CONSEIL DE L’EUROPE COUNCIL OF EUROPE COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME EUR
CONSEIL DE L’EUROPE COUNCIL OF EUROPE COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME EUROPEAN COURT OF HUMAN RIGHTS DEUXIÈME SECTION AFFAIRE PANTEA c. ROUMANIE (Requête no 33343/96) ARRÊT STRASBOURG 3 juin 2003 DÉFINITIF 03/09/2003 Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme. ARRÊT PANTEA c. ROUMANIE 1 En l’affaire Pantea c. Roumanie, La Cour européenne des Droits de l’Homme (deuxième section), siégeant en une chambre composée de : MM. J.-P. COSTA, président, A.B. BAKA L. LOUCAIDES, C. BÎRSAN, K. JUNGWIERT, M. UGREKHELIDZE, Mme A. MULARONI, juges, et de Mme S. Dollé, greffière de section, Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 13 mai 2003, Rend l’arrêt que voici : PROCÉDURE 1. A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 33343/96) dirigée contre la Roumanie et dont un ressortissant de cet Etat, M. Alexandru Pantea (« le requérant »), avait saisi la Commission européenne des Droits de l’Homme (« la Commission ») le 28 août 1995 en vertu de l’ancien article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »). 2. Le gouvernement roumain (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, Mme C.I. Tarcea, du ministère de la Justice. 3. Le requérant alléguait en particulier que son arrestation et sa détention provisoire étaient contraires à l’article 5 de la Convention et que, pendant cette détention, il avait subi des traitements contraires à l’article 3 de la Convention. 4. La requête a été transmise à la Cour le 1er novembre 1998, date d’entrée en vigueur du Protocole no 11 à la Convention (article 5 § 2 du Protocole no 11). 5. La requête a été attribuée à la première section de la Cour (article 52 § 1 du règlement). Au sein de celle-ci, la chambre chargée d’examiner l’affaire (article 27 § 1 de la Convention) a été constituée conformément à l’article 26 § 1 du règlement. 6. Par une décision du 6 mars 2001, la chambre a déclaré la requête partiellement recevable. 7. Tant le requérant que le Gouvernement ont déposé des observations écrites sur le fond de l’affaire (article 59 § 1 du règlement). 8. Le 1er novembre 2001, la Cour a modifié la composition de ses sections (article 25 § 1 du règlement). La présente requête a été attribuée ultérieurement à la deuxième section ainsi remaniée (article 52 § 1 du règlement). 2 ARRÊT PANTEA c. ROUMANIE 9. Le 16 avril 2002, la chambre a demandé aux parties de soumettre des renseignements supplémentaires. 10. Le Gouvernement y a répondu par lettre du 29 avril 2002 et le requérant par lettre du 6 mai 2002. 11. Par lettre du 23 mai 2002, le Greffe a attiré l’attention du Gouvernement sur le fait qu’il avait omis de soumettre certains renseignements et documents. Le Greffe invitait par conséquent le Gouvernement à lui faire parvenir dans les meilleurs délais ces éléments. 12. Aucune suite n’a été donnée à cette invitation du Greffe par le Gouvernement défendeur, dont la dernière lettre remonte au 29 avril 2002. 13. Par lettre du 18 juin 2002, le Greffe a informé le Gouvernement défendeur que, dans les circonstances mentionnées aux paragraphes 9-11 ci-dessus, la Cour allait délibérer sur l’affaire dans l’état actuel du dossier. EN FAIT I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE 14. Le requérant, né en 1947, est un ancien procureur qui exerce actuellement le métier d’avocat. Il vit à Timişoara. A. La mise en détention du requérant et la procédure pénale diligentée à son encontre 15. Dans la nuit du 20 au 21 avril 1994, le requérant eut une altercation avec D.N., lors de laquelle D.N. fut gravement blessé. Ainsi qu’il ressort d’un rapport d’expertise médicale effectuée après l’incident en cause, D.N. aurait souffert la nuit en question de plusieurs fractures qui nécessitèrent 250 jours de soins médicaux et qui, en l’absence d’un traitement médical adéquat, auraient pu mettre sa vie en danger. 16. Par résolution du 7 juin 1994, le procureur D. du parquet près le tribunal départemental de Bihor décida l’ouverture de poursuites pénales à l’encontre du requérant. 17. Les 7, 14, 16, 23 et 30 juin et le 5 juillet 1994, la victime D.N. et vingt et un témoins furent entendus par le parquet au sujet de l’incident. 18. Le 23 juin 1994, le requérant fut interrogé par le procureur D.F. au sujet de son altercation avec D.N. Durant cet interrogatoire, le requérant n’était pas assisté d’un avocat. 