SOMMAIRE AU COEUR DE LA NORME : LE TRACÉ ET LA MESURE Pour une distinction entr

SOMMAIRE AU COEUR DE LA NORME : LE TRACÉ ET LA MESURE Pour une distinction entre normes et règles de droit Catherine Thibierge Professeur à l’université d’Orléans I. DE LA NORME EN GÉNÉRAL A. Qu’est-ce qu’une norme ? B. A quoi sert la norme ? II. DES NORMES JURIDIQUES EN PARTICULIER A. La conjonction du tracé et de la mesure 1°) La règle de droit, instrument de tracé et de mesure 2°) La règle de droit, une norme juridique parmi d’autres B. La disjonction du tracé et de la mesure 1°) Les instruments juridiques de simple tracé 2°) Les instruments juridiques de pure mesure III. DE LA NORMATIVITÉ EN DROIT A. Les liens entre le tracé et la mesure juridiques 1°) L’absence de corrélation systématique entre la précision du tracé indiqué et la force de la mesure possible 2°) L’existence d’une possible corrélation entre les destinataires du modèle pour agir et le type de mesure juridique possible B. Le tracé et la mesure aux frontières de la normativité en droit 1°) Le tracé et la mesure, voies d’accès progressives au droit 2°) Le tracé et la mesure, possibles clés de l’internormativité en droit C. La spécificité du tracé et de la mesure en droit 1°) La difficulté de dégager une spécificité du tracé juridique 2°) L’incontestable spécificité de la mesure juridique 3°) Les “indicateurs de juridicité” de la norme Conclusion AU COEUR DE LA NORME : LE TRACÉ ET LA MESURE Pour une distinction entre normes et règles de droit Catherine Thibierge Professeur à l’université d’Orléans “Retour amont” R. Char Résumé. Le retour aux sources étymologiques de la norme permet d’éclairer ses fonctions sous un jour dédoublé, fécond pour la compréhension des normes juridiques dans leur hétérogénéité contemporaine. La norme a en effet la double vocation de permettre le tracé, autrement dit de guider l’action se faisant, et la mesure, en ce qu’elle permet de juger l’action accomplie. Juridique, elle est ainsi modèle pour agir et/ou modèle pour juger. La conjonction de ces deux fonctions est caractéristique des règles de droit, dotées à ce titre d’une “plénitude de normativité”. Leur disjonction est cependant fréquente, certaines normes juridiques s’avérant de simples outils de tracé, insusceptibles en tant que tels de fournir au juge un instrument de mesure (recommandations, avis, principes déclaratoires, articles proclamatoires, etc.). D’autres sont au contraire de purs outils de mesure (standards, usages parfois). La règle de droit est ainsi une norme juridique parmi d’autres, qui sont de moindre portée (normes individuelles) ou de moindre force (normes souples). Mieux que les caractères général, obligatoire et sanctionné qui ne sont que des attributs possibles de la norme, ses fonctions de tracé et de mesure signent sa vocation d’instrument de référence. La sanction, en revanche, ne lui est pas consubstantielle même si elle lui est souvent attachée. De cette approche, il ressort une conception élargie et affinée de la normativité en droit, toute de rigueur dans la mesure et d’ouverture dans le tracé. ***** Des racines concrètes anciennes mais une utilisation abstraite récente. Selon le dictionnaire historique de la langue française Robert 1, le mot “norme” dérive d’un emprunt au grec “gnômona”, accusatif de “gnômôn” 2. Emprunté au latin “norma”, ce terme technique désigne une sorte d’équerre. Puis il a pris en français un sens abstrait, réalisé dès le premier usage, dans l’ancienne locution “mettre norme à”, pour “régler une affaire” 3. Attesté aux XIIe et XIIIe siècles, le mot “norme” n’apparaît cependant pas dans les dictionnaires des XVIIe et XVIIIe siècles, et semble avoir été rare jusqu’au milieu du XIXe siècle. Selon Lalande, il a été introduit dans la langue De chaleureux remerciements à tous mes collègues juristes et non-juristes de la faculté de droit d’Orléans et d’ailleurs, qui ont porté de l’intérêt à ce texte et ont contribué à sa maturation par leurs observations critiques et constructives. 1 Dictionnaire historique de la langue française, t. 2, 2000. 2 Gnômôn : qui juge ; juge, surveillant (Dictionnaire Hatier-Belin). Ou bien celui qui sait, expert (ou) équerre (ou) tige plantée dans le sol (= cadran solaire). Ce terme grec, qui serait à l’origine du terme latin “norma”, désigne donc soit une personne ayant la fonction de juger, (mais pas au sens juridique de rendre un jugement), soit un objet qui fournit repère. Si le rapport étymologique n’est pas très ostensible entre gnômôn(a) et norma, la parenté de sens, quant à elle, apparaît donc clairement. 