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VOIE GÉNÉRALE ET TECHNOLOGIQUE Philosophie Tle eduscol.education.fr/ - Ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse - Mai 2020 1 Retrouvez éduscol sur Philosophie 2DE 1RE TLE Informer et accompagner les professionnels de l’éducation ENSEIGNEMENT COMMUN VOIE GÉNÉRALE ET TECHNOLOGIQUE ZHUANG ZI, NATURE ET ARTIFICE Gouverner et laisser aller la nature ? Art et artifice Comment peut-on améliorer les hommes sans les gouverner ? C’est la question que pose Ts’ouei-Kiu à Lao-Tan au chapitre XI (Laisser faire et tolérer). Comment éduquer sans dresser ou corriger la nature ? Une pensée qui professe que « seul celui qui n’agit pas peut vivre selon sa nature et ses dispositions originelles » (chapitre XI) peut-elle encore proposer une morale et une politique ? Une éducation du peuple, une gouvernance du monde, une maîtrise des choses, telles qu’elles sont constamment visées par les individus, les peuples ou leurs gouvernants, sont-elles encore souhaitables, à supposer qu’elles soient possibles ? Les titres des chapitres et les citations qui suivent sont par commodité, sauf indication contraire, tirées de la traduction de Liou Kia-hway de l’œuvre complète de Tchouang- Tseu (1969, connaissance de l’orient, Gallimard/Unesco, reprise dans l’édition de la Pléiade Philosophes taoïstes, 1980). Plus encore que pour d’autres auteurs, traduire Zhuang Zi implique de la part des traducteurs des choix qui engagent des principes de compréhension induisant des interprétations diverses. Aucune traduction n’est littérale. Une prudence de rigueur s’impose notamment au sujet des citations brèves. Elles doivent surtout inviter le lecteur à se reporter aux chapitres entiers et au moins aux développements au sein desquels elles prennent leur sens, avant de risquer tout rapprochement avec des doctrines qui nous seraient plus familières sur le seul fondement des termes. Le lecteur qui découvre le texte de Zhuang Zi doit donc avancer dans sa lecture avec circonspection et prendre le temps de discerner le sens du texte, par une fréquentation régulière. Une comparaison régulière des diverses traductions permettra au moins de deviner la richesse et la polysémie du texte. La consultation de L ’histoire de la pensée chinoise de Anne Cheng (éditions du Seuil, 1997), notamment des chapitres 1 à 11, pourra aider à appréhender un contexte historique et un environnement intellectuel sensiblement éloignés des traditions classiques gréco-latines et judéo-chrétiennes. « En somme, l’Ancien qui savait se préserver ne fardait pas son intelligence avec des discours, ne réduisait pas le monde ni la vertu à la détresse par son intelligence. Prudemment, il gardait sa place et rejoignait sa propre nature. Pourquoi agir ? » Chapitre XVI Corriger la nature VOIE GÉNÉRALE ET TECHNOLOGIQUE Philosophie Tle eduscol.education.fr/ - Ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse - Mai 2020 2 Retrouvez éduscol sur La présente ressource ne prétend pas trancher dans un débat qui engage une interprétation générale de la pensée complexe de Tchouang-Tseu, mais se propose de montrer en quels termes le problème peut se poser dans le texte, en s’appuyant sur des éléments de commentaire des premiers paragraphes du chapitre IX, où comme en maints passages abondent les exemples techniques, et où s’exprime pourtant une pensée du laisser-être et du laisser-faire qui considère la nature comme un modèle d’harmonie et d’équilibre dans lequel il faut intervenir le moins possible (règle ou doctrine du non-agir). Les exemples techniques L’anecdote ou la parabole met en scène l’expertise de maîtres initiateurs de traditions techniques civilisatrices. Chacun des trois arts pris en exemple donne lieu à la prétention d’un savoir : ils illustrent en cela l’erreur de ceux qui veulent gouverner le monde. Les meilleurs et les plus réputés des techniciens dont l’art se transmet de génération en génération ne respectent pourtant pas la nature des chevaux, de l’argile et du bois, qu’ils prétendent soumettre. La nature ne désigne pas seulement l’univers matériel sur lequel agissent les hommes, mais englobe aussi le monde des hommes : la série des chapitres où se situe cet extrait (au moins les chapitres VII à XI) revient de façon récurrente sur la question du gouvernement, gouvernement des hommes, de l’État, de soi. Il y est question de la possibilité de gouverner « La nature [性 xìng] fondamentale du peuple », les « dispositions originelles [性命 xìng mìng] » de chacun (chapitre XI), ou encore la « nature originelle [常然 cháng rán] » des hommes (chapitre VIII). Le terme [命 mìng] évoque l’idée de nécessité ; l’expression [常然 cháng rán] est quant à elle difficile