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Tous droits réservés © Éditions Continuité, 1992 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ Document généré le 22 avr. 2021 07:31 Continuité Le stade olympique Luc Noppen Montréal : le patrimoine moderne Numéro 53, printemps 1992 URI : https://id.erudit.org/iderudit/17637ac Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Éditions Continuité ISSN 0714-9476 (imprimé) 1923-2543 (numérique) Découvrir la revue Citer cet article Noppen, L. (1992). Le stade olympique. Continuité,(53), 31–34. DOSSIER Le Stade olympique et le Vélodrome: un manifeste unique en faveur de la création architecturale. Photo: RIO. par Luc Noppen LE STADE OLYMPIQUE Au-delà de la prouesse technique, au-delà de la controverse sans cesse ravivée, il y aie puissant symbole, l'œuvre d'art. L e nouveau Guide Michelinqui vient de pataître présente le Stade olym- pique comme l'un des points d'intérêt de Montréal. C'est néanmoins la «vue pa- noramique» depuis le sommet de la tour du Stade qui obtient la cote trois étoiles et l'œuvre d'architecture est reléguée au rang de simple attraction touristique. Pourtant, s'il y a bien des sites, édifices ou ensembles intéressants à Montréal, aucun de ceux-là ne pourrait remplacer efficacement le Stade pour si- gnifier par une vignette ce vouloir de modernité, de progrès, mais aussi d'origi- nalité et de distinction, qui tient à cœur aux Montréalais. U N OBJET CONTROVERSÉ Mais le Stade - et plus largement le Parc olympique - est né dans la contro- verse et fait encore aujourd'hui l'objet de débats vigoureux. Une déchirure dans la membrane du toit fait à la fois saigner le cœur de citoyens inquiets et sourire de satisfaction une intelligentsia qui dit nous avoirprévenusducaractèreirréalistedece projet. On peut proposer que l'éloge et la dérision appartiennent à des lectures dif- férentes. Il y a d'une part la consécration de certaines valeurs monumentales - intemporelles - et d'autre part l'évoca- tion de difficultés temporaires. La controverse quant au projet olympique concernait d'abord son coût de réalisation. Le chiffre magique du milliard de dollars a déchaîné des passions, de la même manière que l'hôtel du Par- lement - construit au coût de un million de dollars au lieu des 185 000 dollars prévus - avait indigné le public en 1884- Avec le temps et l'érosion de Ja dette (il faut ici remercier tous les bons fumeurs de la province), l'ampleurde l'investissement cède le pas aux frais d'entretien et de fonctionnement d'un équipement aussi sophistiqué. NUMÉRO 53 PRINTEMPS 1992 CONTINUITÉ 3 1 On a aussi fait la vie dure au projet olympique en raison du statut étranger de son concepteur, Roger Taillibert. Puis- que l'architecte était français, on en dé- duisait que son œuvre allait être étrangère au milieu dans lequel elle devait s'inscrire. Un Québec replié sur lui-même dans les années soixante-dix ne pouvait que ma- nifester de l'hostilité envers le maire Jean Drapeau qui avait invité Taillibert à Montréal. On avait déjà oublié que le passage des McKim, Mead et White, Maxime Roisin, Jacques Carlu, Antoine Courtens, Mies van der Rohe et I. M. Pei, entre autres, avait enrichi le paysage architectural de façon significative. LA VALEUR MONUMENTALE La décision de parachever le Stade selon le projet initial, après les Jeux olympiques, repose en bonne partie sur l'évaluation du potentiel monumental de l'objet controversé. Mais il existe diffé- rentes catégories de valeurs monumenta- les. Un édifice peut être conçu pour té- moigner - c'est le cas des monuments commémoratifs - ou bien devenir un té- moin après coup, par consécration pu- blique. Cette consécration peut s'appuyer sur l'histoire ou sur les qualités artistiques de l'objet; on parle ainsi de monuments historiques ou artistiques. Le Parc olympique a de toute évi- dence été érigé non seulement pour re- cevoir les JO mais aussi pour en inscrire le souvenir dans le paysage de Montréal. En termes de potentiel monumental, ses instigateurs ont misé sur cette volonté de commémorer, sur cette valeur «de remémoration intentionnelle» qui, selon les termes d'Aloïs Riegl, consacre le ca- ractère intentionnel et valorise l'aspect contemporain d'un monument1. Tout comme la figure de bronze de la place d'Armes rappelle Paul Chomedey de Maisonneuve, le Stade devait évoquer les JO, le réveil de Montréal et, qui sait, la contribution de son maire. Une deuxième valeur monumen- tale consacre un édifice ou un ensemble en fonction d'un potentiel historique. Pour que le Stade soit reconnu monument de ce point de vue, il aurait fallu le laisser inachevé de telle sorte qu'il expose sa difficile genèse et condamne publique- ment ses instigateurs. Puis, au fil des ans le vestige serait devenu ruine, par un lent processus de consécration. On aurait pu visiter le Stade, un peu comme le Colisée de Rome, et évoquer en même temps la grandeur des Jeux olympiques (certains ont même publiquement souhaité que les JO de Montréal soient les derniers) et la décadence de la société québécoise, inca- pable de réaliser ses rêves. Outre les valeurs de commémora- tion et d'histoire, on reconnaît aussi des monuments d'intérêt artistique ou architectural. Ce sont des bâtiments qui ont été conçus ou reconnus comme œuvres d'art, parce qu'ils sont significatifs sur le plan formel. On peut dire sans hésiter que les promoteurs du projet olympique à Montréal ont aussi misé sur «la valeur d'art» du complexe Stade-Vélodrome. Il y a eu volonté de faire œuvre d'art. LE STADE OLYMPIQUE COMME Œ U V R E D'ART Pour construire le complexe olym- pique, l'administration montréalaise a fait appel à l'architecte Roger Taillibert. Le fait de choisir un architecte «célèbre» et connu à travers le monde par une ex- pression architecturale pour le moins originale (le Parc des Princes de Paris) est un premier indice de la volonté de faire œuvre d'art2. En d'autres circonstances, les promoteurs de stades et équipements d'envergure ont d'abord misé sur la com- pétence technique des équipes d'ingé- nieurs, avant d'associer un designer au projet. Pour Montréal, Roger Taillibert a imaginé une œuvre nouvelle et originale, difficile à réaliser. Le Stade et le Vélodrome sont avant tout issus d'un processus de création organique. L'architecte a exploré librement le potentiel de la forme en se soustrayant à l'omniprésente grille de composition modulaire introduite par la Renaissance et consacrée par le mouve- ment moderne. Son propos était d'utiliser la matière (le béton) pour ériger un en- semble dont la forme dynamique évoque la tension, l'effort, mais aussi l'équilibre et l'harmonie, le tout pour traduire dans l'espace la thématique olympique. Le Parc olympique comprend plu- sieurs édifices qui ont chacun une forme symbolique: un stade en forme de disque elliptique, une tout qui jaillit de sa base, un vélodrome qui esquisse les traits d'un casque de cycliste. Le traitement du détail évoque la tension de l'effort musculaire; le squelette est ici musculature et non pas ossature. Ces trois structures sont ensuite intégrées dans un schéma d'ensemble: la tour se penche au-dessus du Stade qui s'incline sous ce poids. De la même ma- nière, la base de la tour exprime la tension de cette inclinaison, qui rejoint le vélo- drome. Autour, les accès et stationne- ments sont aménagés en terrasses avec le même souci d'échapper à la froide logique de l'angle droit. Le monument qui en résulte a une étonnante plasticité, un peu comme cet- tains édifices de Frank Lloyd Wright, sauf que le projet de Taillibert atteint une échelle jusqu'alors inconnue chez les ar- chitectes adeptes de l'architecture- sculpture. On peut affirmer sans hésiter que jamais un ensemble architectural n'avait aussi efficacement signifié la fonction sportive. D'immenses voûtes de béton relient les pattes de la tour au massif qui s'élève. Photo: RIO. 3 2 CONTINUITÉ NUMÉRO 53 PRINTEMPS 1992 On ne verra plus la magnifique coupole ni l'élégante piste du Vélodrome. Photo: RIO. Vue en coupe du Stade.La section en porte- à-faux sert essentiellement à contrebalancer le poids de la structure du toit.Tiré de The Canadian Architect, sept. 1976, p. 59. LE DÉFI À L'AMÉRIQUE Le projet de Roger Taillibert est tout entier contenu dans la maquette que le maire Jean Drapeau dévoile au public le 6 avril 1972. La complexité de l'objet à construire se révèle alors dans toute son étendue. L'architecte présuppose en effet que la forme commande la technologie et non le contraire comme c'est habituelle- ment le cas en Amérique du Nord. L'Amérique a rapidement adopté la construction à ossature d'aciet issue de l'école de Chicago. Après un long inter- mède Beaux-Arts, qui n'a fait que revêtir de stucs et de tuiles des structures réguliè- res, les modernes se sont déclarés disciples de Mies van der Rohe plutôt que de Le Corbusier en proposant une monu- mentalisation de la technique' au lieu d'une monumentalisation de la forme. L'ingénieur devient alors la figure domi- nante uploads/s3/ le-stade-olympique-luc-noppen.pdf

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