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See discussions, stats, and author profiles for this publication at: https://www.researchgate.net/publication/47563563 Les mots composés VN Article · January 2009 Source: OAI CITATIONS 23 READS 1,737 1 author: Florence Villoing Université Paris Nanterre 36 PUBLICATIONS 140 CITATIONS SEE PROFILE All content following this page was uploaded by Florence Villoing on 21 October 2016. The user has requested enhancement of the downloaded file. Fradin B., F. Kerleroux, M. Plénat (eds). Aperçus de morphologie du français. Saint-Denis : PUV. Les mots composés VN Florence Villoing Université de Paris 8 et UMR 7023, CNRS & Paris 8 1 Introduction1 Le français, comme d’autres langues romanes (et à la différence des langues germaniques), construit des noms, noms d’objet (animés ou artefacts) ou d’événement, par composition d’un verbe et d’un nom2. Ce mode de formation est particulièrement productif. (1) Noms composés VN du français3 a. ouvreV-boîteN [nom d’artefact] b. casseV-piedN [nom d’humain] c. lècheV-vitrineN [nom d’événement] d. (porte) coupeV-feuN e. (personne) rabatV-joieN (2) Noms composés VN de l’italien a. spremiVlimoniN : lit.‘presse citron’ [nom d’artefact] b. portaVbagagliN : lit.’porte bagages’ [nom d’humain] c. baciaVmanoN : lit. ‘baise main’ [nom d’événement] d. (nave) portaVcontainerN : lit. ‘(navire) porte container’ e. (ragazzo) rompiVcolloN : lit.‘(garçon) casse cou’ (3) Noms composés VN de l’espagnol a. lanzaVcohetesN : lit. ‘lance roquette’[nom d’artefact] b. comeVcurasN : ‘anticlérical’N, lit. ‘mange curé’ [nom d’humain] c. besaVmanosN : lit. ‘baise main’ [nom d’événement] d. (monstruo) tragaVestrellasN : lit. (monstre) ‘avale-étoile’ e. (yo soy más) rompeVteterasN : lit. (je suis plus) ‘casse théière’4 Depuis le 19ème siècle, les mots composés VN ont fait l’objet de nombreuses études, dans plusieurs cadres théoriques. Au fil du temps et à travers les différentes approches, l’analyse de ces mots composés est sous-tendue par une question récurrente : sont-ils 1 Je tiens vivement à remercier Bernard Fradin, Françoise Kerleroux, Fiammetta Namer et Marc Plénat qui ont activement contribué à la rédaction de cet article, par leurs nombreuses relectures et leurs propositions. Je remercie aussi avec beaucoup de chaleur nombre de collègues qui ont écouté et commenté plusieurs versions de cet article ; je pense en particulier aux membres du GDR de morphologie, aux participants au séminaire de morphologie de Paris 10, à ceux du séminaire de l’UMR 7023 de Paris 8 et à mes collègues de l’université de Constance et de Bologne. 2 J’emploierai « composition VN » pour désigner le mode de formation et « mots composés VN » pour les mots construits résultant de ce mode de formation bien qu’ils soient des lexèmes. 3 Certains mots composés VN apparaissent uniquement dans des syntagmes ou des locutions figés : par exemple, jouer à saute-mouton, un crime de lèse-majesté, faire du lèche vitrine, à rebrousse-poil, d’arrache pied, à brûle pourpoint, à l’emporte-pièce, à lèche-doigts, en un tournemain, à tue-tête. 4 Pour plus d’exemples, voir le site de Morbocomp de l’Université de Bologne, Italie (en construction à cette heure) (http://morbo.lingue.unibo.it/morbocomp/index.php) Les composés VN 2 construits par une règle morphologique de formation de lexèmes ou sont-ils des constructions syntaxiques lexicalisées ?5 Cette question repose fondamentalement sur la représentation que se donne la théorie des unités mises en jeu dans la construction des lexèmes et de la nature de la relation entre elles. Dans le cas des mots composés VN, la question a longtemps été de déterminer si les composants étaient (i) des mots, tels qu’ils apparaissent dans une phrase, agencés selon des principes syntaxiques ; (ii) ou des thèmes, unités morphologiques hors emploi syntaxique, agencés selon des règles morphologiques. L’identification du type d’unité mis en jeu dans les composés VN a été rendue difficile à cause du fait qu’on y reconnaissait des mots. Cette évidence reposait sur une représentation non aboutie de l’unité morphologique (tant du point de vue phonologique que sémantique) qui ne permettait pas, dans les cas d’homophonie (majoritaires, ici), de la distinguer de l’unité syntaxique. Ainsi, les grammairiens du 19e siècle (et plus tard certains grammairiens post-lexicalistes) ont-ils reconnu dans l’unité porte de porte- plume, la forme verbale conjuguée parce que cette même forme peut apparaître dans une phrase cf. Villoing (2002, 2003). De même, on a identifié la relation entre porte et plume comme celle d’un verbe et de son complément d’objet en particulier parce que la représentation des relations sémantiques entre unités lexicales n’était pas théorisée dans un cadre morphologique. Depuis, la morphologie a adopté un nouveau cadre théorique, la morphologie lexématique (Matthews (1974), Anderson (1992), Aronoff (1994), Fradin (2003), Booij (2005)) qui se donne pour unité de base le lexème, distingué du