-tend la présence de l’autre. Sur le plan phylogénétique, l’histoire de l’humanité n’est pas, de ce point de vue, demeurée en reste. La plupart des croyances se sont métabolisées en idéologies, en religions ou en sagesses qui tendent à baliser le chemin du plaisir en montrant comment le désir devrait être maîtrisé, limité, voire éradiqué. Aussi, dans le langage de tous les jours, comme le souligne Milan Kundera, la notion d’hédonisme désigne le plus souvent un penchant amoral pour la vie jouisseuse, sinon vicieuse. Quant aux esprits religieux, ils y voient toujours, sans nuance, une transgression de la loi morale. Dès lors, comment concevoir, dans un cadre épistémo-logique au sein duquel les concepts apparaissent à ce point enchevêtrés, l’idée d’une éthique pour le plaisir ou encore la conception d’un hédonisme qui stimule la responsabilité sociale ? S’agira- t-il, une fois de plus, d’un code moral déguisé, qui nous promet le plaisir au terme d’un parcours circonscrit par des valeurs humaines présentées comme universelles, d’un chemin semé d’embûches nées de notre propre tendance à la perversion et au « mal » ou encore d’une voie d’accès distinguant clairement ce qui est bien et ce qui est mal ? Non, trois fois non. La promenade réfl exive à laquelle nous convie Michel Martin n’a strictement rien à voir avec ces voies qui tendent à diluer le plaisir dans un code moral. Bien au contraire, la posture de l’auteur, profondément innovante, vise à faire de l’hédonisme une force réfl échie au-delà du principe de plaisir, au service de l’organi- sation sociale et de la créativité. Dans la perspective qu’il soutient, c’est le plaisir qui reprend clairement la main. L’option de s’abandonner à un hédonisme ouvert à l’autre est assurément, sur ce point, séduisante. Elle rompt incontestablement avec la moro- sité ambiante d’un champ psychosociologique qui fait du désenchantement (Marcel Gauchet), de la fatigue d’être soi (Alain Ehrenberg), du vide (Gilles Lipovetsky) et de la déliaison sociale (Marcel Bolle de Bal), autant de socles épistémologiques qui risqueraient de sonner le glas des espérances humaines et invitent à concevoir une fi n de l’Histoire qui instituerait l’individu biotechnologique hyperconsommateur et gonfl é d’individualisme qui constituerait le prototype de l’homme postmoderne. C’est ici que le présent ouvrage nous enrichit en proposant un hédonisme fondé sur une éthique relationnelle au sein de laquelle les limites du plaisir sont en quelque sorte inhérentes à une double attitude de modération vis-à-vis de soi-même et de respect vis-à-vis d’autrui. Cet hédonisme se pose comme le produit d’une synthèse complexe, celle qui réunit dans un même construit, non seulement, les notions de plaisir et d’éthique, mais aussi celles d’utopie et de réalité et surtout celles de soi et Préface. Le plaisir par l’altérité, principe fondateur d’une éthique sociale… 9 des autres, toutes situées au cœur de l’expérience humaine, là où le plaisir parvient à se partager sans se diviser. Plaisir pensé, agi et entretenu, l’hédonisme apparaît ainsi, à la fois comme un paradigme philosophique, comme une attitude et comme un mode de vie qui n’im- posent ni la transgression ni la négation de l’autre mais permettent, au contraire, pour autant qu’ils dépassent les antagonismes et les insuffi sances du réel, de concilier les exigences contradictoires des principes de plaisir et de réalité. Il se commue alors dans un principe d’harmonie et défi nit un « troisième territoire », celui de la beauté et de la disponibilité au sens esthétique à partir desquels naîtra éventuellement un nouvel état, celui de la poésie entendue comme branche majeure de la créativité. Poésie de la vie qui élève en soumettant l’apparence des choses aux désirs alors que la seule raison contraint et soumet l’homme à la nature des choses. Alors, et seule- ment alors, la créativité devient cette expérience ultime à travers laquelle l’homme, par le langage et la pensée poétique, parvient à élever sa condition et à participer au ré-enchantement du monde. C’est ce voyage que Michel Martin nous propose de réaliser lorsqu’il suggère de transcender, par la recherche d’un plaisir ouvert sur l’autre, l’égoïsme, le mercanti- lisme et l’individualisme qui gangrènent nos sociétés et de dépasser, par une éthique partagée du désir, la violence de cette agitation angoissée ou euphorique qui conta- minent tous ceux qui prétendent y uploads/s3/ hedonisme-et-responsabilite-une-ethique-pour-le-plaisir.pdf
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- Publié le Jul 22, 2021
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