Presses universitaires de Provence Effets de style au Moyen Âge | Connochie-Bou

Presses universitaires de Provence Effets de style au Moyen Âge | Connochie-Bourgne Chantal, Douchet Sébastien La place du style dans le processus de signification : l’apport d’Erwin Panofsky Viviane Huys-Clavel Tout OpenEdition 1 2 3 p. 81-94 Texte intégral La place accordée au style dans le processus de signification Qui prétend comprendre une forme sans s’inquiéter du sens ne fait que jouer au dilettante ; mais qui prétend interpréterce que l’œuvre dit sans voir ce qu’elle montre Bien connu des historiens de l’Art mais également des chercheurs en sciences humaines, Erwin Panofsky a livré un ensemble d’ouvrages et de textes qui témoignent de la fécondité conceptuelle de ses recherches. Né le 30 mars 1892 à Hanovre, après avoir fréquenté les universités de Fribourg, Berlin et Munich entre 1910 et 1914, il est chargé d’enseigner l’histoire de l’art à l’université de Hambourg dès 1921 et ce jusqu’en 1933. Il collabore à l’Institut Warburg de Hambourg et effectue plusieurs séjours à New-York entre 1931 et 1934. Il est finalement nommé professeur à Princeton à partir de 1935 après avoir fui l’Allemagne nazie. Son parcours de chercheur en histoire de l’art rend compte des différentes parentés intellectuelles qui constituent les points d’ancrage de ses réflexions. Aloïs Riegl dans les années 1920, puis Ernst Cassirer dont l’influence était tout à fait importante à Hambourg et les démarches néo-Kantiennes constituent les principaux axes fédérateurs de sa pensée1. Si la question du style figure au rang des problématiques fondamentales de son œuvre, elle paraît toutefois soumise à celle, plus générale, de la signification de l’œuvre d’art. Plus encore, Erwin Panofsky s’interroge en permanence sur la façon dont elle signifie. Ce « comment » de l’œuvre d’art nécessite de comprendre les moyens mis en jeu pour signifier. C’est ici que le style intervient. Mais quel statut le chercheur affecte-t-il à celui-ci ? Nous verrons dans un premier temps quelle place Erwin Panofsky accorde à la question du style qui, si elle semble marginale de prime abord en considérant le tableau de 1955 qui récapitule le processus d’analyse de l’œuvre d’art dans les Essais d’iconologie2, traverse et fédère en réalité tout un pan de ses travaux. Dans un second temps, nous tenterons de comprendre comment et pourquoi cette question du style concentre et révèle à la fois des aspects épistémologiques plus profonds, symptomatiques des questionnements cruciaux qui préoccupent, aujourd’hui encore, les historiens de l’art. 4 n’est pas un historien de l’Art. Bernard Teyssèdre3 Les principes fondamentaux Parce qu’Erwin Panofsky se situe vraisemblablement à la confluence de deux modalités fondamentales d’investigation et d’analyse, l’une formaliste, l’autre historicisante, il paraît légitime de s’interroger sur le statut qu’il conféra au style. Le considéra-t-il comme un signe, témoignant d’une autonomie de l’œuvre ou bien comme un symptôme indicateur des caractéristiques d’une culture, d’un mode de pensée et, ainsi, d’une société ? Dans Les Essais d’iconologie, Panofsky définit trois niveaux d’analyse : pré- iconographique, iconographique, et iconologique. Il place la question du style apparemment de façon marginale au premier niveau, au rang de « sujet primaire, factuel, expressif ». Cette analyse « pseudo-formelle » est renvoyée à l’autre extrémité du tableau4 à une « Histoire du style », cadre référentiel qui permet de situer les formes pré-iconographiques relevées. Pour Panofsky, les styles semblent donc figurer au début du processus, définissant le repérage des formes à partir desquelles des objets ou des événements plastiques et artistiques ont pris corps. Désignant des récurrences formelles, le style serait une sorte d’indice des moyens graphiques mis en œuvre. Au deuxième stade, il s’agit de s’intéresser aux conventions formelles qui permettent de définir des types, des canons iconographiques. Il convient ici de prendre en compte les thèmes, les mythes qui peuvent subir différents traitements et interprétations selon les époques. Enfin, au troisième stade, « la signification intrinsèque du contenu » a pour principe régulateur une histoire des « symptômes culturels ou symboles en général ». Il semble donc qu’Erwin Panofsky voie dans le style un substrat formel, participant des supports visibles du sens construit par l’interprétation. Car ce qui régit en effet l’ensemble du « système » analytique proposé est bien une démarche herméneutique, interprétative, qui prend en compte la Weltanschauung, cette intuition du monde introduite par Emmanuel Kant5 qui organise l’appréhension de l’œuvre ainsi que les outils méthodologiques qui permettent d’y conduire. Par la suite, ce style et ce qui le codifie, lui permettent de définir par analogie les raisons d’être d’un type (gothique en architecture par