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Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l'Université de Montréal, l'Université Laval et l'Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. Érudit offre des services d'édition numérique de documents scientifiques depuis 1998. Pour communiquer avec les responsables d'Érudit : erudit@umontreal.ca Claude Gagnon Vie des Arts, vol. 32, n° 127, 1987, p. 57-75. Pour citer ce document, utiliser l'information suivante : http://id.erudit.org/iderudit/53940ac Note : les règles d'écriture des références bibliographiques peuvent varier selon les différents domaines du savoir. Ce document est protégé par la loi sur le droit d'auteur. L'utilisation des services d'Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d'utilisation que vous pouvez consulter à l'URI http://www.erudit.org/apropos/utilisation.html Document téléchargé le 11 January 2014 05:51 « Interview avec René Huyghe » PROFILS LE POINT DE VUE DE RENÉ HUYGHE SUR LA PRODUCTION ARTISTIQUE ET LA PSYCHOLOGIE DE L'ART Claude Gagnon: René Huyghe, votre façon d'aborder le phénomène esthétique est, dans l'histoire de l'art contemporain, assez singulière. En effet, le regard que vous portez sur l'œuvre d'art, dans vos analyses, est net- tement tourné vers la psychologie de l'art. Comment en êtes-vous venu à cette discipline qu 'est la psychologie de l'art? René Huyghe: Je crois que tout a commencé quand j'étais étudiant à la Sorbonne où j'ai suivi les cours d'un profes- seur nommé Delacroix. A cette époque, il était un pionnier dans le domaine de la psychologie de l'art. Mais, la psychologie de l'art qu'il enseignait ne m'a pas plu parce qu'elle était trop lourdement inspirée par la psychologie du 19e siècle, c'est-à-dire une psychologie positiviste et bourgeoise, marquée, d'abord et avant tout, par la ratio- nalité. Ce n'est qu'en 1931, lorsque je suis entré à la di- rection de la revue L'Amour de l'Art que j'ai exposé dans mon article d'introduction - que j'appelle mon manifeste — mes principes de la psychologie de l'art, lesquels repo- sent sur l'idée que l'art est l'émanation de la vie intérieure libre. — Cette approche psychologique de l'art pour laquelle vous optez définitivement, dès 1931, c'est-à-dire avant même que Malraux en fasse autant quelques années plus tard, me semble assez novatrice. Mais, en tant qu'historien de l'art, qu'est-ce qui vous a motivé à prendre cette orientation? — Mon intention consistait, d'une part, à orienter l'his- toire de l'art vers une recherche plus globale, qui ne soit pas axée exclusivement vers une recherche d'érudition et, d'autre part, je souhaitais mener une lutte contre le rationalisme. — Mais l'érudition et le rationalisme ne sont-ils pas des phénomènes indispensables à toute démarche intellec- tuelle tendant à une certaine scientificité, telle l'histoire defart? — Voyez-vous, à mon avis, l'érudition est indispensable à l'historien de l'art. J'irais même jusqu'à la comparer au sous-bassement d'une maison. Une cave est indispensa- ble à l'édification d'une maison, mais vous n'avez pas idée de vous enfermer dans la cave, non? Bon, vous vivez dans votre maison? Alors, la recherche d'érudition, c'est le sous-bassement indispensable, je vous le répète, mais après, il faut bâtir la maison. Il faut également se méfier des doctrines qui sont le fruit du rationalisme qui envahit l'histoire de l'art. Car, le danger avec les doctrines, qui de fait ne sont que des systèmes intellectuels, c'est que bien qu'elles permettent de définir l'art en deux ou trois for- mules, elles vous emprisonnent dans votre propre sys- tème. Prenez, par exemple, le cas de l'art moderne: ce qui, justement, lui a fait tant de mal, c'est qu'elle a été victime de trop de théories élaborées par des théoriciens qui ont poussé l'érudition et le rationalisme à l'extrême. — Si je comprends bien, la critique que vous formulez à l'égard de l'érudition et du rationalisme quia cours en his- toire de l'art concerne plutôt le courant théorique forma- liste qui s'intéresse exclusivement à / 'étude de la structure interne des œuvres, c'est-à-dire à leur plasticité en tant que système, délaissant ainsi les aspects idéologiques et psychologiques auxquels vous vous intéressez et qui, à un autre niveau, participent de la construction totale de l'œuvre d'art. Or, comment la psychologie de l'art, telle que vous la concevez, échappe-t-elle à l'envahissement de ces doctrines formalistes? — Pour répondre directement à votre question, je vous dirai d'abord que je hais les doctrines. En ce sens, ma psychologie de l'art, par la dimension globale qui la carac- térise, suggère une réflexion qui tienne compte de l'artiste en tant qu'individu impliqué dans un contexte artistique de production - donc subissant des influences plastiques et idéologiques - et également de l'aspect intérieur et spi- rituel de la démarche artistique, laquelle est fondamenta- INTERVIEW AVEC René Huyghe Claude GAGNON René HUYGHE Dans le cadre du 5e Symposium de la Jeune Peinture au Canada, qui a eu lieu à la Baie-Saint- Paul, du 1" au 31 août 1986, René Huyghe, le célèbre académicien, dressait, lors d'une con- férence, le bilan de l'art moderne à partir de sa théorie de la psychologie de l'art. Selon lui, la production artistique a été coupée de la spiri- tualité depuis près d'un siècle parce que la société a misé exclusivement sur les valeurs bourgeoises du rationalisme et du matérialisme. Historien de l'art de formation, René Huyghe explique, dans cette entrevue, comment il a opté pour la psychologie de l'art et démontre que le processus de production de l'oeuvre d'art est avant tout stimulé par une intention profonde de communication. lement stimulée par une intention de communication. Ainsi, je me suis appliqué à montrer que la communica- tion par l'œuvre d'art est absolument distincte de la communication par les mots, qui expriment des idées, puisque le propre de l'œuvre d'art est de produire sur le sujet qui la regarde un choc lié à la sensibilité, avant même que ce dernier n'ait réfléchi. — En ce quia traita la psychologie ou à la psychanalyse, quelles sont les personnes qui ont le plus influencé votre démarche? — Évidemment, la psychanalyse de Freud m'apparaît comme une œuvre d'art: elle est malheureusement ten- dancieuse parce que ce dernier, ayant refusé d'être ana- lysé, a projeté dans son travail scientifique ses problèmes subjectifs. Toutefois, la psychanalyse de Jung, lequel a procédé à une analyse qui l'a aidé à se débarrasser de ses hantises personnelles, me semble beaucoup plus objec- tive. C'est comme si son analyse lui avait permis d'appor- ter à la psychanalyse de Freud des correctifs pertinents là où cela échoppait. — Vous venez d'affirmer, en parlant de la psychanalyse de Freud, que l'œuvre d'art est tendancieuse. Or, cette affirmation m'oblige à vous demander si l'approche psy- chologique de l'artn'a pas tendance, justement, à mettre l'accent sur une interprétation plutôt subjective du travail de l'artiste? — Là-dessus, je vous répondrai que le psychologue de l'art doit aborder la production de l'artiste, laquelle est subjective, de la même façon que le psychanalyste ana- lyse le discours de son sujet. Ainsi, il ne doit pas projeter dans son interprétation de l'œuvre ses obsessions per- sonnelles, mais, il doit, méthodiquement, reconstituer le cheminement qui a amené l'artiste à la production de ses images. Dans un premier temps, il doit s'imprégner de la biographie de l'artiste. Ensuite, en parcourant la totalité de sa production, il peut retracer les principales influences stylistiques, refaire la courbe de sa progression picturale. Il doit, également, repérer les signes qui parsèment son œuvre et les considérer comme des constantes de signi- fication particulières à cet artiste. Toutefois, le psycho- logue de l'art doit être prudent en procédant à la lecture de ces signes et garder en tête l'idée que, par le biais de sa production, l'artiste remanie la nature à sa façon et transforme donc la signification de ces signes pour s'exprimer. — Dans votre dernier livre1, vous montrez, entre autres choses, que la production des jeunes artistes est marquée, en ce moment, par un retour à la figuration de même que par une aspiration à la spiritualité. Comment expliquez-vous ce phénomène? — Je crois qu'actuellement les jeunes artistes s'aperçoi- vent qu'il est absurde de supprimer, dans leur œuvre, l'image du réel, d'une façon constante, parce qu'ils sont conscients que l'image est, en tant que moyen de communication, le verbe de la peinture, si je peux m'ex- primer ainsi. Alors, ils essaient de rétablir la synthèse entre le réalisme plat et son antithèse, c'est-à-dire l'abstraction, en bénéficiant, par exemple, de ce que les Fauves ont ap- porté par la force expressive de la touche et de ce que les Abstraits ont apporté concernant le dégagement de la structure des formes. Mais, surtout, ils abordent l'œuvre d'art comme une valeur de communication dans laquelle ils inscrivent aussi une certaine aspiration à la spiritualité. — Vous avez beaucoup apprécié l'œuvre que Nycol Beaulieu a produite pendant le Symposium. Dites-moi si je lais erreur, mais je crois que cette œuvre, dans laquelle l'artiste représente un orignal s'abreuvant de l'eau d'une cascade, illustre bien votre propos sur ce retour des jeunes artistes à la liguration et à l'expœssion d'une certaine tendance vers la spiritualité? suite à la page uploads/s3/ interview-avec-rene-huyghe.pdf

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