à traduire : on pourrait dire « son être-tel ordinaire », il ne s’agit pas à strictement parler du mot «nature ». Notre mot « nature » peut signifier dans certains contextes l’être originaire, fondamental ou l’essence. Les difficultés de traduction face au texte chinois nous invitent à la prudence, les renvois précédents aux termes chinois nous « Les chevaux ont des sabots qui peuvent fouler le givre et la neige ; ils ont un pelage qui les protège du vent et du froid. Ils broutent l’herbe, boivent de l’eau, lèvent leurs pattes et sautent. Telle est la véritable nature [性 xìng] des chevaux. Ils n’ont que faire des carrousels et de vastes écuries. Un jour Po-lo apparut et déclara : « Je sais dresser les chevaux. » Il brûla et tordit leur poil, rogna et marqua leurs sabots ; il les brida et les entrava, puis il les attacha dans une écurie parquetée de lits de branches de bois. Deux ou trois chevaux sur dix moururent. Il les fit souffrir de la faim et de la soif ; il les fit trottiner et galoper ; il les aligna et les disciplina ; il tortura leur bouche avec le mors et cingla leur croupe avec la cravache. Plus de la moitié des chevaux succombèrent. Le premier potier déclara : « Je sais manier l’argile. » Il utilisa le compas pour les formes arrondies et l’équerre pour les formes carrées. Le premier charpentier déclara : « Je sais travailler le bois. » Avec le crochet il fabriqua les parties courbes et avec le cordeau les parties droites. La nature [性 xìng] de l’argile et celle du bois se soumettent-elles au compas et à l’équerre, au crochet et au cordeau ? Cependant, on répète depuis des générations que Po-lo sait dresser les chevaux, que le potier sait manier l’argile et que le charpentier sait travailler le bois. Telle est l’erreur de ceux qui veulent gouverner [治 zhì] le monde ». Chapitre IX, Sabots de chevaux VOIE GÉNÉRALE ET TECHNOLOGIQUE Philosophie Tle eduscol.education.fr/ - Ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse - Mai 2020 3 Retrouvez éduscol sur faisant mesurer la part de commentaire engagée par les choix des traducteurs. En tout état de cause, ce qui se laisse comprendre dans ces chapitres comme la « nature » des hommes est, face aux rites, aux pratiques civilisatrices (musique), aux institutions (vertus morales, justice), comme la nature des chevaux, de l’argile et du bois face à l’art du dresseur, du potier ou du charpentier. L’artificialité leur fait violence en leur imposant de l’extérieur un mouvement contraire. Le mors torture la bouche des chevaux, l’écurie même luxueuse les enlève à leur milieu sauvage et aux rigueurs auxquelles leur nature les conforme ; l’apprentissage des pas réglés contraint leur allure naturelle, les privations de nourriture les disciplinent ; mais cette série d’atteintes à leur libre croissance entame leur force vitale et coûte la vie à plus de la moitié d’entre eux. Le compas et l’équerre imposent des formes géométriques déterminées et fixes à la plasticité de l’argile informe, riche en puissance d’un nombre indéterminé de formes. Le crochet du charpentier creuse des courbes dans les planches droites et son cordeau redresse les troncs et branches courbes, imprimant au sens naturel du bois une direction contraire mais conforme aux désirs de l’artisan. Les taoïstes appellent le « wei » l’agir qui force la nature, l’action volontaire au sens où l’individu cherche à imposer son moi en allant à contre-courant du cours naturel, c’est-à-dire spontané, des choses, le Dao ou Tao. Le non-agir, « wuwei », se comprend en ce sens plutôt comme l’agir qui épouse la nature en suivant son cours spontané, sa voie ([道 dao]. La notion de « nature » se retrouve également dans ce qui est produit par le Ciel (l’action du ciel [天為]) et non par l’homme (l’action de l’homme [人為]) et est exprimée par un idéogramme distinct : « Le don du ciel, c’est la nature reçue à la naissance [天而生也 tiān ér shēng yě : littéralement « sa naissance céleste »] » (Chapitre VI, traduction Wieger). Le caractère 生 shēng, qui signifie naissance, est contenu dans le caractère 性 xìng, qui signifie nature, ce qui permet un rapprochement avec le latin natura, par exemple, où l’idée de naître est au premier plan. Ce terme est distinct de celui qui exprime la nature comme cours naturel et spontané des choses, également traduit par « la voie » : [dao 道]. Un autre terme se laisse traduire par notre mot « nature » : li 理, qui signifie la constitution naturelle, la structure interne. uploads/s3/ ra20-lycee-gt-ter-philo-zhuang-zi-nature-artifice-1293760 1 .pdf
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- Publié le Mai 15, 2021
- Catégorie Creative Arts / Ar...
- Langue French
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