LE CHAOUIA DE L’AURES PARTIE I : ÉTUDE GRAMMATICALE DIALECTE DE L’AHMAR KHADDOU

LE CHAOUIA DE L’AURES PARTIE I : ÉTUDE GRAMMATICALE DIALECTE DE L’AHMAR KHADDOU GUSTAVE MERCIER 1896 PREMIÈRE PARTIE ÉTUDE GRAMMATICALE OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. Le Chaouia, de même que les autres dialectes de la langue berbère, ne s'écrit pas. Les habitants de l'Aurès n'ont même pas conservé le souvenir d'un alphabet anciennement en usage, comme celui des Touareg; aucune inscription de caractère libyque ou berbère n'a, à noli-e connaissance, été découverte chez eux jusqu'à ce jour, bien que les tombeaux mégalithiques y abondent 1 Les lettres de l'alphabet Chaouia sont les mêmes que celles du Kabyle, sauf une particularité en ce qui concerne le k mouillé. Quelques-unes d'entre elles, le ḥ ﺡ, le ṣﺺ et très probablement le ɛ ﻉ, n'existent que dans les mots empruntés à l'arabe 2 y où d'ailleurs elles sont prononcées sans leur emphase habituelle. Une 1 Notamment dans la forêt de Bou-Yemman, entre T'kout et l'Ahmar-Khaddou. 2 R. Basset, Manuel de langue kabyle. Paris, 1887, in-12, p. 4; Études sur les dialectes berbères. Paris, 1894, in-8, p. 35 lettre de l'alphabet arabe, le ﻁ, se confond dans tous les dialectes berbères, avec le ﺽ. Par contre, plusieurs lettres de l'alphabet Chaouia, le č (tch), le j, le g dur, le k prononcé comme un ch allemand dans le mot « welcher », n'ont pas d'équivalent en arabe, et l'on est obligé d'user de signes conventionnels pour leur en donner. Il nous paraît donc plus naturel et tout aussi commode d'appliquer ces conventions à la transcription en caractères français, ainsi que l'a fait le général Hanoteau, dont nous suivrons en tous points le système à cet égard 3. Les règles de l'euphonie sont, d'une manière générale, les mêmes que celles du Zouaoua. Il y a lieu cependant de noter les particularités suivantes : ▪ Le t (th) a une tendance très marquée à s'affaiblir en h, quelquefois même à disparaître complètement. Ex. : tameṭṭut et plus souvent hameṭṭut, femme; ur izemmer ec ah irfed pour at irfed :il ne peut le porter 3 Hanoteau, Grammaire kabyle, Alger, s. d., in-8. ▪ Le ǧ (dj) final d'un mot se durcit en c (ch ) devant le signe t du féminin qui lui-même se renforce en t. Ex. : iiǧ, un, fém.hict. ▪ Le dd (ﺪ ) est d'un emploi relativement rare, surtout dans les mots venant de l'arabe, et presque toujours remplacé par le d (ﺫ), dont la prononciation diffère très peu d'ailleurs de celle du premier 4. Il arrive même quelquefois que ces deux lettres soient prises indifféremment l'une pour l'autre. ▪ Le ḍ ﺽ, redoublé, se renforce en ṭ ﻁ. Ex. : erḍel, prêter, cinquiéme forme reṭṭel; eḍs, dormir, cinquieme forme eṭṭes. Lorsque le ḍ de la 2e personne du singulier est suivi du pronom féminin affixe t, ces deux lettres se contractent en ṭ5 . Ex :hesliṭ elγenaya, tu as entendu (elle) le chant6 ▪ De même, le γ (gh ﻍ) , redoublé dans le corps d'un mot sous l'influence d'une cause grammaticale quelconque, se renforce 4 Ce ḍ correspond souvent au t de Ouargla et du Mzab. Ex. : Cbaouia :aḍef, entrer. Ouargla, Mzab : atef. Quelquefois, il correspond au th du Zouaoua. Ex. : Chaouia : uḍbir,pigeon. Zouaoua : itbir. 5 Cf. R. Basset, Éludes sur les dialectes berbères. Paris, 1894, in-8,p. 22. 6 Le ṭ ﻁ du Chaouia correspond quelquefois au ḍ du Zouaoua. Ex. : ▪ Chaouia : ṭaḍ, doigt. Zouaoua :aḍaḍ ▪ Chaouia :gaziṭ,coq. Zouaoua : ayaziḍ Il en est de même dans les dialectes de Bougie, du Djérid tunisien et du Djebel Nefousa. en q (ﻕ)7.Ex. : enγ, tue, cinquieme forme neqq ; erγ , brûle, cinquieme forme reqq. ▪ Lorsque le γ est suivi d'un h, il se contracte avec cette dernière lettre pour former un x (kh ,ﺥ ). Ex. : ettuxen, pour ettuγhen ,je les ai oubliés. ▪ Le g dur est assez rare; il se prononce presque toujours mouillé. Mais, le plus souvent, il disparaît complètement par suite de son affaiblissement en i. Ex. : argaz et mieux aryaz,homme ; agerzizel et mieux ayerzizet, lièvre 8 ▪ Mais lorsque ce g affaibli en i est redoublé dans le corps du mot sous 1'influence d'une cause grammaticale, il redevient g dur. Ex. yeya, il fait, IVe-Ve formes itegg; yuyir, il va, Ve forme yeggur, il marche. 7 Cf. R. Basset, Dialectes berbères, p. 47. 