3 Vers 1165. usuelle par le philosophe Wilhelm Wundt 4, en 1886, et son usage s’est généralisé au XXe siècle 5, donc tardivement en regard de l’intense utilisation faite de ce terme de nos jours. Dans la langue juridique 6, c’est sans doute à Kelsen que le terme doit d’être employé comme concept plus large que celui de “règle” ou de “loi” 7. Des termes familiers, employés dans des sens contrastés, restrictif ou élastique. Norme, normatif, normativité participent du langage juridique courant. Des expressions comme “ensemble de normes”, “hiérarchie des normes” ou “système de normes” sont aujourd’hui familières aux juristes. Quant à l’adjectif normatif, on ne compte plus ses usages en droit : “instrument normatif”, “dispositif normatif”, “encadrement normatif” voisinent avec “valeur normative”, “force normative”, “portée normative”, “puissance normative”, “effet normatif”, “caractère normatif”, ainsi qu’avec “pouvoir normatif” ou encore “contenu normatif”, pour n’en citer que quelques uns. Quant à leur signification, il est assez fréquent que, de manière restrictive, la norme soit assimilée à la règle et le normatif à l’obligatoire. Mais il n’est pas moins rare que les auteurs utilisent ces termes dans des sens bien plus flous et élastiques, en tout cas plus larges que ceux de règle et d’obligatoire 8. Il y a alors place pour des valeurs normatives plus ou moins fortes ou des instruments ou des énoncés normatifs plus ou moins obligatoires. Il peut paraître curieux qu’un terme aussi fondamental du vocabulaire juridique fasse l’objet d’usages aussi contrastés. Plus curieusement encore, mais ceci explique peut- être cela, s’il se trouve beaucoup de travaux sur les normes 9 ou sur certaines normes 10 , il en est très peu sur la norme elle-même 11, alors qu’il s’agit d’un concept-clé du droit, discipline normative s’il en est 12. 4 W. Wundt, Ethik, 1886. Cpdt, P.J. Proudhon, pour la “norme conjugale”, in Système des contradictions économiques, ou Philosophie de la misère, vol. 1, 1846. 5 Selon A. Lalande, Vocabulaire technique et critique de la philosophie,15è éd. 1985, “Ce terme, très rare autrefois, est devenu depuis quelques années d’un usage courant (comparer l’article Norm dans Eiseler, 1ère éd. 1899 et 3è éd. 1910). Quant à ses dérivés : normativité (1949), normativisme (1935) et normativiste (1968)” : A. Lalande, Norme, Vocabulaire technique et critique de la philosophie, 1ère éd. 1926, Puf, Quadrige, 15è éd. 1985. V. cpdt chez Cicéron, les deux sens du terme “Norma” , désignant à la fois l’équerre et la norme, l’outil et le principe directeur de l’action, V° Normal, Encyclopédie philosophique universelle, Les notions philosophiques, Puf. 6 Après une première utilisation chez le juriste Ernst Bierling, Des normes et de leur transgression, 1872-1916. 7 O. Pfersmann, Norme, Dictionnaire de la culture juridique, dir. D. Alland et S. Rials, Lamy // Puf, 2003. 8 Pour une illustration en droit financier, T. Granier, in Droit financier, dir. d’A. Couret et H. Le Nabasque, Précis Dalloz, 2008 (à paraître), qui, à propos de la régulation exercée par l’Autorité des marchés financiers, évoque l’ “édifice normatif” encadrant les marchés financiers (n°44), composé notamment d’instructions, de recommandations, de communiqués, de positions ou de rescrits (n°304). 9 Normes, normes juridiques, normes pénales, Pour une sociologie des frontières, Ph. Robert, F. Soubiran-Paillet, M. van de Kerchove, (dir.), t. 1, L’Harmattan, Logiques sociales, 2000. 10 Par ex : G. Tusseau, Les normes d’habilitation, Dalloz, 2006 ; C. Pérès-Dourdou, La règle supplétive, LGDJ, t. 421, 2004 : F. Violet, Articulation entre la norme technique et la règle de droit, Puam, 2003. 11 Pour le même constat à propos de la règle de droit, J.F. Perrin, Règle, in Vocabulaire fondamental du droit, A.P.D., t.35, 1990, p.245, n°1. 12 Même si tout le droit ne se réduit pas aux normes : on peut en effet concevoir que le droit soit plus vaste que les seules normes. Par ex., sur la distinction, parmi les textes juridiques, entre les “textes normatifs”, destinés à produire des effets de droit, et les “textes informatifs”, constituant des discours sur le droit, v. E. Millard, in E. Matzner (dir.), Droit et langues étrangères 2, traductions juridiques, domaine du juriste, du linguiste ou du jurilinguiste ?, Actes du colloque de l’Université de Perpignan, 14 et 15 Avril 2000, Presses univ. de Perpignan, 2001, p.156. Norme et normativité 13 , concepts juridiques clefs, dans le passage d’un droit moderne à un droit “postmoderne”. La compréhension de la normativité par les juristes et par les juges est intimement reliée à la conception qu’ils se font du droit. Dans une conception positiviste et formelle du droit, la normativité découle de l’appartenance de la norme à un ordre normatif, ce qui suppose qu’elle émane de uploads/S4/ au-coeur-de-la-norme-le-trace-et-la-mesu-pdf.pdf

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  • Publié le Nov 17, 2022
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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