J ’ai encore du mal à croire que, cinquante ans plus tard, nous soyons encore e

J ’ai encore du mal à croire que, cinquante ans plus tard, nous soyons encore en train de travailler sur ce projet avec une telle passion. Et il y a de quoi être un peu étonné de voir comment quatre gars coachés par un grand producteur accompagné de ses ingénieurs ont réussi à concrétiser une œuvre d’art aussi durable.” La formule est de Paul McCartney lui-même qui, malgré le demi-siècle écoulé depuis la sortie de Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band, est encore surpris du succès – et de la qualité – rencontré par cet album ô combien innovant, surprenant, ouvrant la voie au renouvellement du rock. Rien ne sera plus pareil après la sortie de ce 33-tours unique dans l’histoire de la pop music. Ringo Starr, quant à lui, précise : “Sgt. Pepper a su cap- turer l’ambiance de cette année, et il a égale- ment permis à beaucoup d’autres personnes de se lancer dans une carrière de musicien.” Car oui, il fallait trouver une suite après le sidérant Revolver, sorti en 1966 : être à l’avant-garde de la pop n’est pas une siné- cure et préserver le statut du groupe le plus créatif de sa génération n’a pas été une mince affaire. Imaginer la pression dans laquelle se trouvaient les Fab Four donne une idée du vertige. Créer un album aussi complexe, profond et innovant n’est pas donné à tout le monde. Les Kinks, les Stones, les Beach Boys – pourtant auréolés de frais avec le fantastique Pet Sounds –, n’en sont pas revenus. Jagger et Richards, six mois plus tard, en décembre, iront même jusqu’à pasticher quelque peu la pochette de leurs confrères/chal- lengers avec Their Satanic Majesties Request et plongeront dans un psychédélisme bon ton, mais loin d’être aussi élaboré que celui des Quatre de Liverpool. Car cet album regorge d’une richesse jusqu’ici encore inégalée – et les mots sont pesés : l’écriture, le concept, la forme, le son ou l’esthé- tique sont d’une rare perfection et les superlatifs manquent encore pour réussir à qualifier une œuvre d’une telle densité. Du jeu sur les Un jour dans la vie Par Belkacem Bahlouli Juin 2017 3 | Rolling Stone | rollingstone.fr © LORAINE ADAM ÉDITO dissonances de la chanson-titre au final en apothéose de “A Day in the Life”, ce collage sonore surréaliste, l’atmosphère que distille ce disque reste toujours douce, parfois même nostalgique. C’est aussi le premier album noyé d’effets spéciaux. Le studio y est utilisé comme un instrument à part entière – travail déjà entamé sur le précédent opus avec notamment l’inégalable “Tomorrow Never Knows” – mais poussé à son paroxysme par la virtuosité et même le génie de George Martin, l’architecte sonore de cette œuvre ul- time. Affirmer sans ambages que Paul, George, John et Ringo, une fois enfermés dans les studios d’Abbey Road, à Londres, ont inventé un son est largement en dessous de la vérité : mais en créant ce standard de production, ils en ont fait un chant du cygne. Car depuis, force est de le reconnaître, on a rarement fait mieux. Et bien que le Double Blanc soit aussi une mer- veille, il montre à l’évidence que le génie des quatre garçons dans le vent a pris toute sa d i me n s ion d a n s c e s t r e i z e t i t r e s inoubliables. Dire qu’en cinquante ans cet ensemble de joyaux pop n’a pas pris une ride relève de l’euphémisme : sa remasterisation, en 2009, en avait déjà montré la qualité et l’incroyable profondeur. Et pour célébrer le jubilé du Sergent Poivre, Macca et Ringo ont mis les petits plats dans les grands. Le coffret, somptueux, assorti de nouveaux documents sonores inédits – bien que certains circulent en pirate depuis des décennies – et accom- pagné d’images mises en scène dans un do- cumentaire aussi passionnant que poignant, prouve à quel point le travail de fou qui aboutira à cet ouvrage unique a été ardu. On est loin des débuts, très loin même. On a oublié tous les “She Loves You” et autres “I Wanna Hold Your Hand” pour entrer dans la stratos- phère de la composition, du songwriting – les textes deviennent ésotériques, ardus, pointus – et cela rend davantage cet ouvrage indispensable. Pas moins. Et pour cela, on leur devait bien la cou- verture du magazine que vous tenez entre les mains. “ Rolling Stone 4 Avec pour chefs de f le Pokey LaFarge, Handsome Family ou les Shovels & Rope, le vintage US est en plein revival. Ces artistes composent en direct la BO de ce nouveau boom f f ies/sixties d’une Amérique