mot-forme, forme syntactisée de ce lexème et distingué du mot phonologique, forme phonologique de ce mot-forme. Le lexème est une unité lexicale abstraite non directement observable en énoncé. Le mot-forme qui lui correspond a ses traits morphosyntaxiques instanciés par le fait qu’il figure en énoncé. La réalisation morphophonologique de ces traits se manifeste dans le mot phonologique, forme du mot à laquelle notre expérience ordinaire de locuteur nous donne accès. L’identité du lexème repose sur au moins trois propriétés qui « constituent la base du signe linguistique, les éléments sans quoi ce dernier cesse d’exister » (Fradin 1996) : une forme phonologique, une catégorie syntaxique et une signification6. Ces propriétés sont représentées les unes indépendamment des autres, au sein de rubriques dissociées qui constituent des dimensions indépendantes. Pour autant, l’accès y est simultané (Fradin 1993), ce qui permet qu’une opération morphologique sensible à plusieurs de ces propriétés lexicales puisse mettre en œuvre l’ensemble de ces contraintes (voir l’article de Fradin et Kerleroux, ce volume). L’objectif de cet article est de montrer comment la notion de lexème, et au-delà, la morphologie lexématique, offre de nouvelles perspectives pour l’analyse des mots composés VN. En particulier, comment la distinction théorique lexème/mot-forme permet de reconnaître dans la forme du verbe un des thèmes du lexème (§ 2), et comment les propriétés sémantiques enregistrées au titre du lexème verbe permettent d’envisager les relations entre les composants des composés VN comme des relations 5 Dans le cadre de cette hypothèse, plusieurs types de phrases ont été envisagées (impérative, affirmative avec une relative) ; chacune des solutions nécessitant des aménagements pour rendre compte de la disparition du déterminant du nom, et le cas échéant, du sujet du verbe (Villoing 1999, 2000). 6 Pour plus de détails, voir, en particulier, Zwicky (1990), Fradin (1996), Aronoff (2000), Kerleroux (2004) mais aussi les travaux antérieurs indépendants de la morphologie lexématique tels que Chomsky (1965), Dell (1979), Milner (1989). Les composés VN 3 sémantiques entre lexèmes plutôt que comme des relations entre des éléments occupant des positions syntaxiques (§3). 2 Identité des unités 2.1 Identité phono-graphique du verbe • Point de vue phonologique L’analyse plus ou moins immédiate des unités impliquées dans la composition VN qui a conduit à y reconnaître des mots-formes, ne peut plus avoir cours avec la distinction lexème/mot-forme qui permet clairement de différencier, par exemple, la forme du lexème verbe du mot-forme de ce même lexème verbe, et ce malgré leur homophonie. On observe ainsi que les composants des mots composés VN ne répondent à aucun critère d’identification d’un mot-forme : le V et le N ne sont pas réalisés dans un contexte syntaxique mais hors-contexte, et (de facto) ne portent aucune marque morphophonologique représentant les traits morphosyntaxiques appelés par une réalisation syntaxique. En revanche, ils répondent parfaitement aux propriétés du lexème et notamment, pour ce qui nous occupe ici, aux propriétés phonologiques d’un lexème. Il a été montré que la représentation phonologique du lexème, enregistre non pas une séquence phonologique unique (c’est-à-dire un radical unique) mais une collection de thèmes, le thème étant défini comme « une des séquences phonologiques associée à un lexème dans une entrée lexicale » (ce dont rendent compte les notions traditionnelles d’allomorphie et de supplétion du radical). Ainsi, chaque verbe possède une famille indexée de thèmes appelée « espace thématique », qui, pour un verbe français, comprend 12 cases (Bonami & Boyé (2003)). Par exemple, le verbe boire utilise 3 thèmes différents pour l’ensemble de son espace thématique (cf. Tableau 1)7 : Lexème Thème 1 (PRST. SG) Thème 2 (PRST.3.PL) Thème 3 (PRST. 1/2 PL ; IMPARF) BOIRE /bwa/ /bwav/ /byv/ Tableau 1. Thèmes du verbe BOIRE La notion d’espace thématique d’un verbe a autant de pertinence en morphologie flexionnelle que constructionnelle : chaque règle flexionnelle ou constructionnelle choisit le radical qui lui sert de base dans l’espace thématique du lexème. Bonami, Boyé, Kerleroux (ce volume) font ainsi l’hypothèse que le thème 3 d’un verbe, qui est sélectionné pour construire les mot-formes du présent, 1ère et 2ème du pluriel et de l’imparfait de ce verbe, sert également d’input à la plupart des opérations de dérivation en français. Dans le cas des mots composés VN, on reconnaît très clairement que la règle de composition sélectionne le thème 1 du verbe qui est identique, par ailleurs, à la forme phonologique qu’a le mot-forme au présent singulier de l’indicatif. Verbe Thème 1 (PRST SG) Composé VN LAVER /lav/ lave-vaisselle PESER /pɛz/ pèse-bébé NETTOYER /netwa/ nettoie-vitre 7 Nous reprenons ici les résultats de Bonami & Boyé 2003, dont l’analyse uploads/s3/ villoing2009-compossvn-chap8.pdf

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