exemple6), rapportant par un système de correspondance les formes structurelles des œuvres à celles des modèles intellectuels d’une même époque. Prudent, toutefois, Panofsky rappelle que les 5 6 Les différents statuts du style dans l’analyse de l’œuvre d’art trois modes d’enquête fusionnent en réalité en un processus unique7. Admettant la nécessaire « fusion » entre fond et forme, il désolidarise pour les besoins de la description de son dispositif ce qui demeure pour lui indissociable, là où les partisans d’un formalisme plus strict considèrent que ce sont les formes avant tout qui méritent l’attention, témoignages directs de leur évolution autonome. L’intérêt du tableau synoptique formalisé en 1955 (près de 15 ans après la rédaction des Essais d’iconologie) est de rendre visible la situation des différents aspects de l’analyse d’œuvre dans leur rapport, dans leur interdépendance aussi. Mais il fait prendre conscience également de la part qu’accorde Panofsky aux formes « pour elles-mêmes », dans leur part d’autonomie. Nous verrons plus loin que cette question est importante puisqu’elle constitue un levier dans la réflexion autour d’un autre concept discuté à plusieurs reprises par Panofsky, la notion de Kunstwollen – cette artistic volition ainsi que le traduira Erwin Panofsky plus tard – ou encore « vouloir artistique », envisagée par Aloïs Riegl et dont il peut sembler délicat de définir les contours et la réalité comme nous le verrons régulièrement tout au long de cet article. En réalité, Panofsky associe plusieurs approches méthodologiques au fil du temps. De même façon qu’il insiste sur la nécessité de faire interagir archéologie et esthétique, il use de l’histoire des styles et du style en des moments différents, indubitablement stratégiques, de son analyse. Ainsi évoque-t-il le recours au style pour qualifier une époque, abordée alors comme un moment de l’histoire des styles, comme un objet lui-même soumis à la relativité du temps et de l’espace. Il interroge par exemple le style « baroque » dans Trois essais sur le style, tentant de comprendre s’il s’agit bien du symptôme d’une époque8. Nous sommes alors en 1934 et le registre formel sur lequel Erwin Panofsky prend appui montre que la notion de langage des formes constitue un aspect déterminant de l’analyse. Il investit également le champ du style d’un artiste9 avec l’étude magistrale de l’œuvre de Rogier Van der Weyden dans un ouvrage qui fera date sur les Primitifs flamands, publié en 195310. Le style revêt alors une valeur indiciaire qui permet de mettre en rapport des styles d’artistes différents mais contemporains – il compare ainsi les travaux de Rogier Van der Weyden, de Jan van Eyck et de Robert Campin – et de confronter leurs choix plastiques 7 8 9 en autant de « signatures ». Parce que cohabitent donc des styles individuels, il montre que le réalisme de Van der Weyden diffère de celui de Van EycK11. De même, un écart peut exister entre le style propre à une période et le style personnel d’un artiste, mais il s’agit alors plutôt d’une « différence de degré, d’étendue et non d’essence »12. C’est d’ailleurs ici qu’Erwin Panofsky rappelle que la notion de Kunstwollen désigne aussi bien le « vouloir artistique » d’une personne que celui d’une société impersonnelle13. Ce terme s’avère alors utile pour expliquer ce qui meut un artiste ou une culture particulière. Toutefois, si le style peut être défini comme un ensemble de solutions plastiques apportées en réponse à un problème posé à l’artiste, il ne peut se résumer aux effets de forme et doit être rapproché de choix stratégiques. Le style composerait donc la signature d’un artiste. À ce titre, les styles artistiques n’ont de sens que mis en rapport avec une histoire des styles qui, dès lors, se justifie pleinement14. Mais le style est affaire de technique et pour Panofsky il ne saurait être question de l’écarter. Sans doute est-ce dans son étude sur le cinéma « Style et matière du septième art », rédigée en 1962 et publiée dans Trois essais sur le style15, qu’il renoue avec une étude formelle dont il écarte les questions corollaires comme l’industrie cinématographique, sa puissance idéologique, etc. La singularité filmique et les particularités stylistiques via le prisme technique le font revenir alors à des considérations plus esthétiques et même formalistes. C’est cette proximité avec de telles approches qui conduit Panofsky à envisager le style comme symptôme culturel dans sa « composante ethnique16 ». Il tente de dégager dans « Les antécédents idéologiques de la calandre Rolls-Royce17 », en 1936, les invariants structurels de la culture anglaise depuis le Livre de Kells et la tradition insulaire dont uploads/s3/effets-de-style-au-moyen-age-la-place-du-style-dans-le-processus-de-signification-l-x27-apport-d-x27-erwin-panofsky-presses-universitaires-de-provence.pdf

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