idéalisée. Ainsi se multiplient, aussi bien au États-Unis qu’en France, concerts, festivals, manifestations spécialisées et autres brocantes dédiés à la musique, aux vêtements, au design et autres objets du culte en provenance d’outre-Atlantique. PAR DENIS ROULLEAU PHOTOGRAPHIE DE NATE BURRELL ROCK AROUND Pokey LaFarge, nouvelle icône du rock millésimé, entouré de son groupe. C Juin 2017 6 | Rolling Stone | rollingstone.fr explique Denis Schwok, inspirateur et orga- nisateur de l’American Tours, festival tourangeau (du 7 au 9 juillet 2017) unique en Europe, qui propose sur le même site, en plus d’une programmation musicale de première division (ZZ TOP, Les Insus, Brian Setzer’s Rockabilly Riot, Vintage Trouble…), de mul- tiples univers placés sous l’égide de la bannière étoilée : Rockabilly, Moto & Kustom, Country, Rodéo & Western, Camp de GI’s 1945, sans oublier un gigantesque marché vintage de 3 600 mètres carrés. “Le vintage, c’est surtout un art de vivre et une passion. Pour moi, tout a commencé à l’âge de 14 ans, grâce à la mobylette. Sur cet engin, j’ai parcouru la centaine de kilomètres qui séparent Genève de Montreux afi n d’assister aux concerts de Led Zeppelin et de Jimi Hendrix. Cela marque un homme, même si je ne me rendais pas compte à l’époque que j’avais la chance de participer à des événe- ments historiques. J’ai ensuite passé mon permis moto à l’âge de 16 ans et cela ne m’a plus lâché. J’étais fasciné par Easy Rider, Harley Davidson, Steppenwolf, toutes les images et la musique de cette Amérique où rien ne paraissait impossible et interdit. Aujourd’hui, à l’âge de 63 ans, j’aime me replonger dans cette période, certainement idéalisée, car la vie n’était pas aussi facile que ça.” Si Denis Schwok se défend d’être un inté- griste du vintage – comme le démontre une de ses récentes acquisitions, un vieux poste de radio datant de 1945, rénové avec la fonc- tion Bluetooth ! –, il n’aime rien tant, après une réunion avec des banquiers, que d’enfi ler santiags et jean 501, et de partir en virée sur son antique moto. “Contrairement à mon cas personnel, certaines personnes vivent vintage 24h/24, notamment les rockabilly, qui se comportent comme s’ils évoluaient dans les années 1950, avec un look uniquement consti- tué de pièces d’origine. Le plus amusant dans tout cela, c’est que tout le monde est un peu vintage sans forcément s’en rendre compte : si porter aujourd’hui un 501, un Perfecto et des Converse est entré dans les mœurs, il n’en reste pas moins que ces vêtements évoquent tou- jours pour moi le rêve américain et que je n’oublie pas que les teenagers qui s’habillaient ainsi dans les années 1950 étaient considérés comme des voyous et se voyaient refuser l’en- trée de leur campus universitaire !” L ’association Fifties Sound organise depuis 1995, notamment au Balajo, à Paris, et à la guinguette de Champigny-sur-Marne, des soirées rock’n’roll, des brocantes vintage, des shows burlesques, des apéros swing et des DJ set 40’s/50’s. “Je suis tombée dans le vintage il y a une dizaine d’années, en rencontrant des ‘forties’ dans une brocante organisée par Fifties Sound. Être ‘forties’, c’est vivre exclu- sivement dans les années 1940 au quotidien, que ce soit en termes de mobilier, de musique ou de fringues,” raconte Nadia Sarraï- Desseigne, attachée de presse, dont la pimpante garde-robe ne saurait démentir ses propos : robes rockab’ à jupon et à fleurs, vestes très épaulées, chaussures compensées en semelles de liège, coiffure crantée sous turban, bijoux en bakélite… Cette mode por- tée durant les heures les plus sombres des années 1940 symbolisait alors une forme de combat afi n de maintenir envers et contre tout une représentation de la féminité et de l’élégance. Elle véhicule aujourd’hui la nos- talgie d’un âge d’or où l’habit faisait véritablement le moine. “Pour les hommes, outre le costume à pantalon large et la mini- cravate, la panoplie des 40’s est plus restreinte. Mais j’ai découvert des pièces fas- cinantes, comme ces zoot suits confectionnés sur mesure, qui rappellent la tenue de Cab Calloway : chapeau en feutre à large bord, ontrairement au style rétro qui désigne le plus souvent des éléments neufs conçus pour imiter un style passé, le vintage désigne tout objet ancien datant de l’époque où il a été créé et par extension, aujourd’hui, tout ce qui ne relève pas de uploads/s3/ rolling-stone-france-2017-06.pdf

  • 16
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager