MANIFESTE POUR UNE CREATION COOPERACTIVE Aujourd'hui, à la lumière des évènemen

MANIFESTE POUR UNE CREATION COOPERACTIVE Aujourd'hui, à la lumière des évènements récents, deux constats brûlants s'offrent à nous : - Pendant que les conditions de vie de la majorité des citoyen-nes du pays ne cessent de s'effondrer (33% des bruxellois-ses avaient déjà un revenu inférieur au seuil de risque de pauvreté [1]), l'état belge a fait son choix. Il a choisi de sauver les banques, les compagnies aériennes, les grandes en- treprises, les élites, c'est-à-dire celles-ceux qui pratiquent le golf et le kayak plutôt que les bénéficiaires du revenu de désintégration sociale [1][2]. L’art est un service public dérangeant dont l’état veut manifestement se débarrasser. Interprétation qui laisse peu de doutes au vu du délaissement récurrent qu’a pu subir le secteur culturel. Or, ce secteur est, et sera toujours, une richesse économique (5% du PIB) pour l'ensemble de la société dont les centaines de milliers d'emplois continuent d'être dévalorisés autant économiquement qu’humainement. En bref, les dirigeant-es du monde politique et financier belge ont de nouveau choisi de sauver le capitalisme néolibéral. Système économique mondial qui nous a pourtant, une fois de plus, montré ses limites, ses dangers, sa fragilité et son étouffante vanité. La précarité, dans laquelle se trouvent et stagnent la très grande majorité des artistes, est quasi sys- tématique. Nous sommes, encore et toujours, des assisté-es avec comme unique reconnaissance officielle le statut humiliant de chômeurs-ses ! Aussi surprenant que cela puisse paraitre, il n'existe que 3 statuts, ou situations, prévues par la loi : salarié, indépendant ou fonctionnaire. Où se trouvent donc les artistes dans cette configuration restreinte ? Rappelons notamment que ce que l’on nomme "statut d’artiste" en Belgique n’est autre que l’accès aux allocations de chômage, et ensuite l’obtention de la non-dégressivité de ces allocations [3]. L'état attend-il peut-être que nous nous épuisions dans les méandres répressifs d’Actiris, du Forem et de l'ONEM ? Dossiers, catégories, incompréhension, solitude, salles d'attente, contrôle, surréa- lisme, décalage,.... Voilà, à peu près, ce qu'on y retrouve invariablement [4]. Rares sont les artistes qui, à titre personnel, s'en sortent sans l'aumône, c'est-à-dire sans "l'aide" de l'état, ou sans d'autres activités annexes non artistiques [5]. Les artistes sont donc, à tous les niveaux, extrêmement vulnérables et dépendant-es des décisions politiques et surtout du manque de ces décisions. Pourtant, il est évident que toute la population, sans exception, profite quotidiennement de cette infatigable création artistique (musique, théâtre, films, séries,…). La vie d'artiste n'est ni oisive ni romantique. La vie d'artiste est administrative, comptable, asymétrique en plus d’être artistique. Nous sommes fatigué-es de travailler entre deux humiliations ! Fatigué-es de rafistoler avec les moyens des bords en survivant comme des pestiféré-es ! Ne nous préoccupons pas trop pour les plus riches et les plus aisé-es car manifestement ils-elles resteront riches et aisé-es. Les plus précaires aussi sont resté-es ce qu’ils-elles étaient, des opprimé-es [6]. Quant aux artistes, certains restent bâillonné-es par habitude de pudeur, d'autres révolté-es par cette amnésie collective à leur sujet. - Le second constat lui est un constat d’ordre historique. L'état détient encore la plupart des infras- tructures et des moyens de création et de production artistique. Etat de fait qui place les artistes dans une situation de forte dépendance face au pouvoir politique en place. Constat qui soulève, par ailleurs, de nombreux questionnements légitimes sur le contrôle, direct et indirect, exercé par l'état : Qui a le droit de créer et au détriment de qui ? Les femmes, les personnes racisées et toutes les mi- norités présentes en Belgique ont-elles le même accès à la création ? Sommes-nous déjà égaux dans l'accès à la création culturelle elle-même ? Quels sujets de société sont-ils validés, soutenus ou au contraire censurés ? A quel point les artistes sont-ils réellement indépendants face aux institu- tions ? Qu’est-ce qui peut être critiqué aujourd'hui dans notre société ? Qui a accès aux salles de répétition et de représentation et à quel prix ? Qui et qu’est-ce qui se joue dans les théâtres, les centres culturels et les bibliothèques de Belgique ? Les infrastructures et moyens de création/production monopolisés par l'état ne sont accessibles que selon un parcours du combattant essentiellement bureaucratique; conditions d’octroi, calendrier, modalités de dépôt, budget prévisionnel, recevabilité, critères d’évaluation. Parcours qui reflète plus une société technocratique et industrielle qu’une société qui reconnaitrait la valeur de l’art comme une richesse absolument nécessaire ! L’art comme opposition aux exigences d’utilité et de rentabilité. L’art engagé comme contre-pouvoir. Devons-nous rappeler que les artistes ne sont ni des outils de propagande du consentement et du conformisme ni du pain et des jeux ? Dans leurs recherches de lieux de création, de production, de répétition, de diffusion, énormément d'artistes sont confronté-es aux logiques marchandes et spéculatives ayant cours sur le marché immobilier (dont les coûts augmentent continuellement). Cette situation, qui rend difficilement accessible des infrastructures même modestes mais souvent indispensables, se traduit souvent par un isolement contre-productif à l’émancipation des individus. Cette situation se combine avec la baisse des budgets artistiques, le peu d’investissement des pouvoirs publics dans les structures destinées à la création et le manque de prise en considération ou même d’analyses de l’impact réel des métiers artistiques sur la société. Révélatrice des faiblesses du capitalisme néolibéral, cette crise pose directement la question de la réorganisation démocratique tant de l’économie que des intérêts des travailleurs. Il est urgent de faire face en mettant en avant des propositions concrètes radicales. Ce qui nécessite aussi des formes d’organisation capables de modifier l’équilibre social et politique en faveur des travailleurs. C'est "grâce" à cette crise et à partir de ces constats que nous avons décidé de reprendre certaines choses en main. Reprendre notre temps, notre énergie et notre souffle artistique à bras le corps en faisant, nous aussi, un choix : le choix de se regrouper ! Nous voulons saisir cette opportunité et la force de l'inépuisable ras-le-bol pour tenter, à notre échelle, une (r)évolution. Le projet se doit d'être ambitieux, comme tout ce qui est novateur. Petit à petit, l’idée prend forme : Une société coopérative par les artistes, pour les artistes et tous-tes les citoyen-es. Depuis toujours, les coopératives ont constitué un outil aux mains des citoyen-es pour infléchir l’économie et le social dans le sens de leurs aspirations et c'est bien ce que nous comptons faire ! Nous sommes intimement convaincu-es que les coopératives sont un puissant outil de démocratie économique [7]! Nous voulons nous réapproprier nos moyens de création/production artistique sans plus aucune dépendance institutionnelle. Mettre en commun nos moyens intellectuels, financiers, matériels et créatifs pour ensemble coopérer et ainsi créer de nouveaux possibles sur le territoire bruxellois. Partager salles de répétition et de spectacle, bureaux, costumes, expériences, matériels techniques et bien plus encore… Hakim Trabelsi Août 2020 uploads/s3/ capitalisme-neoliberal-systeme-economique-mondial-qui-nous-a-pourtant-une-fois-de-plus-montre.pdf

  • 49
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager