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See discussions, stats, and author profiles for this publication at: https://www.researchgate.net/publication/313233990 De l’histoire des techniques de l’art à l’histoire de l’art Article in Perspective (France) · July 2015 DOI: 10.4000/perspective.5788 CITATIONS 0 READS 6,528 3 authors, including: Some of the authors of this publication are also working on these related projects: Early Netherlandish Picture Frames - Gothic to Golden Age View project Wood for goods: unravelling the production of historical wooden art objects in the Low Countries through a multidisciplinary approach View project Erma Hermens University of Cambridge 39 PUBLICATIONS 164 CITATIONS SEE PROFILE All content following this page was uploaded by Erma Hermens on 03 February 2017. The user has requested enhancement of the downloaded file. Perspective Actualité en histoire de l’art 1 | 2015 Varia De l’histoire des techniques de l’art à l’histoire de l’art From technical art history to art history David Bomford, Valérie Nègre et Erma Hermens Traducteur : Géraldine Bretault Édition électronique URL : http://perspective.revues.org/5788 ISSN : 2269-7721 Éditeur Institut national d'histoire de l'art Édition imprimée Date de publication : 31 juillet 2015 Pagination : 29-42 ISBN : 978-2-917902-26-4 ISSN : 1777-7852 Référence électronique David Bomford, Valérie Nègre et Erma Hermens, « De l’histoire des techniques de l’art à l’histoire de l’art », Perspective [En ligne], 1 | 2015, mis en ligne le 31 janvier 2017, consulté le 31 janvier 2017. URL : http://perspective.revues.org/5788 Ce document est un fac-similé de l'édition imprimée. 29 Débats On sourit aujourd’hui de la réponse que Bernard Berenson fit au journaliste qui lui demandait si Mona Lisa était peinte sur bois ou sur toile (« Je n’en sais rien ») et au commentaire qu’il crut nécessaire d’ajouter : « c’est comme si vous me demandiez sur quel papier Shakespeare écrivit ses immortels sonnets » 1. L’intérêt croissant pour l’« histoire des choses » (history of things) et la « culture matérielle » (material culture) manifeste dans diverses branches du savoir depuis les années 1970 se lit désormais dans le regard des spécialistes de l’art. Non seulement ces derniers s’inté- ressent aux aspects matériels de l’art, mais cette attention a profondément changé leur manière de voir les choses 2. Le mode opératoire des artistes, les techniques qu’ils emploient, tout comme leurs façons d’organiser et de diriger leurs ateliers sont des sujets assez affirmés pour se prêter au débat. Si la « matière » était au programme du dernier Festival de l’histoire de l’art à Fontainebleau, elle est aussi sur les registres de l’Unesco, qui protège sous le terme équivoque de « patrimoine culturel immatériel » (2008) des manipulations bien concrètes, qu’il s’agisse de procédés de construction ou de manières de peindre 3. Un changement d’orientation assez marqué pour être vu par certains comme un « tournant matériel » (material turn) ou « pratique » (practice turn). Mais le virage (si virage il y a) consiste moins dans l’attention accor- dée à la matérialité de la création artistique, présente en fin de compte de longue date dans des domaines tels que l’archéologie, l’anthropologie ou la sociologie, que dans la volonté manifeste dans différents champs de dépas- ser l’opposition savamment construite entre les anciennes notions de technè et d’epistémè. Comme l’expriment les titres des expositions et des livres Making & Meaning (1990-2014 ; fig. 1), The Mindful Hand (2007), Thinking Through Craft (2007), Le Savoir de la main (2009) et Ways of Making and Knowing (2014) 4, les historiens se donnent pour tâche de connecter le domaine du faire et celui du savoir, « le travail de la main et celui de l’esprit » 5 ; ils projettent de relier « l’histoire des mots et l’histoire des choses » 6. Dans sa forme la plus récente donc, l’approche « matérielle » ne se présente pas comme une alternative aux approches intellectuelles, visuelles et esthétiques ; elle conduit des spécialistes issus de différentes disciplines, relatives aux sciences humaines et sociales, aux sciences de la matière et aux arts, à croiser leurs données, leurs méthodes et leurs concepts. Deux domaines ont largement contribué à faire évoluer, pour leur bien, les recherches en histoire de l’art : la conservation et la restauration des œuvres d’art d’une part et l’histoire des sciences et des techniques de l’autre. Actuellement chef du départe- ment d’art européen au Museum of Fine Arts à Houston, David Bomford a notamment travaillé à la National Gallery à Londres et au J. Paul Getty Museum. Il a également occupé le poste de secrétaire général de l’Interna- tional Institute for Conservation. Il a enseigné et publie et sur différents aspects de la conser- vation et de l’histoire de l’art. Architecte et historienne, Valérie Nègre est professeure à l’École nationale supérieure