© Maude Forget-Chiasson, 2019 Lectures de la Critique de la faculté de juger à

© Maude Forget-Chiasson, 2019 Lectures de la Critique de la faculté de juger à la lumière de la culture et de l'intersubjectivité du goût Mémoire Maude Forget-Chiasson Maîtrise en philosophie - avec mémoire Maître ès arts (M.A.) Québec, Canada ii iii Résumé Ce mémoire propose un commentaire linéaire de la section de la Critique de la faculté de juger consacrée à l’esthétique allant des paragraphes 1 à 60. En guise d’introduction, il s’agira de décrire l’environnement philosophique dans lequel s’insère l’ouvrage, et de cerner la nécessité systémique pour le corpus kantien de poser la question de l’esthétique. Ensuite, une conception du sujet transcendantal sera présentée dont il faut comprendre le fonctionnement pour mesurer la portée des thèses soutenues dans le cadre de la troisième Critique. Ceci étant fait, un commentaire mettra en relation différentes interprétations de l’Analytique du beau et du sublime au terme de quoi sera brièvement présenté le contexte artistique au sein duquel Kant évolua pour finalement étudier les paragraphes ayant trait aux beaux-arts et au génie. Au cours de l’étude de l’Analytique du beau et du sublime, nous nous sommes demandé, qui satisfait véritablement les exigences kantiennes du goût. Le goût est-il véritablement l’affaire de tous ? À mi- chemin entre un anti-sensualisme et un anti rationalisme, le sentiment réfléchissant ou réflexif suppose un sujet conscient de ce qui l’affecte, et capable de se maintenir dans cet état satisfaisant de liberté que nous pouvons qualifier de facultaire ou spirituelle. Mais à l’aune de quoi au juste le sujet de goût évalue-t-il la satisfaction éprouvée ? À l’issue de cette analyse, seront présentées en conclusion quelques pistes interprétatives pouvant orienter la lecture des développements sur les Idées esthétiques. iv Table des matières Résumé ............................................................................................................................................... iii Table des matières .............................................................................................................................. iv Dédicace ............................................................................................................................................. iv Remerciements ................................................................................................................................... vi Introduction ....................................................................................................................................... 1 Chapitre 1 — Le sujet transcendantal ............................................................................................. 9 Description des facultés du sujet transcendantal ......................................................................... 9 Relations entre les facultés ou deux usages de la faculté de juger ............................................ 14 Chapitre 2 — Le sujet jugeant exemplaire ................................................................................... 23 ANALYTIQUE DU BEAU .......................................................................................................... 23 La qualité du beau ..................................................................................................................... 23 La quantité du beau ................................................................................................................... 25 La relation du beau .................................................................................................................... 29 La modalité du beau .................................................................................................................. 37 ANALYTIQUE DU SUBLIME .................................................................................................... 41 Le sublime mathématique .......................................................................................................... 41 Le sublime dynamique .............................................................................................................. 47 Chapitre 3 – Le monde des beaux-arts .......................................................................................... 55 L’ŒUVRE D’ART ........................................................................................................................ 56 L’œuvre d’art : contrastes esthétiques ....................................................................................... 56 L’œuvre d’art : ectype ou archétype ? La solution de l’expression. .......................................... 57 Le caractère finalisé de l’œuvre d’art : plaisir et communication sociale ................................. 60 LE GÉNIE ..................................................................................................................................... 63 Talent naturel ............................................................................................................................. 63 L’originalité ............................................................................................................................... 64 L’exemplarité ............................................................................................................................ 66 La disposition des facultés du génie .......................................................................................... 69 LES IDÉES ESTHÉTIQUES ........................................................................................................ 71 L’Idée esthétique : le pendant des Idées de la Raison ............................................................... 72 Idée esthétique : pivot ontologique, du génie au juge de goût .................................................. 74 L’incomplétude des Idées esthétiques ....................................................................................... 75 Les attributs esthétiques : relation tripartite des facultés ........................................................... 76 L’Idée esthétique : communication d’un sens symbolique ....................................................... 78 Conclusion : quelques pistes interprétatives des Idées esthétiques ............................................. 82 Bibliographie ..................................................................................................................................... 93 Annexe A – tableau, La nature a-t-elle une fin ? ............................................................................... 99 v < À Olivier, mon amour et complice > vi Remerciements Je souhaite remercier madame Marie-Andrée Ricard pour ses lectures attentives et le temps consacré à ce projet. 1 Introduction Ce mémoire a pour objectif de proposer un commentaire linéaire de la section de la Critique de la faculté de juger consacrée à l’esthétique allant des paragraphes 1 à 60. En guise d’introduction de notre étude, il s’agira de décrire l’environnement philosophique dans lequel s’insère l’ouvrage, et de cerner la nécessité systémique pour le corpus kantien de poser la question de l’esthétique. Ensuite, une conception du sujet transcendantal, dont il faut comprendre le fonctionnement pour mesurer la portée des thèses soutenues dans le cadre de la troisième Critique, sera présentée. Ainsi, nous serons à même d’entamer un commentaire de l’Analytique du beau et du sublime au terme de quoi nous présenterons brièvement le contexte artistique au sein duquel Kant évolua avant de nous consacrer aux paragraphes ayant trait aux beaux-arts et au génie. À l’issue de cette analyse, nous proposerons en conclusion quelques pistes interprétatives pouvant orienter la lecture des développements sur les Idées esthétiques. Comme annoncé, pour accorder à l’ultime ouvrage critique de Kant toute l’importance qui lui revient, peut-être doit-on, dans un premier temps, tenter d’en comprendre l’origine et la nécessité1. Dans cette optique, il nous faut saisir l’environnement intellectuel de l’époque à laquelle Kant rédige cette troisième critique et rendre compte de la logique interne du système critique préalablement édifié2. Environnement philosophique : Dans la partie consacrée à l’esthétique de la Critique de la faculté de juger, les renvois explicites ou non aux ouvrages récents de Burke3, Shaftesbury4 ou Baumgarten5 sont multiples. C’est pourquoi nous croyons utile d’avoir à l’esprit les conceptions de l’art, du beau et de l’esthétique défendues par ces auteurs. Ces derniers souhaitent dépasser le modèle classique, notamment français, tel que proposé par Nicolas Boileau (L’art poétique 1694), qui sous l’influence des Grecs suppose entre 1 Nécessité expliquée de façon très claire, par exemple dans Kröner, Von Kant bis Hegel (1921), I, p 224-256 ; voir aussi Delbos, V., La philosophie pratique de Kant, 1926, p 409-426. 2 Au sens large la philosophie kantienne se situe dans le cadre européen du débat entre Aufklärung et Gegen-Aufklärung, cadre que Kant lui-même a alimenté avec son célèbre article de 1784 : Qu’est-ce que les Lumières ? Il faut garder à l’esprit que Kant fut accusé de spinozisme. Le conflit entre Lumières et anti-Lumières en Allemagne sera aussi médiatisé par la très fameuse Querelle du Panthéisme entre Lessing, Jacobi et Mendelssohn, voir à ce sujet le recueil de Tavoillot : Le Crépuscule des Lumières (1995). 3 A Philosophical Enquiry into the Origin of Our Ideas of the Sublime and Beautiful, (1757). 4 Characteristics of men, manners, opinions, times (1711). 5 Æsthetica (1758). 2 autres que la beauté est à chercher dans l’objet caractérisé par sa parfaite harmonie et son éclat6. Le beau dériverait selon lui du vrai et l’art de l’antiquité doit nous servir d’exemple7. L’exposition purement empirique que fait Edmund Burke du beau et du sublime rompt avec cette tradition à tendance idéaliste. En effet, pour Burke, l’imagination n’a pas à être associée à l’entendement pour que soit éprouvé le sentiment du beau ou du sublime, mais peut être liée à la sensibilité. Il produit effectivement une analyse physiologique de la peur que suscite le sublime comme frisson délicieux. Quant au beau, il le rapporte à l’amour dont il donne à nouveau une description physique. Il s’agit pour lui d’une détente, un affaiblissement, un alanguissement dont la cause est le plaisir. La beauté n’est donc pas pour lui affaire de proportion8. De plus, Burke distingue, tout comme Kant le fera, le beau du sublime. Il enrichit cette première distinction d’une seconde au regard des passions rattachées au beau (l’amour) et au sublime (le désir). By beauty I mean that quality or those qualities in bodies, by which they cause love, or some passion similar to it. […] I likewise distinguish love (by which I mean that satisfaction which arises to the mind upon contemplating anything beautiful, of whatsoever nature it may be) from desire or lust; which is an energy of the mind, that hurries us on to the possession of certain objects, that do not affect us as they are beautiful, […] Which shows that beauty, and the passion caused by beauty, which I call love, is different from desire, though desire may sometimes operate along with it; but it is to this latter that we must attribute those violent and tempestuous passions …9 Cette « anthropologie empirique » sera critiquée à plusieurs endroits chez Kant, pensons par exemple à la Fondation de la métaphysique des mœurs10. Bien que reconnaissant la valeur de la pensée de Burke11, la beauté pour Kant, si elle doit avoir quelque intérêt, devra justement se détacher des seuls sens pour notamment échapper à l’écueil du relativisme. 6 Les réflexions de Boileau, se situent dans le contexte général de la « Querelle des Anciens et des Modernes ». Boileau se situe du côté des anciens, contrairement à Perreault, qui lui se situe du côté des modernes. Cette « Querelle » a une importance centrale dans l’élaboration de l’esthétique, on en trouvera trace outre-Rhin, notamment chez Winckelmann. 7 Surtout les chants II et III. 8 La proportion est centrale, par exemple dans la statuaire grecque. Elle joue sur deux registres pourrait-on dire, d’une part sur le rapport des parties du corps entre elles qui doit être harmonieux et justes, d’autre part, sur le fait que les proportions doivent être en rapport avec le sujet représenté. Voir par exemple les remarques de Diderot sur L’Hercule Farnèse et l’Antinoüs, résumées dans l’ouvrage de Seznec : Diderot et l’antiquité (1957), p 23-43. 9 BURKE, E., On the Sublime and Beautiful, Vol. XXIV, Part uploads/s3/kant-crtique-de-la-raison.pdf

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