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Tous droits réservés © Protée, 2001 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ Document généré le 2 sept. 2022 10:48 Protée Les objets en peinture : un exemple d’interobjectivité « matrimoniale » Lucia Corrain Volume 29, numéro 1, 2001 La société des objets. Problèmes d’interobjectivité URI : https://id.erudit.org/iderudit/030617ar DOI : https://doi.org/10.7202/030617ar Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Département des arts et lettres - Université du Québec à Chicoutimi ISSN 0300-3523 (imprimé) 1708-2307 (numérique) Découvrir la revue Citer cet article Corrain, L. (2001). Les objets en peinture : un exemple d’interobjectivité « matrimoniale ». Protée, 29(1), 65–73. https://doi.org/10.7202/030617ar Résumé de l'article Dans la peinture figurative, les objets perdent leur caractère de singularité pour assumer entre eux des relations de solidarité et de cohérence isotopique interobjective. L’analyse du diptyque de G. Metsu, Homme en train d’écrire une lettre et Dame en train de lire une lettre (1664), confirme cette hypothèse : les objets qui meublent les deux scènes concourent à produire un seul effet de sens. Dans le tableau consacré à la figure masculine, l’organisation des relations plastiques entre objets permet de déchiffrer le contenu de la lettre ; dans l’autre tableau, les objets servent à traduire les effets passionnels produits sur la jeune femme par l’arrivée de la lettre de son bien-aimé. Chaque objet de ce diptyque, même ceux de petite taille comme le dé, est renforcé par la mise en scène d’autres objets. 65 LES OBJETS EN PEINTURE PROTÉE, PRINTEMPS 2001 – page 65 LES OBJETS EN PEINTURE: UN EXEMPLE D’INTEROBJECTIVITÉ «MATRIMONIALE» Traduit de l’italien par Eric Landowski LUCIA CORRAIN À Giò, pour qu’il se souvienne, au moins une fois par an, d’écrire une lettre. QUELQUES CONSIDÉRATIONS SUR L’OBJET EN PEINTURE La peinture figurative, et particulièrement la peinture d’intérieur, offre des mises en scène qui paraissent organisées à partir ou autour d’objets de la vie quotidienne␣; ces objets, à la différence de ce qui se passe dans la réalité, ne sont jamais des présences «␣silencieuses␣» dont la signification ne serait liée qu’à leur fonction pratique, à leur usage. En peinture, en effet, un objet, du fait même qu’il se trouve représenté et inséré dans une composition, perd en partie son caractère de singularité pour devenir le maillon d’une chaîne relationnelle avec les autres objets et/ou avec un sujet. Et cela est vrai quel que soit le degré de présence des objets␣: dans la nature morte, «␣peinture des petites choses␣», selon la définition de Vasari (1568), faite d’objets reproduits grandeur nature et de façon intégrale, aucun élément constitutif (sabliers, têtes de mort, fleurs, fruits, horloges, etc.) n’est jamais neutre, tous ayant au contraire été retenus pour traduire, ensemble, l’idée de la vanité des choses et de la finitude de la condition humaine. Dans un autre genre, le portrait, les objets qui entourent l’effigie du personnage sont presque toujours chargés de parler des qualités ou des caractéristiques du modèle, et il en est de même pour les objets-attributs, qui certainement plus encore que les traits physionomiques définissent l’iconographie codifiée des saints. La peinture, par conséquent, en extrayant l’objet du quotidien l’inscrit dans un nouveau contexte où, au-delà de sa valeur de reflet du monde réel, sa fonction se trouve redéfinie dans la relation qu’il instaure avec le reste de la scène. Pour autant, cette relation n’est pas toujours la même␣: hors de la nature morte, où les objets ont un sens global et constant, les objets n’ont pas en général de sens symbolique fixé définitivement et c’est seulement de leurs rapports avec l’ensemble dont ils font partie que chacun d’entre eux tire son sens précis␣1. L’iconologie, l’une des disciplines qui s’est occupée du sens des textes figuratifs, est peut-être la seule jusqu’à présent à avoir attribué à l’objet un rôle central. Les premières anthologies iconologiques des XVIIe et XVIIIe siècles, en reprenant le modèle de l’emblème issu de la tradition aristotélicienne, se donnaient pour but 66 de dresser le catalogue des objets auxquels on attribuait un sens symbolique codifié. De façon comparable, Cesare Ripa avait développé le projet systématique de son Iconologia (1593) dans l’intention de cataloguer «␣les images faites pour signifier autre chose que ce que l’on voit avec les yeux␣». De même, la méthode iconologique moderne, dont la formulation canonique est due à Panofsky (1939), place l’objet à l’intérieur d’une correspondance biunivoque entre les objets et leurs définitions conceptuelles, jusqu’à concevoir, à la limite, le contenu d’une image comme une addition d’objets