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Librairie Droz is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Diderot Studies. http://www.jstor.org Le temps de la couleur: Le "Salon de 1763" de Diderot Author(s): Marian Hobson Source: Diderot Studies, Vol. 30 (2007), pp. 113-123 Published by: Librairie Droz Stable URL: http://www.jstor.org/stable/40372893 Accessed: 09-03-2016 17:39 UTC Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at http://www.jstor.org/page/ info/about/policies/terms.jsp JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact support@jstor.org. This content downloaded from 165.190.89.176 on Wed, 09 Mar 2016 17:39:08 UTC All use subject to JSTOR Terms and Conditions LE TEMPS DE LA COULEUR: LE SALON DE 1763 DE DIDEROT Dans le Salon de 1763, son troisieme exercice du genre, tout se passe comme si Diderot decouvrait pour la premiere fois toute la force de la couleur, toute la complexite de son usage dans la peinture a l'huile. Sa collecte d' informations sur les beaux-arts, qui avait commence bien tot avec ses emprunts a la Bibliotheque du Roi1, se situait pourtant dans une tradition ou la rivalite de la forme et de la couleur etait grevee d'une longue histoire et d'un passe retors. Les estheticiens du XVIIe siecle - Poussin dans ses Lettres2, Felibien dans ses Entretiens5 - avaient privilegie le dessin, la composition, la ligne, qu'ils assimilaient a l'idee, a Tintellect, a la definition, contre la «pate» posee par la brosse sur la toile, les pigments et l'huile informe et ubiquitaire qui les relie. La matiere, depourvue de forme inherente, alliee au symptome plutot qu'a une intentionnalite, n'est valorisee que par la ligne qui la delimite et le dessein qui la dirige dans la representation. Que la Querelle de la couleur a TAcademie de peinture, qui relancait l'opposition anterieure entre les partisans de Poussin et ceux de Rubens, se soit soldee par une victoire politique des coloristes4, que la pratique des artistes de la fin du XVIP siecle ait transcende un simple choix entre dessin et couleur n'a rien change a l'arfaire. Davantage, cette opposition persiste dans la structure theorique des debats esthetiques du XVIIP siecle, malgre la resistance a la fois subtile et vigoureuse du grand commentateur Roger 1. Jacques Proust, « L'initiation artistique de Diderot », Gazette des Beaux-Arts 55 (avril 1960), p. 225-232. 2. Nicolas Poussin, Lettres etpropos sur I art, Paris, Hermann, 1989. 3. Andre Felibien, Entretiens sur les vies et sur les ouvrages des plus excellents peintres anciens et modernes, Paris, Societe des Belles Lettres, 1987 [1666-1688]. 4. Voir Bernard Teyssedre, Roger de Piles et les debats sur le colons au siecle de Louis XIV, Paris, La Bibliotheque des Arts, 1957 ; Jacqueline Lichtenstein, La couleur eloquente, Paris, Flammarion, 1989. This content downloaded from 165.190.89.176 on Wed, 09 Mar 2016 17:39:08 UTC All use subject to JSTOR Terms and Conditions 114 MARIAN HOBSON de Piles (1635-1709)5, malgre 1 esthetique nouvelle de l'abbe Dubos (1670- 1742)6 et surtout malgre une pratique picturale radicalement renouvelee chez les grands artistes des premieres decennies - Watteau ou Lemoyne - qui passent outre cette opposition trop simple7. Dans le Salon de 1763, le lecteur assiste a une mise sous tension de ce regime historique et culturel par une experience personnelle. Les Salons de 1759 et 1761 me paraissent surtout comme les exercices de solfege de celui qui est en train de devenir un tres grand critique d'art. II en va autrement de leur successeur. Le lecteur est temoin d'un processus d 'adaptation et comme de digestion, comme si a travers la redaction de ses notes, Diderot se rendait compte que tout le pousse a reevaluer ce qui dans Tart ne lui paraissait qu'une simple technique. Tout au long de ce texte, il souligne presque a chaque page les modes varies, les differents effets dont dispose l'artiste dans sa pratique de la couleur et il neglige plutot dans son commentaire le dessin et la ligne. Dans ce sens, le Salon nous permet de suivre l'initiation d'un amateur sensible, mais qui ne manie pas le pinceau, a la materialite de la peinture. Or, a y regarder de plus pres, on remarque que Diderot cherche egalement a exprimer quelque chose de moins ordinaire: comme une perfusion de la matiere picturale par une experience du temps, tant du cote du peintre que du spectateur - une matiere qui charrierait avec elle sa propre evanescence. QjJEL GENRE DE MATERIALITE? Et puis encore une petite digression, s'il vous plait. Je suis dans mon cabinet, d'ou il faut que je voie tous ces tableaux; cette contention me fatigue, et la digression me repose. Assemblez confusement des objets de toute espece et de toutes couleurs, du linge, des fruits, des liqueurs, du papier, des livres, des etoffes et des 5. Voir par exemple Dialogue sur le colons, 1673; Abrege de la vie des peintres, 1699; L'Idee du peintre parfait, 1707; Cours de peinture par principes, 1708. 