d’architecture Paris La Villette. Ses recherches portent sur les interactions entre architecture, technique et société (xviiie- xxe siècles) et en particulier sur la représentation de la construction et des savoirs artisanaux. Elle a publié plusieurs ouvrages dont L’Ornement en série : architecture, terre cuite et carton-pierre (2006). Associate Professor in Technical Art à l’University of Glasgow, Erma Hermens dirige aussi l’axe « Technical art history » du Centre for Textile Conserva- tion and Technical Art History et le groupe ArtTA (Art Technology and Authentification Research Group). Elle travaille notam- ment sur les pratiques d’atelier à la cour des Médicis à la fin du xvie siècle. Elle est également la rédactrice en chef de la revue ArtMatters: International Journal for Technical Art History. De l’histoire des techniques de l’art à l’histoire de l’art Réflexion de Valérie Nègre, et réactions de David Bomford et Erma Hermens 30 1 | 2015 PERSPECTIVE Varia Les problèmes soulevés dans ces domaines ne sauraient être résumés dans l’espace de ces notes. C’est un choix de questions déterminé par notre familiarité avec l’architecture que nous proposons à la réflexion. Sur le sens et le genre des écrits techniques En premier lieu, méritent d’être évoquées les questions liées aux sources permettant de saisir la matérialité du geste créateur. Des recherches interdisciplinaires d’une ampleur inégalée, parfois désignées sous le vocable d’« histoire technique de l’art » (technical art history) 7 et initiées le plus souvent par des conservateurs et des restaurateurs, ont permis de rassembler et de soumettre à l’interprétation de différents chercheurs (scientifiques, historiens de l’art, conservateurs, restaurateurs) une foule de documents nouveaux. Parmi ceux-ci figurent en première ligne les analyses scientifiques rendues possibles par les instruments les plus sophistiqués (radiographie X, réflectographie infrarouge, microscopes à balayage électronique, analyses chimiques par faisceaux d’ions, dendrochronologie, logiciels de modé- lisation, etc.) 8. À quoi s’ajoute une masse de documents révélés par les enquêtes historiques : écrits techniques connus et moins connus ; sources iconographiques et matérielles : vues d’ateliers, autoportraits d’artistes au travail, dessins, maquettes, échantillons, outils, instruments utilisés dans les ate- liers, films, entretiens, etc. Rien de ce qui touche aux « arts de faire » ne semble plus échapper aux investigations 9. Si ces « matériaux » et les outils élaborés pour les confronter et les analyser (inventaires, stemma, bibliographies, iconologies, éditions critiques, bases de données, prosopographies, lexiques, vocabulaires, etc.) 10 méritent d’être cités, c’est qu’ils sont les points d’appui essentiels des approches matérielles, que ce soit dans le champ des arts ou dans celui des sciences 11. Les études de cas singuliers précisément documentés, qu’il s’agisse d’activités quotidiennes d’ateliers ou de controverses scientifiques n’ont pas seulement permis à des historiens comme Michael Baxandall ou Thomas Kuhn de mettre en cause la vision héroïque du créateur et l’habitude d’associer un nom et une date uniques à chaque invention, elles leur ont fourni les éléments pour saisir les processus d’invention et d’émergence de nouvelles théories ou découvertes. De cette accumulation inégalée de données dont le but premier était d’extraire des informations utiles à la conservation : attribuer et dater les œuvres, identifier des matériaux et des procédés, retrouver des recettes et des gestes oubliés, ont surgi des questions de grande ampleur. Les enquêtes documentaires invitent en particulier à observer avec un regard nouveau de nombreux écrits et dessins essentiellement considérés jusqu’alors comme des représentations fidèles de la réalité. La recherche de recettes opératoires a conduit les conservateurs et les restaurateurs à examiner minutieusement une série de textes dits « pratiques » et, chemin faisant, à leur appliquer les méthodes savantes de la philologie. Les questions que, selon Mark Clarke, tout chercheur devrait poser à ces écrits, font écho à celles des historiens de la littérature et du livre : de quel auteur s’agit-il ? Quelles sont ses intentions ? À qui s’adresse le texte ? Comment s’insère-t-il dans la série de textes qui le précède ? Que dire des mots et des concepts employés ? L’analyse physique des écrits par les méthodes de la codicologie (pour les manuscrits) et de la « bibliographie matérielle » (pour les imprimés) 12 soulève d’autres types de questions qui, jointes aux premières, invitent à réfléchir de manière large au sens et au genre des écrits techniques. 1. Making & Meaning: Rubens’s Landscapes, Christopher Brown éd., (cat. expo., Londres, National Gallery, 1996-1997), Londres, 1996. Histoire des techniques de l’art uploads/s3/ de-lhistoire-des-techniques-de-lart-a-lhistoire.pdf

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