19. Par ordonnance du 5 juillet 1994, le procureur D. déclencha l’action pénale à l’encontre du requérant et décida sa mise en détention provisoire. Il délivra à l’encontre du requérant un mandat de dépôt pour une durée de trente jours, à compter de la date à laquelle ce dernier serait appréhendé par ARRÊT PANTEA c. ROUMANIE 3 la police. Invoquant l’article 148 lit. c), e) et h) du code de procédure pénale, le procureur faisait état dans son ordonnance de ce que le requérant était recherché par la police, à laquelle il se soustrayait, et que son maintien en liberté constituait un danger pour l’ordre public. 20. Le 13 juillet 1994, sur réquisitoire du procureur D.F., le requérant fut renvoyé en jugement devant le tribunal départemental de Bihor pour tentative d’homicide, infraction prohibée par l’article 174 § 2 du Code pénal. Le procureur faisait état dans son réquisitoire de ce qu’il avait ordonné l’arrestation du requérant au motif que celui-ci s’était soustrait aux poursuites pénales déclenchées à son encontre. Le procureur précisait que le requérant avait omis de se présenter lors de la reconstitution des faits de la nuit du 20 au 21 avril 1994, ainsi que devant le Parquet, qui l’avait convoqué pour qu’il fasse un complément de déclaration. 21. Le 20 juillet 1994, le requérant fut arrêté et incarcéré à la prison d’Oradea. 22. Sur la fiche médicale établie lors de son incarcération, le médecin releva que le requérant pesait 99 kilogrammes et qu’il souffrait d’ulcère duodénal, de lithiase biliaire et de psychopathie paranoïde. 23. Le 21 juillet 1994, le requérant, assisté par un avocat de son choix, fut conduit, en application de l’article 152 du code de procédure pénale, devant le juge M.V., président de section auprès du tribunal départemental de Bihor, qui, en chambre du conseil, l’informa que le Parquet avait décidé son renvoi en jugement, en lui lisant mot à mot le réquisitoire du parquet. A cette occasion, interrogé sur une déclaration qu’il avait faite devant le parquet, le requérant se plaignit que le procureur ne lui avait pas permis de l’écrire lui-même, au motif qu’il était tard et qu’il n’en avait pas le temps. Le requérant se plaignit aussi qu’il avait été «terrorisé» par le procureur, qui l’avait laissé attendre pendant deux jours dans le couloir du Parquet, en le menaçant de ne pas consigner sa déclaration et de l’arrêter. Il souligna enfin qu’il avait répondu aux convocations du Parquet et qu’il ne s’était pas soustrait aux poursuites pénales. Il ne ressort pas du compte-rendu d’audience que la question de la légalité de la détention du requérant ait été discutée ou que le magistrat M.V. l’ait examinée le 21 juillet 1994. 24. Le requérant comparut pour la première fois le 5 septembre 1994 devant le tribunal départemental de Bihor, en formation de deux juges. En présence du procureur K.L., et de deux avocats de son choix, le requérant demanda que les faits qui lui étaient reprochés soient requalifiés en atteinte grave à l’intégrité physique et plaida la légitime défense. Il ne ressort pas du compte-rendu d’audience que la question de la légalité de la détention du requérant ait été discutée ou que la formation de jugement l’ait examinée le 5 septembre 1994. 25. D’autres audiences se déroulèrent devant le tribunal départemental de Bihor les 3 et 17 octobre et le 14 novembre 1994, lors desquelles le tribunal, dans la même formation de jugement, et en présence du même procureur K.L., du requérant et de ses avocats, entendit une quinzaine de 4 ARRÊT PANTEA c. ROUMANIE témoins. Il ne ressort pas des comptes-rendus d’audience des 3 et 17 octobre et 14 novembre 1994 que la question de la légalité de la détention du requérant ait été examinée. 26. Le tribunal rendit son jugement le 28 novembre 1994. Il releva que l’instruction faite par le Parquet était incomplète et renvoya le dossier au Parquet départemental de Bihor pour un complément d’enquête. En outre, le tribunal décida de maintenir le requérant en détention provisoire, estimant qu’en raison de la gravité des faits, il y avait un risque qu’il commette d’autres crimes. 27. Le 9 décembre 1994, le requérant fit appel de ce jugement. Il alléguait l’absence d’impartialité du procureur D., qui, depuis le début de l’enquête, l’aurait privé de ses droits fondamentaux de la défense et aurait violé la présomption d’innocence, en le traitant de « récidiviste », alors qu’il n’avait jamais été condamné auparavant. Le requérant exprimait en outre ses craintes que, s’il était maintenu uploads/S4/ affaire-pantea-c-roumanie 1 .pdf
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- Publié le Jul 06, 2022
- Catégorie Law / Droit
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