6. Abbe Jean-Baptiste Dubos, Reflexions critiques sur la poesie et sur la peinture, Paris, Jean Mariette, 1719, 2 vol. 7. Voir aussi les ornemanistes Meissonnier ou Oppenord chez qui le dessin souvent fantastique tranche avec le materiel et initie un jeu entre ligne et couleur; chez Oppenord, par exemple, une soupiere en argent a forme a la fois realiste et baroquement compliquee d'un homard pose sur une coquille, contrebalance la couleur du metal sobre mais comme raye de lumiere. This content downloaded from 165.190.89.176 on Wed, 09 Mar 2016 17:39:08 UTC All use subject to JSTOR Terms and Conditions LE TEMPS DE LA COULEUR 115 animaux, et vous verrez que 1'air et la lumiere, ces deux harmoniques universels, les accorderont tous, je ne sais comment, par des reflets imperceptibles : tout se liera, les disparates s'affaibliront, et votre oeil ne reprochera rien a l'ensemble. L'art du musicien qui, en touchant sur l'orgue l'accord parfait d W, porte a votre oreille les dissonants ut, mi, sol, ut, sol, si, re, ut, en est venu la ; celui du peintre n'y viendra jamais. C'est que le musicien vous envoie les sons memes, et que ce que le peintre broie sur sa palette, ce n'est pas de la chair, de la laine, du sang, la lumiere du soleil, l'air de l'atmosphere, mais des terres, des sues de plantes, des calcines, des pierres broyees, des chaux metalliques. De la 1' impossibility de rendre les reflets imperceptibles des objets les uns sur les autres ; il y a pour lui des couleurs ennemies qui ne se reconcilieront jamais. De la la palette particuliere, un faire, un technique propre a chaque peintre. Qu'est-ce que ce technique? L'art de sauver un certain nombre de dissonances, d'esquiver les difficultes superieures a l'art. Je defie le plus hardi d'entre eux de suspendre le soleil ou la lune au milieu de sa composition sans offusquer ces deux astres ou de vapeurs ou de nuages ; je le defie de choisir son ciel tel qu'il est en nature, parseme d'etoiles brillantes comme dans la nuit la plus sereine. De la la necessite d'un certain choix d'objets et de couleurs; encore apres ce choix, quelque bien fait qu'il puisse etre, le meilleur tableau, le plus harmonieux, n'est-il qu'un tissu de faussetes qui se couvrent les unes les autres. II y a des objets qui gagnent, d'autres qui perdent, et la grande magie consiste a approcher tout pres de la nature et a faire que tout perde ou gagne proportionnellement ; mais alors ce n'est plus la scene reelle et vraie qu'on voit, ce n'en est pour ainsi dire que la traduction8. Ce paragraphe presente comme digression roule tout entier sur la couleur : on verra a la fin de mon propos que la reflexion sur la materialite et les modes de celle-ci envahit le Salon tout entier. Diderot evoque un « assemblage » d'objets divers et barioles - « de toutes couleurs ». Dans la realite, dit-il, ces couleurs sont moderees par « l'air et la lumiere, ces deux harmoniques universels » et ne se portent pas tort les unes aux autres. Comme la modulation dans la musique, ou les harmoniques rendent possibles des passages sans heurt entre les differentes clefs, la lumiere dans la nature genere les reflets des couleurs sur les objets, qui attenuent leurs contrastes et comblent les distances entre elles par des gradations imperceptibles. Dans les beaux-arts, les choses se passent differemment. La musique emploie sa 8. Denis Diderot, article « Deshays », dans : Salons, Jean Seznec et Jean Adhemar (ed.), Oxford, Clarendon Press, 1957, vol. I, p. 217. This content downloaded from 165.190.89.176 on Wed, 09 Mar 2016 17:39:08 UTC All use subject to JSTOR Terms and Conditions n6 MARIAN HOBSON matiere sans autre, car elle cree le son meme: une vibration de l'air et du tympan qui la percoit. Sa matiere est paradoxale, aerienne, sans corps autre uploads/s3/ hobson-m-le-temps-de-la-couleur-le-salon-de-1763-de-diderot 1 .pdf

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