8 Par suite de cet affaiblissement, le g dur du Zouaoua devient presque toujours i en Chaouia. Cependant, on trouve nombre d'exemples dans les quels cette lettre s'est changée en j ou ǧ (dj). Ex. : ▪ Chaouia : jouraf, corbeau. Zouaoua : agerfiw. ▪ Chaouia : aniji, hôte. Zouaoua : inebgi. ▪ Chaouia ajenna, ciel. Zouaoua : igenni. ▪ Chaouia ajertil, natte. Zouaoua : agertil. ▪ Chaouia ǧar, entre. Zouaoua :gar, etc. Moissonner se dit en Zouaoua emger; en Chaouia : emjer et meyer. ▪ Le k doux est, lui aussi, presque toujours mouillé, et se prononce comme le « ch » allemand dans le mot welcher.Nous indiquerons cet affaiblissement dans les mots où il est le plus marqué en substituant à la lettre k la lettre grecque χ ▪ Comme le g, le k a une tendance très marquée à s'affaiblir en i. Il y arrive parfois complètement. Ex. : iis (pour iχs), cheval,pl. iχsan9. ▪ Lorsque la sifflante s est suivie d'un ḍ, elle prend fréquemment le son z et le ḍ redevient un d ordinaire. Ex. : azdin, un jour composé de as, jour, et de la particule d’in); yewiyas d, il lui apporte. 9 Le k du Zouaoua devient quelquefois c(ch) en Chaouia. Ex. : Chaouia :cal, terre. Zouaoua : akal. Mais cette transformation est beaucoup moins fréquente en Chaouia que dans les autres dialectes parlés par les populations de race zénète, ceux du Mzab et de l'Oued-Righ entre autres CHAPITRE PREMIER : DU NOM PLAN DU MASCULIN. DU FÉMININ. PLURIELS A. — PLURIELS MASCULINS. • 1ÈRE FORME. • 2E FORME. • COMBINAISON DES DEUX FORMES PRÉCÉDENTES B. — PLURIELS FÉMININS. • 1ÈRE FORME. • 2E FORME. • 3E FORME DIMINUTIF GENITIF CHAPITRE PREMIER : DU NOM. Nous commençons par le nom, l'article n'existant pas en Chaouia, non plus que dans tous les autres dialectes berbères. Les noms sont de deux genres et de deux nombres. DU MASCULIN. Les noms masculins singuliers commencent fréquemment par un a : cependant, un grand nombre d'entre eux ont pour lettre initiale une consonne, contrairement à ce qui a lieu en Kabyle, où ces noms sont très rares. Parmi ces derniers, les uns, tout en dérivant du même radical que le mot kabyle correspondant, n'admettent pas la voyelle initiale et simplement euphonique du Kabyle. Ex. : ▪ Chaouia : ṭad doigt, Zouaoua :aḍad ▪ Chaouia lum, paille, Zouaoua alim. ▪ Chaouia suf, rivière, Zouaoua asif. ▪ Chaouia ḍar, pied, Zouaoua aḍar. ▪ Chaouia fus, main, Zouaoua afus, etc. D'autres proviennent d'une racine totalement différente de celle qui a servi à former le mot usité en Kabyle. Ex. : fiqer,serpent; zalaγ10 , bouc; zurin, vigne; budrim, renard; fud,cuisse etc., etc. On pourrait multiplier les exemples. Il en résulte cette conséquence, que l'«a » prosthétique ne peut être considéré en berbère ni comme une modification de l'article, ni comme faisant partie du corps du mot, dont il servirait, par exemple, à déterminer le genre11 . Je n'y vois qu'une simple règle, ou plutôt une habitude d'euphonie. 10 Les noms correspondants du Zouaoua sont : azrem, serpent ; aqelwac, bouc; tara, vigne (féminin); abareγ, renard; taγma (féminin), cuisse. 11 Voyez, à ce sujet, Hanoteau, Grammaire kabyle, p. 16 DU FÉMININ. Le signe constant et général de la forme féminine en Chaouia, ainsi que dans les autres dialectes berbères est le t (th ﺙ) préfixe ou suffixe, qui devient t (t ﺕ) lorsqu'il est précédé d'un n, d'un l ou d'un s. Tous les noms qui ne sont ni commencés ni terminés par un t (th) peuvent, sauf de rares exceptions, — les noms d'origine étrangère entre autres, — être a priori considérés comme masculins. 1er Le féminin des noms qui existent dans les deux genres se formera en préfixant et suffixant un th à la forme masculine. Ex. : ▪ insi, hérisson, fém. tinsit. ▪ aγerzul, chien, fém. taγerzult. ▪ amejhul, veau, fém. tamejhult. ▪ aserdun, mulet, fém. thaserd'outil; ▪ afunas, boeuf, fém. tafunast. 2e Un grand nombre de substantifs ne désignant pas des êtres animés commencent par un t, et sont par conséquent du genre féminin. Ex. : tayda, pin; tiṭ, fontaine; tala, mare, etc. 3e Les Chaouia, comme tous les Berbères, désignent l'unité, l’individu pris isolément dans l'espèce, par la forme féminine. Par conséquent, pour former un nom d'unité, ou préfixera et suffixera un t au nom de l'espèce. Ex. : uxlif, le chêne vert (espèce); huxlift, un chêne vert (ar. karuc). REMARQUE. Comme nous l'avons déjà dit plus haut ce t initial disparaît souvent pour laisser place à une légère aspiration qui est quelquefois seule à caractériser le genre féminin du nom. uploads/s3/ grammaire-chaouia.pdf

  • 26
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager