PIERRE KLOSSOWSKI PIERRE KLOSSOWSKI CATHERINE GRENIER BERNARD BLISTENE CLAUDE R
PIERRE KLOSSOWSKI PIERRE KLOSSOWSKI CATHERINE GRENIER BERNARD BLISTENE CLAUDE RITSCHARD PASCAL BON!TZER MARIE-DOMINIQUE WICKER ANTHOLOGIE DES ECR/TS DE PIERRE KLOSSOWSKI SUR LART FRANCO CAGNETfA ANDRE MASSON PIERRE ZUCCA L'E.TAT DES LIEUX LA DIFFERENCE/CENTRE NATIONAL DES ARTS PLASTIQUES Anthologie des ecrits de Pierre Klossowski sur l'art La Judith de Frederic Tonnerre * Maintes fois traite par les anciens maitres. plus nremcnt par ks modcrnes jus4u'd dispa- raitre tout ~~ f.Jit. le sujet de Judith et Holo- pheme a ete repris par 'Tonnerre de f<1<;on rCprChensibk. mais avec !'aplomb qm caractt~ rise les travaux de sa meilleure quoique breve pCriode (1865-73).- si toutefois !'on consent :t admettre sa maniere d'imagier subtil sous son apparente vu!garitC, au lieu de condamner en hloc ses travaux comme autant d'appendices inCvoluts de b grande peinture, ct particuliere- ment sa Judith. et ceLl au nom d'une tradition i..:onogrJphiquc dont ce tableau semble se reclamer frauduleusement. Le rta!isme, tempCrC de rCvene ct de retlets neoclassicistes, qu'il tient d'unc triple. ::;ucces- sive influence {Courbet dont il fut !'d6ve, a pres ChassCriau ct Ingres) n'en est pas moins fortement Cquilibre par un metier accompli et sans tncherie. et une franchise pleinement eduquee' qui !e preserve Je tomber dans !es deliquescences poetiques oU un Gustave Mo~ reau a fini parse compiaire. AussJ bien pour juger sa Judith et la decrire. faudrait-il retrouver la sobriete sinon Ia naivete convenue (fun amateur des Salons de Diderot, ~- d'autant que pareille entreprise ne disposait encore d'aucune thEorie ni d'aucune subversion )ystCmatique pour se defendre, et ne prCtendait non plus a aucune demonstration acadernique, si ce n 'est d'affirmer avec de so !ides movens le plaisir de representer ses emotions. " Et pUisque nous avons affaire ici a l'un des Nus de Tonnerre. ~ mais guel ! - voyons ce qui empecherait de ranger cet e!Cve oublie de Courbet parmi les maitres du Nu traditionnel, du Nu en tant que sujet, des lors que sa Judith, • !n hf?ures, ~eptembre 1961. Paris. 162 quant ~l !a facture d la mise en page. t~moigne de i'idcntik entre !a nature et le style que tous ks maitrt .. 'S du genre ont ohservCe, --- dCg:ageant le style dans Ia nature en dfcL dahorant leur vision de Ia nuditC feminine d'apres un en- semble de points de rep0res Cmotifs. les accentuant tant6t ici, tantbt hi -.;cion k tempera- ment et l'humeur. les ag:enc;ant it la faveur de tel ou tel aper<;;u du corps dans !'espace. Et il n'y aurait point de style si les :-;tructures naturelles ne colncidaient. de hl\On contrariante, eprou- vante pour le savoir-faire de !'artiste, avec !es points de reperes emotifs que sont toujours tant pour le contemplateur que pour !'artiste, lcs Jifferentes zones du corps feminin col. epaules, seins, ventre, flancs. chute dt.!s reins, cuisses, gcnoux et mollets, que les attitudes. soit de mise en mouvement. soit de repos. soit de la position il \a renverse ou de la station de bout. doivent mettre en valeur. Or. dans le Nu~sujeL les attitudes quelles qu"eiles soienL restent, quant a l'effet totalement subordon- nt!es a r expression de la physionomie me me en laquelle se refJetent encore une fois toutes les nuances d'un ~tat actif ou passif, et qui permet a pareil!es ceuvres d'enfermer le contemplateur dans leur necessite. Sur un fond vaporeux de tentures bleu sombre se detache, de face. dans toute sa nudite, la grande jeune femme accroupie, le front incline, ceint d'un diacteme, couvant du regard l'Cnorme tete de l' Assyrien dtcapite qu'elle tient entre ses cuisses - visage de madone aux paupieres baissees. les ailes du nez fortement accusees, humant presque le pos- thume assouvissement de l'homme punL mais respirant le sien propre. Les fossettes aux joues, Ia moue de ses levres satisfaites plut6t que priantes, l'immodestie de ses triomphants appas, l'indecence de la pos- ture donnee a cette figure monumentale - si Holopherne sans tete se fllt avise lui·meme de ht pelndre' !'effd n 'en eO.t pas ere plus makfi- que ! Observons !'Clan du busrt' et du torse de ct corps femmin. haut ct immobile. suivons. dam. ses angles et ses courbes. Je mouvement des bras. qui va s'articulant dcpuis Jes doigts de !a main Ccartant lc voik jusqu·a !'extrtmite de !'autre main, qui repose sur la face d'Holo- pherne dam ia partie inftrieure du tahieau. Et d'abnrd.la iorcc pleine. cornme soupes~~c. des Cpaules et des scins ~l l'ep!derme poli. aux temtcs rvomnes. Ia leg:Crc torsion du cou transparent. commandee par !'inc!inaison it pcinc indiqu&c· du front el du visage aux .ioue.~ veloutecs. A hauteur dcsquelks. perpendicu- laire. l'avant~bra:-.. dresse, retournanL wr~ !"orei!!e. Ia main vue de dos, d'un gestc dtsinvo!te de scs doigb cffi!es re.jetant !e voile qui. attache au diademe. flotte dessus ]'(_~paulc f!Cste val ant un soup<,-on de coqucttene. dans k rapport de !a main au contour du visage. rehaussant lc plein de;.. jouc:.. les arcades des sourci!s. les paupi0n;s haissees · !'intense recti- tude du nez. les l&vres tw..:n fenducs. !es fossettes du sourin: et Ia presque vorace ferme!C du menton. A quoi s'ajoute Ia lig:nc ondoyantc du cou, Ia rondeur des epaules. l"onctueusc sphencite des seins. qui solliCJtent a l't'xcCs !a tactilitC mCme du contemp!ateur. Le p:este de Ia main Ccartant le voile haussc lcg:Crcment le contour de I'Cpaulc. mt~nageant un \"ide oU sc dC.coupe Ia longue cncolure. !'autre Cpauh: s'infltchissant cl'un deg:re dans l'allongement du bras gauche, lequel. pressc contre le sein. en rekve un peu le mamelon. mcttant une asyrnctrie dam Ia disposition de Ia gori!c. bien soutenuc en de~ tcinte~ de jaune moyen l'\ de Sicnnt' nature lie. ct donn ant de !'animation dans la region dcssm k d6mc du ventre. crun ocn' scintillant. que c.ontournc !'avant-bra:. dessus le pubi~ sans pour autant k dissimuier. mais avan~ant !a main. appuyec de ~cs \(mgs doi!!h sur !es paupiCre:-.. cntrouvertts d'Ho\(lpbcme Mais ;'1 quelques pas de rccul. ta configuration de n·!tc Judith nc laisse pa~ cfcvoquer celle d'unc Immense locuste. S'appuyant de \a main sur la rete tranchtc d'Holopherne, elle est cam pee, le mollet au puissant ga!be ramene contre Ia cui sse. le pied post' sur le linge du lit, un peu en de<;k1 du nivcau oU gi"t ia tete de !'hommc- cc qui, en contraste' avec le rayonnant visage qui do mine. a pour effet d'accentuer !e caractCre animal de Ia posture. r0scrvant ~l Ia vue en cctt.:: partie inft,neurc l'en-dessou:. de ia cuisse Ccartec dont on remonte k muscle en sail!ic et dont on retrouve sous !e moltet. au mveau de la chevilk. le rli s'incurvant fl la naissance de )a fesse !2-gi."rement rebon(lJe- lil oU se rcnouvel- !ent de:-. nuances de jaune moyen t't de vermillnn. tandis que !'autre jambe offre. ;l gauche du tableau. lc volume en fuseau de Ia cuis~c da!Ce que fr61e Ia chevdun: de J'hnmmc, jusqu·au g:enou au bord de la couche dont le tinge forme Ia base du tableau. Quant a Ho!ophcrne, quant i1 ce qui reste de !UJ- plm qu'ailleurs ici Ia partie vaut lc tour ! Ouelle luhricit0 ~·en alia avec Je tronc. Ia t&tc. par sn seule dimension. en serait lc gage. qui. retrancht'-c dans !'ivrcsse. en c()ncentrc pour tors Ia sinis.trc· amertume -··sa barhe nous e<Jchc sa plaic mais. tel que!. reduit <'t Ia seulc exprc:-.sion d'un ref!ard eteint. £1 tout jama1s fixe sur la cause mCme de son extinction, gisant l~t. a ddaut du corps- que! cri vehement frustrc s<t bouche. horrihlcment bCantc entre le:: cui~ses dt: s;\ meurtritrc. prnmptc il nnycr dan:: lc sang !'infamie assum0c. tant que docile ~~ !'odieuse etreintc " Or. parci!!c. tl',te ne diffCrer:.ut en rien de cellc plus ci'unc to is cntrcvue. hvidc. dam !'iconogra- phic hihliquc. de (Johath, penduc aux frCies phalanges des dui!!b du pfttrc, ni ce!lc du Baptiste sur k plat de LJ damcusc -- n·etait ici le lieu oil Tonnerrc a choisi de !a dispo~er et la fa ire figurer sur son rahleau. placee sur le lingt: du tit. contrc le puhis de son cxccutrice. me\ ant sa chevclun: crCpek'c et sang!ante ;'t Ia fauw toison. nagulTe visitCe, de !'hCroi"ne, que Ton- ncrn: osa pcindrc -·- n'etait Ia main de Judith, n'etaient scs doip.ts. lesque!s, aprl':-. un jeu de feintc docilit0. vicnnent, de leur pulpe. efileu- rer lcs paupi0rcs du ctecapitc. 163 ------------------------------------------------------------------------------------------------------------~' Ouelle est ici l'idCe de Tonncrre ·)Que lie est cctte pudeur mversec de Judith ? Craint-elle enwre J'Ctre vue par lui davantage qu'clle ne -;e montrc au contemplatcur, ou Ho!opherne vott-il des ce moment k ciel 0 L'artiste a-t-d cede [l. Ia kntation de montrer deux choses dans un seul gcste. qu'il appartJent pour lors au cnntemplatcur de demeler ·) N'a-t-il pas vuulu trop insister sur un mouvement dans l';lme de la JU~ticii:rc qu1 exc!urait chez elle la stmplicite de l"hCroi'ne. Ia candcur de Ia sainte ? Ses doigts a!!onges, d peints avec tant de dC!icatesse, et qui font de cctte main femmmc et hardie une tache chaude sur le fond cireux de Ia tete cxsangue, traduiraient un ultime ressentiment. l'omhre tl'une CmotJOn que l'Espnt saint aurait uploads/s3/ pierre-klossowski-anthologie-des-ecrits-de-pierre-klossowski-sur-l-x27-art.pdf
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- Publié le Apv 10, 2022
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