individuels (cf. Calabrese, 1985␣: 18). Voilà pourquoi, dans le contexte sémiotique, l’iconologie a été accusée d’être une discipline «␣lexicaliste␣»␣2 . Ne focalisant l’attention que sur le plan du contenu, elle néglige en effet, ou ignore délibérément l’articulation du plan de l’expression, et donc toutes les formes à travers lesquelles un texte visuel modalise l’observateur␣3. La méthode sémiotique de Greimas␣4 paraît être, en l’état actuel des recherches, la seule qui permette de dégager le sens d’un texte visuel en tenant compte des deux plans, celui de l’expression et celui du contenu. Cela malgré les critiques adressées à cette méthode qui, dérivée de l’étude des langues naturelles, ne tiendrait pas assez compte du fonctionnement spécifique du système visuel, fondamentalement différent de celui de la langue␣5. Grâce à la mise au point d’une série de catégories, elle invite à une lecture seconde, révélatrice des formes plastiques liées aux formes figuratives, permettant de reconnaître, à l’intérieur d’une même dimension figurative, des correspondances topologiques, eidétiques et chromatiques non perceptibles à première vue, et des formants plastiques qui, dans leur interaction avec le figuratif, contribuent à révéler des sens nouveaux, inattendus et plus articulés que ceux que peut repérer une simple lecture iconique. Considérant que tous les «␣objets␣» participent activement à la construction du sens, cette approche semble en outre la seule en mesure d’expliquer le rôle et le sens du système d’objets présents dans une image. À travers le repérage des rimes chromatiques et eidétiques, des systèmes vectoriels sous-jacents ou explicites, les objets et les sujets s’intègrent dans des structures relationnelles qui semblent se fonder presque toujours sur des liens de type «␣matrimonial␣», c’est-à-dire sur une contractualisation ou, en termes plus sémiotiques, sur une cohérence isotopique. LA PEINTURE «␣ÉPISTOLAIRE␣»␣: LE DIPTYQUE DE GABRIEL METSU On trouve dans la production picturale néerlandaise du XVIIe siècle un ensemble assez riche de peintures à caractère profane centrées sur le motif de la lettre, c’est-à-dire, plus précisément, où l’on voit des personnages, masculins ou féminins, écrire, recevoir ou lire des lettres. En pareil cas, la peinture met en scène un texte que quelqu’un est en train d’écrire ou de lire, sans que l’observateur du tableau puisse voir ou percevoir ce que l’on est en train d’écrire ou de lire. La peinture semble vouloir se limiter à représenter l’acte d’écrire, ou de lire, sans permettre au spectateur, à première vue, d’accéder au contenu de la lettre, sans créer, autrement dit, de «␣complicité␣» avec l’énonciataire. Bien que la lettre occupe toujours une place topologiquement importante –␣parfois elle fait l’objet d’une focalisation, par exemple grâce à la lumière␣–, son contenu, non lisible, n’est pas non plus susceptible d’être deviné à travers les gestes ou l’expression des visages des pesonnages␣; en effet, la gestualité ne traduit que l’activité d’écriture ou de lecture, et dans la généralité des cas les visages n’indiquent guère d’autre attitude ou état d’âme que la concentration. Dans cette production à sujet épistolaire, le diptyque de Gabriel Metsu6, Homme en train d’écrire une lettre et Dame en train de lire une lettre (fig.␣1 et 2), conservé à la National Gallery of Ireland de Dublin (1664ca.), occupe une place particulière. Ces deux peintures, comme l’ont montré avec beaucoup de subtilité analytique les études de Svetlana Alpers (1983) et de Victor Stoichita (1993), racontent une seule histoire␣7, alors que dans une dizaine d’autres exemples mettant en scène la rédaction ou la lecture de missives, on ne montre que l’un des deux pôles de 67 la communication, l’émetteur ou le récepteur␣8. Malgré la séparation effective en deux tableaux, le diptyque de Metsu fait voir le processus communicatif tout entier, de l’écriture à la lecture de la lettre, en sous-entendant, justement par la coupure en deux parties, et l’envoi et la transmission. Dans l’ordre, le premier tableau est celui qui représente une figure masculine en train d’écrire une lettre, auquel fait suite le tableau de la jeune femme en train de la lire. Pour soutenir que l’un est le pendant de l’autre, l’histoire de l’art s’est appuyée surtout sur le fait que les deux tableaux ont toujours fait partie de la même collection et qu’ils ont les mêmes dimensions (52,5 x 40,2␣cm). En revanche, la question qui, sémiotiquement, semble présenter le plus d’intérêt concerne l’indentification uploads/s3/ les-objets-en-peinture-un-exemple-d-x27-interobjectivite-matrimoniale 1 .pdf
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- Publié le Nov 14, 2022
- Catégorie Creative Arts / Ar...
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